Je voudrais tout d'abord saluer la plupart des orateurs qui se sont exprimés avant moi, avec beaucoup de compétence et de profondeur, notamment le président Bourlanges, dans le cadre de ce débat relatif à la guerre en Ukraine et à ses conséquences pour la France.
Ensuite, je tiens à remercier la présidente de l'Assemblée nationale qui, la semaine dernière, a mené une délégation, composée de six parlementaires, dont trois présidents de commission – M. Bourlanges, M. Anglade et moi-même –, en Pologne et en Ukraine. Ce déplacement s'est révélé très utile en vue de l'organisation d'un débat de qualité.
Voici à présent un aperçu de la situation opérationnelle sur place. Après l'échec de l'attaque russe en février, la guerre s'installe dans la durée. À l'Ukraine fragilisée que nous avons connue se substitue progressivement une Ukraine fortifiée par le soutien occidental mais aussi et surtout par son propre peuple qui se montre admirable de courage, de ténacité et de résilience.
Cependant, soyons prudents, Tout reste encore possible, et il y a en particulier des risques d'escalade. Au-delà de l'Ukraine, nous devons tous être conscients que cette guerre représente un risque pour le monde. Nous observons les prémices d'une guerre hybride généralisée dans tous les champs possibles de conflictualité : espace, information, alimentation, énergie, cyberespace. Résister à la loi du plus fort, ce n'est pas être un va-t-en-guerre mais comprendre que pour sauver la paix il faut parfois assumer le coût de la guerre.
C'est pourquoi, nous pouvons nous honorer que, depuis le déclenchement du conflit, la France ait été au rendez-vous de ses responsabilités. Présidente du Conseil de l'Union européenne durant le premier semestre 2022, la France a contribué puissamment à la mobilisation européenne, qui s'est traduite par l'utilisation massive de la facilité européenne pour la paix et par des sanctions historiques contre la Russie. La France a démontré sa solidarité stratégique à travers une aide militaire directe apportée à l'Ukraine, en lui cédant d'importants équipements, mais aussi indirectement, en déployant des forces sur le flanc oriental de l'Union européenne dans le cadre de l'Otan. La commission de la défense nationale et des forces armées s'est d'ailleurs rendue sur le terrain dès le mois de juillet, aussi bien en Roumanie qu'en Estonie, pour le constater.
Mais nous devons également être conscients du fait que le soutien à l'Ukraine dévoile certaines de nos fragilités. En livrant par exemple dix-huit canons Caesar – ce qui reste modeste à l'échelle du conflit –, nous avons cédé près du quart de notre artillerie. Même si l'armée française est probablement la meilleure d'Europe, nos démocraties européennes sont de moins en moins capables de soutenir une guerre de haute intensité. Le conflit ukrainien démontre cruellement que, comme nous l'avions anticipé en 2017, nous avons changé d'époque et qu'il faut continuer à nous adapter, plus rapidement.
Pour assumer sa part de responsabilité, la commission de la défense nationale et des forces armées s'est fixé trois grands objectifs.
Premièrement, il faut contribuer activement à ce que notre pays fasse les meilleurs choix pour son outil de défense. Les choix opérés lors du dernier quinquennat, marqué par une loi de programmation historique et respectée à l'euro près, ont permis d'engager une phase de réparation de nos armées. Alors que le projet de loi de finances pour 2023 prévoit une hausse de 3 milliards d'euros, la future loi de programmation militaire 2024-2030 sera déterminante pour renforcer nos capacités militaires.
Je signale qu'une audition du ministre des armées, accompagné exceptionnellement de l'ensemble de ses chefs d'état-major, se tiendra ce mercredi à seize heures en salle Lamartine où vous êtes tous les bienvenus si vous souhaitez mieux appréhender ces questions.
Deuxièmement, au-delà des choix capacitaires opérés dans le cadre des lois de programmation militaire, nous souhaitons, au sein de la commission, faire en sorte que la défense redevienne pleinement l'affaire de tous, car il n'existe aucune défense militaire efficace sans une mobilisation de l'ensemble des forces vives de la nation. L'Ukraine en est un puissant exemple. La société française doit réapprendre la défense globale, concept défini dans les années 1950, qui repose sur le travail interministériel, l'engagement des citoyens et la résilience nationale. À cet égard, le service national universel constitue un projet majeur pour notre pays.
Enfin, la commission s'engage à mettre la diplomatie parlementaire au service des intérêts de notre défense. Nous chercherons la convergence des cultures stratégiques afin de permettre l'émergence d'une Europe puissance, pleinement articulée avec l'Otan, sans oublier nos partenaires en Afrique ni ceux de la zone indo-pacifique.
Au-delà de l'enjeu Ukrainien, la dangerosité du monde nous impose de construire le modèle de défense français et européen de demain. Ensemble, nous serons au rendez-vous de l'histoire.