Voilà déjà plus de sept mois que l'horreur a resurgi à l'est de notre continent. Des dizaines de milliers de pertes civiles, des millions de personnes contraintes à l'exil, des centaines de milliards d'euros de dégâts matériels : le bilan de cette effroyable guerre décidée par un seul homme est à l'évidence une tragédie pour l'Europe et pour le monde. La mégalomanie du régime de Vladimir Poutine vient encore – on l'a rappelé – de monter d'un cran avec les référendums unilatéraux et illégaux organisés dans les quatre oblasts de l'Est ukrainien. Cette véritable mascarade ne servira qu'à justifier l'occupation et la violation de l'intégrité territoriale de l'Ukraine, que jamais nous ne reconnaîtrons.
Je veux rendre hommage à tous les formidables mouvements de solidarité qui, depuis le début du conflit, se sont organisés aux quatre coins du monde pour aider la population ukrainienne. J'en ai moi-même été témoin en mars en me rendant à Lviv, en Ukraine, ainsi qu'à l'est de la Pologne, aux côtés d'ONG françaises et autres qui accomplissent sur place un remarquable travail de mobilisation humanitaire, médicale et sociale. Notre assemblée doit elle aussi être au rendez-vous et je salue à mon tour, madame la présidente, l'initiative de coopération que vous avez lancée conjointement avec le parlement ukrainien à l'occasion de votre déplacement en Ukraine avec plusieurs de nos collègues.
La France est active dans le soutien militaire à l'Ukraine, mais nous devons déjà penser à préparer la paix et donc la reconstruction de ce pays meurtri, à laquelle notre pays, avec l'Union européenne, devra participer. Vous l'avez dit, madame la Première ministre : ce sujet n'est en rien prématuré. Le processus de reconstruction devra être inclusif et intégrer la société civile, les mouvements sociaux et les syndicats ukrainiens, avec lesquels j'échangeais il y a quelques jours par visioconférence. Ce processus devra naturellement tenir compte des dimensions sociale et écologique, au moment où la situation autour de la centrale de Zaporijjia fait courir le risque d'une nouvelle catastrophe nucléaire.
Puisque nous sommes invités, à l'occasion de ce débat, à nous interroger sur les conséquences du conflit pour notre pays, est-il besoin d'en rappeler les répercussions sur notre sol et ce qu'il nous impose ? La crise énergétique que nous connaissons aura un fort impact sur nos concitoyennes et nos concitoyens cet hiver. Pourtant, organiser la sobriété énergétique, rénover les passoires énergétiques, investir massivement dans les énergies renouvelables, l'urgence climatique nous impose tout cela depuis bien avant ce conflit tragique et à notre sens, les gouvernements précédents n'ont hélas jamais su prendre la pleine mesure de la situation. Nous espérons que cette fois-ci, les actes seront au rendez-vous ; la représentation nationale aura très prochainement l'occasion d'y veiller.
Nous interroger sur les conséquences du conflit, c'est également prendre la mesure d'un danger qui pose la question de la gestion diplomatique française et européenne de cette crise – question qu'a également évoquée Jean-Paul Lecoq. Nous n'en sommes pas encore au « choc des civilisations » de Huntington, mais lorsqu'en Afrique on s'en prend à la France et qu'on glorifie la Russie, et lorsqu'en Amérique latine on en vient, au nom de l'anti-impérialisme américain, à soutenir Poutine contre l'agresseur américain et l'Otan, j'y vois un motif d'inquiétude profonde, notamment pour celles et ceux qui ont forgé leur engagement politique autour des luttes anti-impérialistes en Amérique latine. Pour certains en Afrique, en Amérique latine et au Moyen-Orient, le dictateur impérialiste Poutine serait devenu le héros d'un nouveau mouvement des non-alignés. Comment n'avons-nous pas pu empêcher cela ?
Ce risque nous incite aussi à nous interroger sur notre diplomatie. Il ne doit évidemment rien enlever – bien au contraire – à notre détermination à soutenir l'Ukraine, aujourd'hui comme demain, mais il nous impose de convaincre partout de qui est l'agresseur et de qui est l'agressé. Il faut donc pratiquer une diplomatie exemplaire – mais nous aurons d'autres occasions d'avoir ce débat, madame la ministre des affaires étrangères.
S'il existe un impérialisme, c'est bien celui du régime russe. C'est bien la Russie impérialiste et dictatoriale qui s'en est prise à un pays démocratique, qui tente d'annexer l'Est de l'Ukraine comme la Crimée en 2014, et qui envoie sa milice Wagner, composée de repris de justice, en Ukraine comme en Afrique ou au Proche-Orient, pour soutenir des dictatures comme celle de Bachar al-Assad.
À l'heure où Vladimir Poutine et son allié tchétchène Ramzan Kadyrov agitent la menace nucléaire, la priorité absolue réside dans la désescalade. Plus que jamais, les défenseurs de la démocratie doivent continuer d'afficher leur unité pour s'opposer à la spirale de la guerre et de l'impérialisme.