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Intervention de Aurélien Taché

Séance en hémicycle du lundi 3 octobre 2022 à 16h00
Déclaration du gouvernement relative à la guerre en ukraine et aux conséquences pour la france

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAurélien Taché :

Je souhaite débuter mon intervention en rendant hommage au peuple ukrainien, qui fait preuve d'un courage sans faille face à l'invasion russe qui a débuté le 24 février dernier. Je salue la délégation présente dans cet hémicycle pour assister aux débats de notre assemblée.

Le 21 septembre, le ministre russe de la défense a affirmé qu'il ne combattait « pas tant l'Ukraine que l'Occident ». Ce message très direct envoyé aux Occidentaux ainsi que la nouvelle loi sur la mobilisation partielle décidée par Vladimir Poutine doivent nous conduire à ne plus tergiverser au sujet de l'attitude à adopter à l'égard du régime russe et des sanctions que nous prenons contre lui. Elle doit aussi nous conduire à questionner profondément notre incapacité à trouver des alliés au Sud, laissant de ce fait la possibilité au maître du Kremlin de se présenter comme l'hypothétique chef d'un axe non aligné soudainement ressuscité, en s'appuyant notamment sur les échecs et les manquements de la France en Afrique.

A-t-on déjà oublié que, depuis l'arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine, la Russie n'a cessé de s'éloigner des idéaux démocratiques et de l'inaliénable droit des peuples à disposer d'eux-mêmes ? Peut-être y avons-nous une part de responsabilité. La Russie s'affirme désormais comme une autocratie impérialiste, fondant son pouvoir sur l'expansion militaire à l'extérieur et sur un nationalisme autoritaire écrasant les opposants et les minorités à l'intérieur. L'invasion de l'Ukraine en est le dernier et terrible avatar.

Poutine réalise ainsi les rêves les plus fous de l'extrême droite russe, notamment ceux de l'idéologue Alexandre Douguine, partisan d'une Eurasie qui écraserait l'Orient comme l'Occident. Poutine ne s'arrêtera plus.

Sans nul doute, l'appui militaire apporté aux forces ukrainiennes a fonctionné. Il convient donc de poursuivre et de renforcer cet effort : madame la Première ministre, monsieur le ministre des armées, les canons Caesar attendus par les Ukrainiens ainsi que de nouvelles défenses antiaériennes à même de protéger les populations civiles des bombardements doivent être livrés sans plus attendre.

Nous devons également adopter une position beaucoup plus claire quant à la présence des entreprises françaises restant en Russie. Notre économie ne doit pas devenir une partie de l'arsenal du criminel de guerre Vladimir Poutine.

Au début de ce conflit, la France était le deuxième investisseur étranger en Russie et les entreprises françaises présentes sur ces territoires se sont retrouvées confrontées à un dilemme : privilégier le business ou l'éthique ; les profits ou l'humanisme ; l'argent ou les principes.

Dès le début du mois de mars, Emmanuel Macron a choisi de « laisser les entreprises décider pour elles-mêmes ». Une analyse récente de la Kyiv School of Economics révèle que les entreprises françaises emploient 123 642 personnes en Russie. Si le libre choix laissé aux entreprises par le Président de la République au début du conflit soulevait déjà des interrogations, cette position est désormais intenable. L'appel à la mobilisation partielle du 21 septembre nous oblige à ouvrir les yeux sur le rôle que pourraient désormais jouer ces salariés – plus de 123 000 – dans le conflit.

En effet, la loi russe oblige toutes les organisations, y compris les entreprises internationales, à procéder à l'enregistrement militaire du personnel, si au moins un des employés est susceptible d'effectuer son service militaire. Elles doivent également aider à remettre les convocations de l'armée à leurs employés, assurer la livraison d'équipements aux points de rassemblement ou aux unités militaires, et fournir des moyens ainsi que des renseignements.

Madame la Première ministre, cette nouvelle donne doit nous conduire à prendre une position claire sur ce sujet. La semaine dernière, le collectif StandWithUkraine a lancé une campagne accusant les sociétés étrangères en Russie de « participer à la mobilisation criminelle du Kremlin en aidant à la conscription de soldats et à l'équipement de l'armée » ; nous ne pouvons y rester insensibles. La France doit désormais être exemplaire dans ce domaine.

Fin août, le président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, prenait la défense des entreprises françaises qui ont choisi de maintenir des activités en Russie, affirmant que « ce ne sont pas les sanctions qui feront changer le régime ». Une étude de l'Université de Yale parue au début du mois d'août dément pourtant ces allégations, ainsi que celles de tous ceux – notamment à l'extrême droite de cet hémicycle – qui affirment que les sanctions économiques infligées à Vladimir Poutine auraient en fait contribué à la prospérité de l'économie russe.

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