Je vous remercie pour cette communication, qui va nécessairement susciter des réactions.
Vous faites le constat que l'autonomie financière au sens constitutionnel est assurée et qu'elle augmente dans l'ensemble. Cependant, d'une part cela ne permet pas de dire que toutes les collectivités, dans le détail, vont bien financièrement, comme l'a d'ailleurs relevé André Laignel au dernier comité des finances locales. Par exemple, certains départements sont confrontés à une baisse des DMTO avec l'évolution du marché de l'immobilier, alors que les allocations individuelles de solidarité (AIS) restent une charge sur leurs budgets.
D'autre part, comme vous le rappelez d'ailleurs, l'autonomie financière ne prend pas en compte la ressource numéro un pour l'autofinancement des collectivités (la DGF) et pour l'investissement : le FCTVA. Or, la DGF a été d'abord rabotée par la contribution au redressement des finances publiques (CRFP), puis rongée par l'inflation pendant des années avant d'augmenter timidement l'année dernière.
Ensuite, cette autonomie financière n'est pas garantie dans le temps : elle repose sur le dynamisme des impôts d'État transférés : accise sur l'essence et le gazole et surtout TVA. Mais si la conjoncture se retourne, cette autonomie serait en péril. Pendant la crise Covid, lorsque la TVA a chuté de 15 milliards d'euros en 2020, seules les régions percevaient 4 milliards en remplacement de leur ancienne DGF. En 2023, avec le démembrement de la fiscalité locale (taxe d'habitation, CVAE) intervenu entretemps, toutes les catégories de collectivités perçoivent désormais plus de 50 milliards d'euros de TVA, laquelle représente aujourd'hui entre 15 et 20 % de leurs ressources globales.
C'est donc à mon sens une hypothèque que l'on fait peser sur les recettes des collectivités territoriales. L'État peut avoir recours à l'endettement pour faire face à une baisse brutale et imprévue de TVA. Mais l'endettement des collectivités est bien plus encadré et ne peut financer que l'investissement. Même si l'autonomie financière augmente, il existe donc un risque nouveau sur les recettes, que l'on réalisera seulement lors de la prochaine crise. Comment envisagez-vous de sécuriser les recettes des collectivités sur ce point ?
Ensuite, l'autonomie fiscale n'est autre que la maîtrise des élus sur leurs recettes. Les décideurs locaux élus démocratiquement veulent disposer de marges de manœuvre sur leurs recettes. Il en va de la réalité même de la démocratie locale qui est liée à l'impôt et au lien entre le contribuable et le territoire. Or le lien avec les habitants a été détruit avec la suppression de la taxe d'habitation, après la rupture avec les entreprises intervenue avec la suppression de la taxe professionnelle.
Mais quel sens aurait la constitutionnalisation d'une autonomie fiscale résiduelle lorsque l'on tend par ailleurs à limiter toujours davantage la liberté de choix des collectivités, avec la loi de programmation des finances publiques (LPFP), avec des contrats d'objectifs de dépenses, des sanctions en cas de dépassement ?
Enfin, vous relevez justement dans votre communication que les élus locaux ont un sentiment de perte de maîtrise sur leurs recettes. Mais c'est plus qu'un sentiment, c'est une réalité. Je rappelle que nos plus anciens impôts créés dans le sillage de la déclaration de 1789 qui proclamait le consentement à l'impôt et la nécessité d'une contribution publique, étaient des impôts locaux : contribution foncière, impôt sur les portes et fenêtres, contribution mobilière. Cet héritage fiscal a été détruit en quelques décennies, avec une accélération récente.
Quel est donc votre projet pour l'avenir ? Supprimer définitivement la fiscalité locale et partager une fiscalité nationale avec l'État sous le contrôle de ce dernier, ou recréer une fiscalité locale moderne et équitable ? Ce dernier élément recueille plutôt mes faveurs.