J'ai l'honneur de commenter l'exécution budgétaire pour l'année 2022 des programmes 109, 135 et 177.
Je commencerai par les aides personnelles au logement, relevant du programme 109. L'année 2022 a été la deuxième année de mise en œuvre de la contemporanéisation du calcul des aides. Cette mesure avait été très contestée. Or le montant des aides personnelles versées en 2022 à l'ensemble des bénéficiaires s'élève à 15,721 milliards d'euros. Il n'y a donc pas eu d'effondrement. Certes, le montant des aides versées aux bénéficiaires a légèrement diminué par rapport à 2021 – de près de 270 millions –, mais cela signifie que la santé économique des ménages qui percevaient cette manne s'est améliorée ; ceux dont les revenus ont baissé ont, quant à eux, touché davantage au titre de ces aides grâce à la règle de la contemporanéité. Du reste, en dehors de certaines difficultés de fonctionnement de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) au cours des deux premiers trimestres, il n'y a pas eu de difficultés majeures. La réforme a permis à l'ensemble des familles de bénéficier des aides au logement en fonction de la réalité de leur vie, annualisées sur les douze derniers mois et recalculées chaque trimestre. À en juger d'après les échos qui me sont parvenus, l'accueil est plutôt bon désormais, même de la part des représentants des locataires.
Au titre du programme 177, 2,885 milliards ont été dépensés en 2022. Cela me permet de dire que la véritable montée en puissance du plan « logement d'abord » a eu lieu durant cet exercice. On ne peut pas ne pas remercier l'ensemble du personnel de la Dihal et surtout ses partenaires, qui ont modifié en profondeur leurs pratiques professionnelles afin d'accompagner les demandeurs. L'objectif était de construire un véritable service public permettant à ces derniers de passer directement de la rue à un logement, sans devoir traverser la phase de l'hébergement dans un centre, qui est difficile pour les familles. Qui plus est, cette stratégie a permis de dégager des marges de manœuvre et de maintenir un nombre de places ouvertes plus élevé que prévu : 201 000 places étaient ouvertes au 31 décembre 2022, alors que l'objectif était de 193 000.
Lors de la discussion du projet de loi de finances, une crainte avait été exprimée : la baisse annoncée des financements accordés pour les places d'hébergement risquait de conduire à une situation sociale critique. Nous avons été rattrapés par le principe de réalité. La loi de finances de 2018 prévoyait 1 milliard pour l'hébergement d'urgence ; le montant est désormais de près de 3 milliards aujourd'hui.
En outre, le programme 177 a dû être utilisé pour faire face à l'arrivée des réfugiés Ukrainiens. Les crédits ont donc été augmentés de 234 millions d'euros lors de la seconde loi de finances rectificative de 2022 dont près de 100 millions d'euros ont été fléchés vers l'accueil des Ukrainiens. Ainsi, nous avons été au plus près des besoins des territoires et de ceux des personnes arrivées en France les plus démunies.
Le programme 135 a été exécuté à hauteur de 890 millions. Comme l'ensemble des membres de la commission, je suis déçu par le nombre d'agréments : 95 000 environ ont été donnés hors ANRU et Outre-mer. L'objectif visé était 125 000. La production de logement social est donc en deçà de la cible. On observe une diminution de 10 % du nombre d'agréments délivrés. De plus, les conséquences du covid se font sans doute sentir. En effet, le temps du logement est un temps long : les bâtiments sortent de terre trois ans après que les programmes ont reçu l'agrément. En l'occurrence, les dossiers de certains projets dans des zones d'aménagement concerté (ZAC) n'ont pas pu être déposés à temps, ce qui a entraîné des retards dans leur instruction.
À cela s'ajoute une appétence plus faible de certains territoires envers le logement social. Les majorités issues des dernières élections, notamment dans de très grandes métropoles, ont inventé une nouvelle pratique : on demande aux organismes ayant déposé des permis de construire de les retirer. L'importance de la nature et la volonté d'envisager autrement le mode urbain expliquent sans doute cette évolution. Quoi qu'il en soit, certaines ZAC sont dédiées à d'autres enjeux que la construction de logements après avoir été remises en question par des maires.
La production est estimée à 376 000 mises en chantier soit un niveau sensiblement inférieur au nombre de permis de construire délivrés, estimé à 482 000, et aux objectifs initiaux . Cela dit, certains experts estiment que, pour satisfaire la demande, il faudrait produire environ 395 000 logements. Nous ne sommes pas si éloignés de ce chiffre.
Pour conclure, je voudrais insister sur l'importance de décentraliser les compétences en matière de logement et d'hébergement. En effet, les maires et les présidents d'intercommunalité maîtrisent les schémas de cohérence territoriale (Scot), les programmes locaux de l'habitat (PLH) ou encore les plans locaux d'urbanisme intercommunaux (PLUI), c'est-à-dire tous les documents programmatiques. Ce sont eux qui signent les permis de construire et qui édifient les ZAC. Si, selon les termes de la loi d'orientation pour la ville, c'est le ministre chargé de cette question qui met en œuvre la politique du logement, il s'avère qu'il ne fait que constater ce que les territoires font d'une compétence qu'ils n'exercent pas.