Cette réunion, consacrée à l'exécution budgétaire de la mission Cohésion des territoires, est l'occasion de prendre du recul et de faire le bilan de l'année 2022. Celle-ci a été marquée par la crise géopolitique liée à la guerre en Ukraine, par la hausse des coûts de l'énergie et, plus largement, par un retour important de l'inflation.
Ce fut une année de transition, avec la fin du déploiement du plan France relance, la dernière année du quinquennat et le changement d'exécutif ; ce fut aussi une année de continuité, car certaines priorités sont restées inchangées, notamment celles consistant à protéger les plus fragiles, à favoriser l'émancipation des habitants des quartiers populaires et, plus généralement, à loger tous les Français, à chaque étape de leur parcours résidentiel, en construisant tous types de logement, là où sont les besoins, et en rénovant le parc pour l'adapter aux transitions écologique et démographique.
En ce qui concerne l'hébergement et la protection des plus fragiles, financés par le programme 177, la lutte que mène l'État contre le sans-abrisme connaît des résultats tangibles depuis 2017 : grâce à la rupture qu'a constituée l'introduction du principe du « logement d'abord » dans la conduite de cette politique publique, plus de 440 000 personnes sans domicile ont accédé à un logement. Je souhaite que nous amplifiions ce résultat à travers un plan « logement d'abord 2 », que je présenterai dans quelques mois. Nous nous inscrivons dans la continuité de la dynamique engagée avec le premier plan : 27 millions d'euros supplémentaires ont été consacrés à la création de places en pensions de famille et en intermédiation locative.
Pour accompagner ces changements de grande ampleur, le pilotage stratégique et budgétaire de cette politique publique a évolué en 2022 : la gouvernance centrale est désormais unifiée autour de la délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement (Dihal), responsable du programme 177, et le service public de la rue au logement a été lancé. Comme l'a fait la Cour des comptes dans sa note d'exécution budgétaire, je salue l'effort de pilotage budgétaire entrepris par la Dihal. Cet effort se poursuit, dans un objectif de performance sociale.
L'année 2022 a ainsi été marquée par l'engagement de transformations structurelles. De nouveaux outils de suivi et de pilotage ont été déployés, de manière à mieux maîtriser l'exécution du programme et anticiper les besoins. La détermination de cibles du parc d'hébergement, assortie d'une visibilité plus précoce s'agissant des crédits disponibles pour chaque région, a permis d'optimiser la gestion. En particulier, il n'y a pas eu d'ouvertures de crédits en fin de gestion et les chiffres retracent une baisse du coût unitaire par place entre 2021 et 2022, sans que la qualité de l'accompagnement faiblisse.
Au total, 200 000 places d'hébergement ont été maintenues ouvertes durant l'année, dans la continuité de l'effort accompli pendant la crise du covid.
Pour en finir à propos de ce volet, il convient de rappeler les 104 millions de crédits consacrés à la revalorisation salariale des travailleurs sociaux et les 100 millions destinés à l'accueil des réfugiés ukrainiens.
Le programme 109, ensuite, finance pour sa part les aides accordées directement ou indirectement aux personnes rencontrant des difficultés pour accéder à un logement décent ou à s'y maintenir durablement.
En 2022, le programme a consacré 13,1 milliards d'euros de crédits budgétaires à cette politique publique, sur les 15,7 milliards qui constituent l'ensemble des aides personnelles au logement, soit 83 %. Une participation des employeurs en faveur de l'accès et du maintien dans leur logement des ménages complète le financement de l'État.
Le programme 109 a connu une année de relative stabilité. Après un quinquennat marqué par la réforme du calcul des aides personnelles au logement (APL), désormais effectué en temps réel, le dispositif est sécurisé. Une revalorisation anticipée de 3,5 % est intervenue durant l'été, parallèlement au plafonnement de la hausse des loyers, grâce à la loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat, que vous avez votée en août 2022. Les APL sont un outil puissant de protection du pouvoir d'achat des ménages, en complément des mesures portant sur les factures d'énergie.
En 2022, des crédits ont été ouverts pour permettre l'application de mesures nouvelles bénéficiant en particulier aux territoires d'outre-mer : d'une part, l'élargissement des allocations logement à Saint-Pierre-et-Miquelon, prévu par la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (Elan), et, d'autre part, le conventionnement des logements-foyers, dans les départements d'outre-mer, pour le versement de l'aide personnalisée au logement, prévu dans la loi de finances pour 2022. La stabilité de ces dispositifs est confortée en 2023.
De manière plus prospective, les travaux en cours relatifs à la solidarité à la source pourront être un levier de simplification et de justice sociale.
S'agissant, enfin, du développement et de la qualité de l'offre de logement, le programme 135 permet de mettre en œuvre les aides à la pierre, lesquelles sont très majoritairement orientées vers le financement des logements sociaux et les ménages les plus modestes à travers le prêt locatif aidé d'intégration (PLAI). Le Fonds national des aides à la pierre (Fnap) est destiné à financer le logement social. Au-delà des dispositifs financiers, tous les leviers doivent être utilisés. Les maires, en particulier, peuvent jouer un rôle central, notamment grâce à la compensation intégrale par l'État, pendant les dix premières années, de l'exonération de taxe foncière pour les logements sociaux agréés. Cette mesure s'appliquera aux programmes agréés jusqu'en 2026.
En 2022, la production sociale a progressé de 5 % par rapport à l'année précédente. Au total, 109 751 logements locatifs sociaux ont été agréés : 95 679 au titre du financement par le Fnap, 3 639 outre-mer et 10 433 au titre de la reconstitution de l'offre dans le cadre de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru). La production de logements sociaux a donc bel et bien connu une hausse, même si elle est restée insuffisante.
L'aide à la relance de la construction durable a permis de verser, pour l'année 2022, dans le cadre d'un contrat signé avec les préfets, environ 130 millions à près de 500 communes situées dans les zones tendues et ayant dépassé les objectifs d'autorisation de logements. Grâce à elle, la production de logements dans les communes volontaires et dans les territoires en ayant le plus besoin a été accompagnée significativement. Dans le même temps, le dispositif a participé à la lutte contre l'artificialisation des sols. En effet, il favorise l'intensification urbaine grâce à la sélection d'opérations répondant à des critères de densité. Son succès montre qu'il est possible de construire plus en zones tendues, tout en restant en cohérence avec les objectifs en matière d'écologie. Nous poursuivrons donc la réflexion sur les suites qu'il convient de lui donner.
Le prêt à taux zéro (PTZ) a retrouvé de l'intérêt en cette période de taux élevés et dans le cadre de la dernière année du Pinel, avant le verdissement du dispositif.
Il faut construire plus, c'est un fait, mais il faut également rénover plus. C'est vrai, en particulier, dans le parc social. À cet égard, l'enveloppe dédiée à la relance a permis de financer la rénovation de 50 800 logements sociaux en 2021 et 2022. Nous poursuivons le mouvement cette année avec les 200 millions inscrits au Fnap, qui incluent une enveloppe octroyée à un dispositif expérimental visant à favoriser la seconde vie des logements.
Il faut également rénover plus dans le parc privé. Des moyens inédits ont été consacrés à cet objectif depuis 2020, et 1,5 million de chantiers ont été lancés – nous y reviendrons dans la seconde partie de la réunion.
Les efforts de l'État en matière de logement portent également sur la réhabilitation des logements – privés ou non –, en particulier pour lutter contre l'habitat indigne et dégradé. En 2022, 7 millions de crédits complémentaires ont été mobilisés afin d'améliorer les résultats en matière de lutte contre l'habitat indigne dans les six territoires d'accélération, à savoir la Seine-Saint-Denis, le Val-de-Marne, l'Essonne, les Alpes-Maritimes, les Bouches-du-Rhône et le Nord.
Je terminerai en évoquant le programme 147 Politique de la ville, auquel des moyens inédits ont été consacrés, dans la continuité des efforts consentis durant le quinquennat. Les crédits ont été consommés en totalité. Des crédits complémentaires ont même été prévus pour le dispositif Quartiers d'été – lequel, par ailleurs, a été pérennisé cette année.
En outre, les contrats de ville ont bénéficié de 370,4 millions. Ce sera le socle des futurs contrats de ville « Engagements quartiers 2030 », qui constitueront le cadre de l'ambition du Président de la République pour les quartiers populaires.
Enfin, 15 millions ont été versés à l'Anru. Le chiffre peut paraître faible, mais il s'explique par le fait que le niveau de la trésorerie de l'Anru était encore élevé fin 2022. Pour autant, le nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) se déploie. Tous les projets ont été validés et ils sont quasiment tous en chantier. Les paiements s'accélèrent et, en 2022, la barre du million d'euros versés par l'Anru a été franchie. L'État accompagne cette dynamique à hauteur de 50 millions dès 2024, car les décaissements s'accéléreront au même rythme que les projets, ce dont nous devons tous nous réjouir.
Dans un contexte de transition et de poursuite des travaux engagés, l'exécution budgétaire a permis de répondre aux grands enjeux. Il faut être vigilant aux dépenses, mais, en tout état de cause, nous ne dépensons pas trop pour le logement et pour les quartiers populaires. C'est d'autant plus vrai au regard des enjeux importants auxquels nous serons confrontés au cours des prochains mois et des prochaines années.