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Intervention de Carine David

Réunion du jeudi 1er juin 2023 à 14h05
Commission d'enquête sur le coût de la vie dans les collectivités territoriales régies par les articles 73 et 74 de la constitution

Carine David, professeur à l'université des Antilles – pôle Martinique :

Je vais à mon tour réagir par rapport aux questions posées, notamment par monsieur le rapporteur. Je commencerai par dire que je souscris entièrement à votre affirmation de départ sur le fait que le droit doit s'adapter à la réalité et non pas à l'inverse. Les propos que je tenais sur le principe d'égalité avaient bien cette dimension. L'État cherche souvent, même peut-être trop souvent pour les collectivités, à adapter la réalité aux territoires et pas l'inverse.

Je pense qu'aujourd'hui, les outils sont à disposition des collectivités, et là, on parle des collectivités de l'article 73. Je souscris aux propos de MM. Urvoas et Mélin-Soucramanien sur la fusion ou en tout cas l'article unique qui simplifierait énormément les choses aujourd'hui et qui permettrait d'individualiser les solutions qui peuvent être proposées aux collectivités.

Les termes utilisés en Martinique relèvent plutôt de la responsabilisation. Un processus de responsabilisation des collectivités qui pourraient prendre l'initiative. Je crois que c'est un mot important. L'une des demandes des collectivités, notamment de certaines collectivités de l'article 73, dont la Martinique et la Guyane, est de pouvoir prendre l'initiative. Le cadre actuel dans lequel évoluent la Martinique, la Guyane et les autres collectivités n'est pas du tout adapté. Faut-il s'en tenir à des retouches législatives ou aller vers une révision de la Constitution ? C'est un élément auquel il faut répondre. Ce qui est sûr aujourd'hui, c'est qu'on a énormément de problèmes d'application et de mise en œuvre de ces régimes d'adaptation. Vous avez par exemple des dispositions législatives prises par le Parlement qui renvoient à des textes réglementaires d'application. On constate cinq, dix ans, quinze ans, voire récemment, vingt ans après que le texte réglementaire n'a jamais été pris et qu'il n'y a eu pas de suivi des demandes. En fin d'année dernière, l'assemblée de la collectivité territoriale de Martinique a demandé à l'État de mettre en œuvre un certain nombre de textes, notamment en matière environnementale. Je n'ai pas entendu dire que cela a été fait pour le moment, mais la demande ne date que d'il y a six mois et peut-être faut-il donner le temps au temps. On retombe sur ce qu'on disait tout à l'heure sur le sous-dimensionnement de la DGOM, qui pose énormément de problèmes pour que l'État soit à même d'exercer ses compétences.

On peut souligner le fait que l'État ne remplit pas toujours ses obligations en termes normatifs vis-à-vis des collectivités ultramarines, mais il faut souligner aussi le manque de moyens que l'État se donne pour faire mettre en œuvre ces adaptations. On sait très bien que les habilitations aujourd'hui sont rejetées par l'ensemble des collectivités ultramarines parce qu'on en connaît les travers trop complexes, trop stricts.

On a des marges de manœuvre au niveau législatif, parce que, si on a des problématiques liées aux habilitations, c'est aussi parce que le législateur organique, quand il a mis en œuvre l'article 73 sur la question des habilitations, a fait en sorte que l'outil soit restrictif. On peut faire évoluer l'outil, mais je ne pense pas, même en le faisant évoluer, que cela réponde à ce que demandent aujourd'hui des collectivités comme la Martinique ou la Guyane. Il y a nécessité de faire évoluer le pouvoir normatif.

Je disais dans mes propos que cette évolution du pouvoir normatif est possible dans le cadre constitutionnel actuel, à condition de faire évoluer ces collectivités dans l'article 74. Mais ces collectivités se heurtent à ce fameux référendum de l'article 72-4. L'utilisation de l'article 72-4 pour l'ensemble des référendums organisés sur ce fondement, que ce soit pour Mayotte, pour Saint-Martin, pour Saint-Barthélemy ou encore pour la Guyane et la Martinique, est dévoyée. C'est-à-dire qu'on a posé une question confuse, difficilement lisible, aux populations, alors que dans les débats et dans le texte même de la Constitution, on voit bien que l'on doit interroger les populations sur un statut. Des discussions parlementaires le font apparaître.

Ce qui était voulu au départ, dans le cadre de l'article 72-4, était de demander aux populations de se prononcer non pas sur un passage de l'article 73 à l'article 74, qui est peu lisible pour les populations, mais sur un statut, pour que les populations puissent être à même de mesurer finalement le chèque qu'elles sont en train de signer. Sauf à faire une utilisation beaucoup plus rationnelle et conforme au texte de l'article 72-4, je suis d'avis que l'on doit nécessairement passer par une révision de la Constitution. Le problème, c'est la situation politique nationale, qui rend complexe cette question.

Sur la question des lois européennes, cette dichotomie RUP/PTOM est très gênante, puisqu'on conditionne des financements importants à l'applicabilité du droit de l'Union européenne dans les territoires, sous réserve des adaptations. Des réflexions commencent à poindre pour essayer de voir s'il ne faudrait pas faire évoluer cette catégorisation RUP/PTOM, parce que les collectivités françaises ne sont pas les seules à questionner cette dichotomie. Le professeur Mélin-Soucramanien parlait du Portugal : on voit effectivement le statut des Açores et de Madère, assez proche de celui de la Nouvelle-Calédonie ; et pourtant, ce sont des régions ultra-périphériques. On voit quand même que l'on peut jouir, dans le cadre du statut de RUP, d'une autonomie normative, qui peut répondre à un certain nombre de besoins sans sortir de ce statut de région ultrapériphérique.

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