Sur le point du prix au giga, les études s'entendent un instant T. Ce qui a été dit est vrai sur le mobile, sur les offres dématérialisées, qu'elles soient sous les marques Free, Red ou Sosh. Nous sommes tous en dessous des prix de la métropole, souvent avec plus d'abondance. Par définition, le prix au giga ne peut pas être plus élevé dans les départements d'Outre-mer (DOM).
Faut-il une péréquation et finalement un alignement complet des sociétés des DOM à leur maison-mère quand elles en ont une ? Nous sommes des organisations très décentralisées, avec une très forte autonomie de gestion. Pourquoi ? Pour répondre à des problématiques très spécifiques aux outre-mer. Si nous avions adopté un mode de normalisation via la métropole, que se serait-il passé ? Il ne vous a pas échappé qu'au cours des derniers mois, tous les tarifs en métropole ont augmenté, y compris des tarifs télécoms. C'est d'ailleurs vrai dans beaucoup de pays du monde. Dans les DOM-TOM, aucun d'entre nous n'a bougé ses prix. Cela veut dire que le bon niveau de concurrence est meilleur garant des prix. Les prix peuvent-ils augmenter ? Je n'ai pas la réponse à la question, mais j'aurais tendance à dire que le niveau de concurrence est quand même le meilleur garant.
Si on fait une péréquation, on a les mêmes standards à la fin, donc on a les mêmes standards d'investissement par abonné et les mêmes standards de qualité de service. Nous sommes tous un peu trop modestes autour de la table, mais la réalité, c'est que la qualité de service est meilleure dans les DOM-TOM qu'en métropole. L'Arcep a d'ailleurs indiqué, au sujet de La Réunion en 2022, qu'Orange, SFR et Hop « proposent une excellente qualité de service. On peut souligner des résultats de tests de streaming nettement supérieurs à la moyenne de la métropole. » On s'est organisé par la force des choses. La concurrence se fait en tirant les offres et la qualité de service vers le haut. C'est de cette manière que le marché s'est organisé depuis quelques années, avec des prix qui restent stables, mais avec une qualité de service qui fait qu'aujourd'hui, en FTTH et en abonnement fixe, il vaut mieux être à La Réunion, avec un débit FTTH de 320 Mb/s, plutôt qu'en métropole, où il n'est plus que de 200. La péréquation peut être très dangereuse.
On s'est beaucoup focalisé sur la partie technique et investissement, mais il faut aussi avoir en tête, et ça joue aussi beaucoup sur le fixe, que le mode de commercialisation de nos offres dans les DOM versus la métropole n'est pas du tout le même. Typiquement, nos ventes fixes se font principalement, voire exclusivement, en boutique. Nous avons très peu, et je pense que c'est la même chose pour mes concurrents, de souscriptions par Internet. Cette réalité impacte les coûts de commercialisation de nos offres. Ce n'est pas un choix, ce sont aussi les habitudes de consommation des Réunionnais, des Martiniquais et des Guyanais qui font qu'on a une très forte empreinte locale. Nous ne sommes pas les seuls à avoir des boutiques, avec de l'emploi et des coûts de structure que nous devons finalement amortir sur des territoires tout petits.
Pour résumer, ce n'est pas dans un problème de mauvaise volonté. Quand je regarde mon compte de pertes et profits – profit and loss account (P&L), il n'y a pas un facteur favorable pour les DOM. Tout est plus cher, sans exception. Même l'électricité, dont on peut penser que c'est le même tarif qu'en métropole, coûte un petit peu plus cher. Pourquoi ? Parce qu'il n'y a pas de concurrence et qu'on ne peut pas trouver de source de sources alternatives.
L'approche BQP n'est pas adaptée à notre industrie parce que notre industrie réinvestit son chiffre d'affaires. En dix ans, ce taux de réinvestissement a quasiment doublé en proportion du chiffre d'affaires. Si un distributeur de type grand magasin écrase sa marge et si vous transposez cela au télécom, au final on investira moins. Il s'en suivra moins de résilience.