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Intervention de Marie Lhermelin

Réunion du jeudi 1er juin 2023 à 14h05
Commission d'enquête sur le coût de la vie dans les collectivités territoriales régies par les articles 73 et 74 de la constitution

Marie Lhermelin, secrétaire générale adjointe, directrice des relations institutionnelles et de l'engagement du groupe Altice-SFR :

Je vous remercie de nous recevoir au cours de cette audition, qui nous donne l'occasion de vous éclairer sur les activités du groupe Altice dans les départements et régions d'outre-mer. Notre activité y est répartie en deux zones géographiques, la zone Antilles-Guyane d'une part, avec SFR Caraïbe où nous sommes présents depuis 2008 dans le fixe et depuis 2013 dans le mobile, et la zone Océan indien, d'autre part, avec SFR Réunion et SFR Mayotte.

L'activité fixe a été lancée en 2012, mais nous sommes présents depuis un peu plus longtemps sur le marché mobile, depuis 1995 à La Réunion et depuis 2001 à Mayotte. L'ensemble de ces entités représente près de 600 collaborateurs employés sur place. Chaque zone dispose de ses propres infrastructures de réseau fixe et mobile, de son propre réseau de distribution qui est un réseau important puisqu'on a 28 boutiques dans les Caraïbes et 19 pour La Réunion et Mayotte, de ses propres équipes d'ingénierie et de maintenance sur place.

Ces activités locales opèrent sous la marque SFR, mais disposent d'équipes de gestion dédiées aux départements d'outre-mer, qui sont en charge de définir notamment la stratégie marketing. Ces équipes définissent localement une stratégie tarifaire adaptée à chaque marché et à ses spécificités.

Altice investit très massivement dans les territoires ultramarins depuis de nombreuses années. Au cours des dix dernières années, nous avons investi 20 à 25 % de notre chiffre d'affaires local, ce qui représente plusieurs centaines de millions d'euros, dans le développement de nos réseaux et dans le raccordement de nos clients.

Ces investissements soutenus et les investissements des autres opérateurs d'infrastructures qui sont autour de la table permettent aux départements d'outre-mer d'être à l'avant-garde des services de télécommunication et j'en donnerai quelques illustrations. S'agissant des déploiements, La Réunion est reconnue comme un département de référence en matière de rapidité du déploiement de la fibre optique jusqu'au domicile – Fiber to the home ou FTTH, qui s'est fait rapidement par rapport aux autres zones en France.

Dès l'ouverture commerciale fin 2016, nous avons pu proposer sur l'ensemble des territoires sur lesquels nous sommes présents un taux de couverture 4G supérieur à 80 %. Enfin, la qualité de service en outre-mer est très régulièrement mise en avant dans les différentes enquêtes et c'est le cas de la dernière enquête annuelle Arcep Mobile 2022 ou des baromètres nPerf mobiles et fixes.

Aujourd'hui, sur ces territoires, le groupe Altice SFR occupe une place assez importante, avec au total près de 900 sites mobiles déployés sur les deux zones, et 99 % de ces sites équipés de la technologie 4G, ce qui représente une couverture de 92 à 99 % de la population selon les départements.

Sur le fixe, on compte environ 400 000 logements raccordables au FTTH, la fibre optique jusqu'au domicile, à La Réunion, qui ont été réalisés via l'opérateur d'infrastructures SFR via des co-investissements, et 300 000 logements raccordables aux Antilles-Guyane. Quant à Mayotte, un réseau FTTH d'initiative publique est en cours d'attribution sur la zone.

S'agissant des tarifs, qui est le cœur du sujet aujourd'hui, nous avons fait l'exercice d'analyser et de comparer nos offres fixes et mobiles en métropole et dans les départements et régions d'Outre-mer (DROM). Je précise d'entrée de jeu que des coûts techniques et structurels liés aux contraintes ultramarines pèsent spécifiquement sur nos investissements dans ces territoires. En complément de l'entretien des réseaux, la maintenance s'opère dans des conditions géographiques et météorologiques très spécifiques, qui génèrent des surcoûts significatifs. La taille des marchés, très inférieure à celle du territoire métropolitain, limite les effets d'échelle et réduit mécaniquement l'amortissement des coûts fixes.

Pour autant, nous offrons des services à des prix très compétitifs. Pour les mobiles, SFR Caraïbe et SFR Réunion proposent des offres d'entrée de gamme à des prix inférieurs à ceux proposés dans l'Hexagone. Pour le fixe, nos offres sont difficilement comparables entre elles parce qu'elles ne sont pas calibrées de la même manière avec de l'inclusion ou non de contenu TV premium, etc. Mais nous constatons qu'elles ont été, ces dernières années, continuellement enrichies tant sur les contenus qu'en termes de débit, sans s'accompagner d'une évolution des tarifs.

À titre indicatif, nous commercialisons par exemple une offre « starter fibre » à 39,99 euros sur la zone Antilles-Guyane, contre 34,99 euros pour SFR en métropole. Ces écarts tarifaires sur le fixe s'expliquent par le caractère insulaire des territoires et par l'absence d'effets d'échelle comparables à ceux de la métropole. Deux facteurs complexifient grandement nos déploiements : l'éloignement du territoire métropolitain d'une part et l'insularité d'autre part. Quand on parle d'éloignement territorial, pour être concret, on parle d'importation de capacités de stockage, d'acheminement du trafic télécom par le biais des câbles sous-marins. Ces problématiques, qui sont particulières, appellent des investissements très conséquents et des processus spécifiques qui n'ont évidemment pas d'équivalents en métropole. L'ensemble des équipements et matériels télécoms sont importés et donc soumis aux frais de transport et de stockage ainsi qu'aux droits et taxes locaux, pour un surcoût d'environ 15 à 20 %. Les stocks de construction et de maintenance doivent également être surdimensionnés pour anticiper les délais d'acheminement et les ruptures d'approvisionnement. Enfin, l'insularité et les besoins croissants de bandes passantes rendent indispensable d'investir lourdement en des capacités de transmission sur les câbles sous-marins.

À titre d'exemple, pour SFR Réunion seulement, l'effort d'investissement déployé dans la construction des câbles sous-marins s'élève à environ 4 millions d'euros par an, auxquels s'ajoutent 4 millions d'euros par an de dépenses liées au transport des équipements et du matériel importé. Ensuite, ces zones sont soumises à des risques climatiques très sérieux et dont les conséquences augmentent également nos investissements de façon non négligeable. Nous sommes soumis à des normes de construction et de protection des infrastructures particulièrement sévères, mais justifiées, qui engendrent un surcoût de construction de l'ordre de 30 % par rapport à la métropole. Nous devons par ailleurs maintenir perpétuellement un stock catastrophe minimal.

Enfin, les risques climatiques nécessitent d'anticiper en permanence la possibilité pour ces territoires de se retrouver coupés du reste du monde pendant un laps de temps indéterminé. Il est par conséquent impératif que nous disposions d'infrastructures de cœur de réseau sur chaque territoire, sans lesquelles les communications, même infra-territoriales, ne pourraient être maintenues en cas de coupure. Cela engendre des surcoûts d'investissement et de fonctionnement très importants.

Les territoires en outre-mer ne bénéficient pas d'effets d'échelle comparables à ceux de la métropole. Ainsi, quand une infrastructure de cœur de réseau en métropole sert plusieurs millions, voire des dizaines de millions d'habitants, elle ne sert que des milliers d'habitants dans les DROM. L'amortissement de ces investissements s'en trouve évidemment pénalisé.

Toutes ces problématiques d'infrastructures, d'équipements, d'acheminement, de stockage répondent à des spécificités propres aux régions d'outre-mer et engendrent intrinsèquement des coûts de production supplémentaires qui se répercutent sur nos tarifs commerciaux.

Sur ce point, il faut noter que le territoire de La Réunion est un peu plus favorisé que les autres territoires, puisque la population réunionnaise est quasiment équivalente à celle des Antilles-Guyane au total, ce qui explique en partie l'écart de prix que l'on peut observer sur le fixe entre les deux zones. En partie seulement parce que l'écart de prix est aussi expliqué par le nombre plus important de câbles sous-marins qui sont nécessaires sur la zone Antilles-Guyane.

En conclusion, je voudrais souligner que la concurrence sur les territoires d'outre-mer est particulièrement rude. La bataille des prix entre les opérateurs est très présente, avec des prix très attractifs sur le mobile, tout le monde l'a souligné, et un peu plus élevés sur le fixe, du fait notamment des coûts d'infrastructures que je viens de détailler. Les tarifs de nos offres dans les territoires ultramarins sont adaptés au plus juste à chaque marché, en tenant compte des spécificités territoriales et économiques.

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