J'encourage chacun à prendre une pelle et une pioche et à venir faire de l'agriculture en Martinique, en Guadeloupe, en Guyane ou à La Réunion pour voir si l'on devient rentier en faisant cela. Il se trouve que le propos est excessif et déplacé, voire peu respectueux du travail engagé. Le travail agricole dans les départements d'outre-mer est très compliqué : il y a des impasses phytosanitaires considérables, des impacts colossaux liés à l'éloignement, à la difficulté de commercialiser les production, àla nécessité de résister à la concurrence de l'import de métropole et des pays avoisinants. Bref, tout est compliqué, de la production à la commercialisation, et tout est très sensiblement plus compliqué qu'en métropole. On parle de rentes, mais les gens que je rencontre sont assez peu dans leur hamac à attendre que les subventions tombent.
Je réponds à la question suivante, relative aux petits producteurs. Ils sont très nombreux et regroupés dans des organisations de producteurs. Vous avez rencontré un certain nombre de gens qui se disent insatisfaits du fonctionnement en organisation collective. Vous me permettez deux remarques.
La première, c'est que les pouvoirs publics, singulièrement le Président de la République, nous incitent à tendre vers une organisation toujours plus forte de la production, tout simplement parce que quand vous avez face à vous des importateurs, des mûrisseurs et des réseaux de distribution situés en métropole, vous avez intérêt à être unis au risque de vous faire rapidement casser les reins s'agissant des prix d'achat de vos productions. J'en veux pour preuve le système qui existait en Martinique et en Guadeloupe jusqu'au début des années 2000. Chacun s'en rappelle, la banane était pour ainsi dire morte. Les entreprises fermaient les unes après les autres, les faillites se multipliaient, la production de bananes était plus que menacée. Pourquoi ? Tout simplement parce que les producteurs de bananes étaient divisés. Il y avait plusieurs organisations de producteurs qui suivaient chacune leur logique commerciale, avec leur réseau de distribution et, au final, chacune se faisait concurrence. Qui tirait son épingle du jeu de ce système ? Ceux qui ne produisaient pas de bananes, qui étaient en métropole, amenaient les bananes en métropole, les faisaient mûrir, les distribuaient et les commercialisaient. La grande innovation de la filière des bananes a été de créer l'unité à l'intérieur de chacune des deux îles, en Martinique et en Guadeloupe, où je crois qu'il y avait deux groupements sur une île et trois groupements sur l'autre. Les producteurs de bananes ont donc réussi cette unité, avec un seul groupement par île, puis une union générale qui assurait la liaison entre les deux producteurs. La démarche a souvent permis de mettre dehors les importateurs, souvent métropolitains, de prendre leur place, de racheter un réseau de mûrisserie et de commercialiser la production de bananes pour le compte des producteurs.
L'UGPBAN et les outils de commercialisation appartiennent aux producteurs de bananes, si bien que par rapport à la situation du début des années 2000, les producteurs de bananes maîtrisent l'intégralité du circuit depuis le vitroplant qu'ils mettent en terre jusqu'à l'installation des bananes dans la grande distribution. Cela n'est possible que parce qu'il y a une unité. Dès lors que l'on recrée de la division, on revient au système précédent, on recrée des voies de concurrence interne aux deux îles et donc de la misère à peu près partout.
S'agissant plus particulièrement des petits producteurs, les groupements sont très attentifs à maintenir un profil stable de la production de bananes. De nombreuses actions sont engagées, très dynamiques et volontaristes, pour accompagner les petits producteurs. Par exemple, les producteurs de moins de 500 tonnes bénéficient d'un prix d'achat garanti minimum de douze euros la caisse de bananes, quel que soit le cours. Si les prix sont supérieurs, on privilégie le prix le plus fort. Si les prix sont inférieurs à douze euros, ils touchent douze euros quoiqu'il arrive. Banamart a acheté une mûrisserie locale destinée à acquérir les bananes, principalement des petits producteurs, pour pouvoir les commercialiser aussi sur le marché local, où l'on trouvait insuffisamment de bananes locales. Évidemment, les bananes qui sont mûries et distribuées localement coûtent moins cher que celles en métropole puisqu'il n'y a pas les coûts de stockage, de fret et de mûrisserie, si bien que le petit producteur qui livre ses produits pour la mûrisserie locale gagne plus d'argent que s'il expédiait ses bananes.
Je terminerai par deux exemples. En Guadeloupe, le groupement de producteurs LPG, qui va bientôt être imité par le groupement martiniquais, a construit à ses frais une station d'emballage collective, inaugurée par le ministre Jean-François Carenco. Là aussi, après la production des bananes, il faut les mettre en carton pour l'expédition. Quand on est un petit producteur, il est un peu compliqué d'avoir une station d'emballage pour soi-même. Nous avons donc commencé à mettre en place des stations d'emballage collectives. Le producteur, et singulièrement le petit producteur, n'aura plus qu'à produire ses bananes, à les apporter à la station où elles seront prises en charge pour l'emballage et l'expédition, ce qui va être un soulagement important de la charge de travail pour les petits producteurs.
Je vous cite des exemples comme ils me viennent, parce que je pense que le procès qui est fait à Banamart est assez injuste. Nous sommes en train de demander une modification des mesures du Posei afin que les petits producteurs de bananes puissent recevoir une aide lorsqu'ils sont en dessous des 500 tonnes, qui serait majorée de 5 à 7 % supplémentaires par rapport aux producteurs qui feraient plus de 500 tonnes. C'est-à-dire qu'au lieu d'avoir 404 euros par tonne, ce qui correspond à l'aide à la tonne versée à tous les producteurs, on serait autour de 430 ou 440 euros. C'est beaucoup multiplié par 500 tonnes. C'est un apport d'argent qui n'est pas négligeable et qui va leur permettre de faire face à la maladie actuelle que vous connaissez bien, monsieur le rapporteur, la cercosporiose noire. Elle rend la situation des producteurs extrêmement difficile vis-à-vis des produits phytosanitaires.