Je vais apporter un certain nombre d'éclairages sur des points évoqués, dont celui relatif au container de pâtes. Ce container, au départ, coûte 5 000 euros pour transporter une marchandise, quelle qu'elle soit. Ce point est déterminant et, bien souvent, on a le sentiment qu'il n'est recoupé que sous l'angle de positions que pourrait détenir l'importateur que nous sommes à ce moment-là.
En réalité, quatorze positions entourent le transport d'un container. Vous aurez les éléments bien précis, qui vont de l'empotage jusqu'au traitement à l'arrivée portuaire. Sur ces quatorze positions, nous n'en maîtrisons que trois.
Le container de pâtes illustre la problématique que nous rencontrons dans la perception de la cherté de la vie, qui est d'abord un élément de différentiel de prix entre la métropole et les outre-mer. Pour un container de pâtes d'une valeur de marchandise de 20 000 euros, vous trouvez 26 % de frais liés au coût d'acheminement. Ce sont les fameux 5 000 euros, ou plutôt 5 200 euros, qu'évoquait Stéphane Hayot, donc 26 % de la valeur d'achat de ces marchandises. L'octroi de mer, qui est à 9,5 % à la Martinique, représente 2 379 euros. Il faut aussi parler des coûts en amont de centrales d'achats et de plateformes, à hauteur de 7 %.
Au final, le container de pâtes qui touche le sol de la Martinique coûte 46 % plus cher que son prix de départ. Autrement dit, vous avez déjà quasiment 50 % de coûts supplémentaires avant que le produit ne soit vendu. La valeur de la marchandise est de 20 000 euros et 5 000 euros sont déjà affectés à cette valeur de marchandise.
Je prends un autre exemple assez significatif qui concerne l'eau. L'eau est une faible valeur. Vous avez 3 000 euros d'achat pour un container d'eau à quarante pieds. Au final, le coût d'acheminement représentera 173 % de la valeur de l'eau, les fameux 5 200 euros. Vous voyez que la constance de ces 5 200 euros ne prend pas le même sens en fonction de la marchandise que vous transportez.
Là encore, en bout de chaîne, toute taxe et tout élément qui vient impacter cette valeur de marchandise au départ prend une proportion que je qualifierais d'inflationniste. L'octroi de mer sur l'eau, qui est à 22,5, représente 51 % de la valeur de la marchandise de départ. Voilà comment un produit sur lequel aucun acteur n'aura fait la moindre marge touchera le sol antillais 232 % plus cher que sa valeur de départ. Personne n'a pris de marge à ce stade. Et à l'inverse, vous avez le container de télévisions qui, pour une valeur de 500 000 euros, va supporter également ces 5 200 euros. À la fin, ces 5 200 euros sur 500 000 représentent quantité quasi négligeable, soit 1 %. L'octroi de mer est à 10 %. Le produit va revenir 19 % plus cher que le prix de départ à la Martinique. En plus, vous aurez un différentiel de TVA sur ce type de produit à 8,5 % contre 20 % en métropole. Au final, le produit peut être 10 % plus cher arrivé à la Martinique.
Cela signifie que certaines catégories de produits absorbent ou supportent l'impact du transport beaucoup mieux que d'autres. Lorsqu'on parle de cherté de la vie, je n'ai pas le sentiment qu'au départ, on parle de la télévision Sony ou de l'iPhone. On parle des pâtes, du riz, des éléments essentiels à l'alimentation de nos compatriotes.
C'est la raison pour laquelle, dans les propositions que nous avions faites, lorsqu'il y a en face le bouclier qualité-prix (BQP) proposé dans les territoires qui va de 130 à 150 produits, nous avons considéré qu'il serait judicieux de tenir compte de cette problématique structurelle et de prendre en compte ces postes les plus importants, en l'occurrence le transport, le fret et l'octroi de mer, sans pour autant pénaliser les acteurs qui bénéficient de ces recettes, pour les soustraire du prix de revient des marchandises. Le but est d'abaisser le coût de revient des produits de première nécessité et donc le prix de revente. Il convient de les reporter sur d'autres produits. Si ma télévision coûte 15 % plus cher plutôt que 10 %, j'ai le sentiment que l'on touche à des produits de moindre importance dans la vie courante par rapport aux pâtes ou au riz.
C'est la base de réflexion de notre principe de péréquation, en tenant compte justement de cette structure de composition des prix. Cette solution fait sens parce qu'elle permet non pas de toucher 150 produits, comme c'est le cas à travers le BQP à La Réunion, mais 2 500 produits.
La question est de savoir si on veut réellement agir structurellement pour la baisse des prix en outre-mer. Il faut savoir aussi attaquer, d'abord en identifiant correctement les problématiques, non pas avec un parti pris, mais avec une réalité d'éléments qui permettent d'agir efficacement et de proposer de vraies solutions.
J'apporterai enfin deux réponses, notamment à la problématique d'achat et sur le fait que nous achetons auprès de nos plateformes Carrefour. Nous achetons globalement notre marque propre. Chaque enseigne achète sa marque propre auprès de ces plateformes ou éventuellement auprès de fournisseurs en direct. Nous avons en général 30 % d'approvisionnement réalisés par ce biais, 35 % avec des grossistes et le reste à partir de la production locale. Nous faisons le choix d'approvisionner notre marque propre parce qu'évidemment, elle n'est pas produite localement et qu'elle est liée à notre franchiseur. Ce sont des choix d'optimisation. Partout, nous avons les volumes suffisants. Nous cherchons à sourcer directement chez l'industriel. Nous acheminons cette marchandise dans nos entrepôts et ensuite, nous la rapatrions vers nos territoires. Lorsque nous avons des références qui sont à faible rotation, nous les commandons, quel que soit le distributeur, sur nos plateformes, nous les acheminons dans un entrepôt et ensuite, la marchandise est distribuée. C'est le processus d'achat.
S'agissant des surcoûts liés au stockage, lorsque j'ai évoqué les 35 % ou 40 % que nous achetons chez des grossistes, nous ne le faisons pas par plaisir. Les grossistes dont nous détenons les sociétés ne représentent que 4 % du chiffre d'affaires et ces mêmes grossistes sont amenés à servir d'autres distributeurs sur le marché. C'est un élément important lorsque l'on parle justement de verticalité. Les grossistes, s'ils existent, c'est qu'ils ont un sens, notamment sur la partie du stockage. La multitude de références fait que nous ne pourrions pas stocker cette marchandise dans nos territoires, dans lesquels le foncier est plus cher. Lorsqu'un entrepôt coûte 3 ou 4 euros du mètre carré en métropole, il en coûte 12 dans les outre-mer. Il faudrait donc doubler nos surfaces pour pouvoir stocker ces produits et finalement, le consommateur lui-même paierait ce coût d'entreposage. C'est une solution à moindre coût qui lui est proposée. Même si elle reste coûteuse, elle apparaît mieux-disante qu'une solution directe.
Là encore, j'illustre les mécanismes parce que l'absence de connaissance des mécanismes nous fait malheureusement souvent digresser sur des solutions ou des recherches qui n'en sont pas.
Enfin, je voudrais répondre à madame la députée sur la production locale. Les parts de la production locale dans nos linéaires sont variables en fonction de la structuration des filières. Si vous êtes dans un territoire où les filières sont structurées et peuvent approvisionner correctement les magasins, ce qui est le cas de La Réunion, vous atteignez jusqu'à 35 % de parts de marché. Aux Antilles, où nous avons plus de difficultés sur la structuration des filières, et c'est la raison pour laquelle nous pensons aussi que c'est une piste importante de développement de la production locale, nous sommes sur des parts de marché aux alentours de 20 %. Néanmoins, la volonté, quelle que soit aujourd'hui cette part de marché, est de développer la production locale. Je prends pour exemple la Martinique, où nous avons augmenté au cours des sept dernières années de 52 % la production locale dans nos magasins, beaucoup plus que la croissance du chiffre d'affaires sur la période. Parallèlement, nous avons fait un bilan il y a deux mois avec trois cents acteurs de la production locale que nous avons réunis et vis-à-vis desquels nous avons pris des engagements supplémentaires de développer encore la production de 30 % sur les cinq prochaines années.
Vous avez parlé du sujet des petits artisans. Nous avons pris également comme mesure favorable aussi au développement et à l'atteinte de ces objectifs des 30 %, non seulement de consacrer 25 % de notre budget de communication à la production locale, avec l'ambition d'avoir 15 % de produits locaux supplémentaires dans nos prospectus. Nous avons également décidé de mettre en place des espaces tremplins dans nos magasins pour favoriser l'implantation de la petite production locale, celle qui majoritairement n'a pas accès à la distribution et qui peut se développer parce qu'on considère qu'ils ont besoin d'une aide. Non seulement nous favoriserions le règlement pour ces fournisseurs, mais nous leur permettrions d'avoir une vitrine auprès des centaines de milliers de clients qui passent dans nos magasins.