Intervention de Bertrand Laporte

Réunion du mercredi 17 mai 2023 à 14h00
Commission d'enquête sur le coût de la vie dans les collectivités territoriales régies par les articles 73 et 74 de la constitution

Bertrand Laporte, maître de conférences-HDR à l'université Clermont Auvergne et membre du Centre d'étude et de recherche sur le développement international :

Bien évidemment, la suppression de l'OM entraîne une baisse des prix s'il n'est pas remplacé par un autre instrument fiscal. Donc, toutes choses égales par ailleurs, si on supprimait l'octroi de mer, on aurait une baisse des prix qui, selon les départements et régions d'outre-mer (DROM) et selon les ménages, varierait entre 4,7 et 9 %. La politique étant propre à chaque collectivité territoriale, il est bien évident que l'impact est différent. Compte tenu de la structure de consommation des ménages et du fait que les taux de l'octroi de mer sont différents suivant les biens, en précisant que le taux de taxation est plus fort sur les biens alimentaires que sur les autres biens, nous voyons donc un impact plus fort sur les populations les plus pauvres. Si l'on supprimait l'octroi de mer, les populations les plus pauvres seraient les premières bénéficiaires de la baisse des prix.

Nous avons développé trois scénarios, avec plusieurs variantes. Pour ces trois scénarios, nous avons inclus une période de mise en œuvre de la réforme qui peut être de cinq, sept ou dix ans. Ensuite, ces scénarios ont chacun un marqueur.

Le premier scénario était la suppression progressive de l'octroi de mer. C'est constant dans nos trois scénarios. Nous avons conclu, à partir de l'analyse exposée par Anne-Marie, que plutôt que de réformer, il nous semblait plus judicieux de mettre à plat et de supprimer l'OM progressivement.

Ce premier scénario envisageait donc de remplacer l'OM par la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et d'aligner les taux de TVA sur ceux de la métropole. Évidemment, ce scénario n'a pas été retenu. Il s'agissait surtout de voir ce que cela donnait. Nous n'étions pas à recettes publiques constantes, puisque ce scénario permettait d'augmenter très largement les recettes publiques, mais ce n'était pas l'objectif recherché par la réforme proposée.

Les deux autres scénarios s'entendent à recettes fiscales constantes de l'État. Ces scénarios compensaient la suppression de l'OM par une augmentation du taux de TVA, augmentation du taux de TVA qui pouvait, suivant les variantes, avoir un taux commun aux différents DROM ou des taux différenciés pour chacun d'entre eux, avec à chaque fois le même taux de TVA pour la Martinique et la Guadeloupe, avec une augmentation, ou pas, des droits sur tabac et avec des écarts plus ou moins importants entre le taux réduit et le taux normal de TVA.

La grande différence entre le deuxième scénario et le troisième scénario, c'est que le deuxième scénario n'introduisait pas de contrainte sur le taux réduit alors que dans le troisième scénario, on a maintenu le taux réduit actuellement appliqué dans les DROM. On ne faisait jouer que le taux normal.

En fait, on a choisi comme scénario de base notre scénario 3D. Je vais vous rappeler quelles sont les caractéristiques de ce scénario 3D. Il s'agit d'une suppression progressive de l'OM sur trois, sept ou dix ans, une augmentation progressive des droits sur les tabacs, avec un alignement sur la métropole puisqu'on considère qu'une taxation sur les tabacs vise à corriger une externalité négative – et notamment ici sur la santé, il n'y a pas de raison pour que cette externalité soit différente pour un métropolitain ou un ultramarin. On a maintenu les taux réduits actuels de TVA pour les DROM qui appliquaient déjà la TVA. Enfin, on a appliqué un taux spécifique de TVA pour chacun des DROM, sauf pour la Guadeloupe et la Martinique, où on a adopté le même taux.

Qu'est-ce que cela donne en termes de taux de TVA ? Pour la Guadeloupe, la Martinique et La Réunion, ce sont des taux de TVA autour de 17 % du taux normal, avec le maintien d'un taux réduit pour certains biens. Pour la Guyane et Mayotte, les taux variaient entre 6 et 10 % de TVA.

Bien sûr, nous avons regardé les résultats et les simulations de résultats sur ces différents points. Nous avons constaté une baisse des prix entre 0,5 et 5 % suivant les DROM, avec une baisse des prix plus importante pour les populations les plus pauvres. Nous voyons une augmentation légère de l'emploi dans chacun des DROM, sauf en en Martinique. On pourra revenir aussi sur le cas de la Martinique. Cette augmentation de l'emploi s'accompagne d'une augmentation de la production, selon notre modélisation. Il y a un lien entre production et emploi. Nous avons aussi identifié une légère augmentation du produit intérieur brut (PIB) par tête dans chacun des DROM, avec une variation de 1 à 2 %.

Bien sûr, s'il y avait augmentation de l'emploi, il y avait réduction du taux de chômage dans chacun des DROM, le taux de chômage pouvant baisser jusqu'à 4 % dans certains DROM, mais étant plutôt constant en Martinique, puisque l'effet de la réforme proposée n'avait pas beaucoup d'impact sur l'économie martiniquaise, en tous les cas sur l'emploi et la production.

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