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Intervention de Anne-Marie Geourjon

Réunion du mercredi 17 mai 2023 à 14h00
Commission d'enquête sur le coût de la vie dans les collectivités territoriales régies par les articles 73 et 74 de la constitution

Anne-Marie Geourjon, maître de conférences, responsable de programmes à la Fondation pour les études et recherches sur le développement international (Ferdi) :

Je vais commencer cette présentation en disant quelques mots sur le contexte de cette étude qui a été demandée par le Trésor français à la Ferdi, qui est une fondation d'utilité publique indépendante et qui travaille en grande collaboration avec le centre d'études et de recherches sur le développement international (Cerdi), un laboratoire de recherches du Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Nous travaillons sur des études et des recherches sur le développement international et il se trouve que dans le cadre de notre programme de fiscalité, nous avons une expertise internationale en politique fiscale. C'est la raison pour laquelle nous avons été sollicités.

Nous ne nous sommes pas du tout déplacés dans les territoires concernés. Nous avons travaillé à distance avec les données disponibles qu'on a bien voulu nous communiquer et à travers des entretiens auprès de l'administration. Nous avons travaillé sur l'année 2018. Quels étaient les objectifs ? Quels étaient nos termes de référence ? C'était d'envisager une réforme de l'octroi de mer et surtout ses conséquences sur la protection des entreprises locales, puisque c'était l'objectif initial de l'octroi de mer (OM), la production, l'emploi et ce qui vous intéresse le plus aujourd'hui, les prix à la consommation.

La consigne de cette étude était de ne pas perdre de recettes fiscales, c'est-à-dire de travailler dans l'objectif de faire des propositions qui maintiennent le niveau de recettes constant. Nous n'avons pas pris en compte la répartition éventuelle de ces recettes, entre l'État central et les collectivités territoriales. C'est important puisque les recettes de l'OM sont directement affectées aux collectivités.

En tant qu'experts en politique fiscale, nous avons essayé de comprendre le fonctionnement de l'octroi de mer et, à partir de ses caractéristiques et de son fonctionnement, de nous faire une idée de cet outil en matière de politique fiscale. Nous nous sommes basés sur les grands principes en la matière, à savoir qu'une taxe est une bonne taxe si elle a un seul objectif, si elle est simple, si elle est stable et si elle est lisible.

L'octroi de mer est une taxe hybride. En 1670, il s'agissait vraiment un droit de douane qui s'appliquait à toutes les importations. Il y a eu une évolution en 1992 poussée par l'application de l'acte unique européen. On a créé l'octroi de mer interne, qui est complémentaire à l'octroi de mer externe et qui, lui, est une taxe indirecte interne dont l'objectif est un objectif de recettes, alors qu'à l'origine, l'objectif était de protéger les activités locales.

Cet objectif de protection est toujours maintenu puisque l'octroi de mer externe est toujours supérieur à l'octroi de mer interne et que le différentiel représente toujours l'équivalent d'un droit de douane. Toutefois, les deux taxes n'ont ni le même objectif ni la même assiette et ne sont pas de même nature puisqu'il y en a qui est un droit de douane et l'autre une taxe indirecte interne.

La deuxième remarque est que les taux de l'octroi de mer sont modifiés très souvent. Il est difficile d'avoir une visibilité. Cet outil de fiscalité est non prédictible et relativement instable. La fréquence de modifications est laissée à l'initiative des collectivités locales, parfois plusieurs fois dans l'année.

L'octroi de mer est aussi un outil très complexe qui risque de perdre en efficacité parce qu'il y a énormément d'exonérations. Nous avons été frappés de voir, quand on nous a communiqué, par exemple, le document concernant les exonérations pour la Guadeloupe en 2019, que ledit document se composait de 527 pages, avec 126 activités locales qui pouvaient être concernées. C'est vraiment quelque chose qui est lourd à gérer, qui demande des démarches et qui apparaît peu transparent. Comme on est obligé de considérer que les exonérations forment une exception au droit commun, il s'avère difficile de connaître la règle.

Le quatrième point que l'on a noté, c'est que ce type de fiscalité posait un problème en ce qui concerne les bons fonctionnements du marché antillais unique. Pourquoi ? Parce que cela empêche une union douanière dans la mesure où les taux d'octroi de mer sont différents entre les deux départements d'outre-mer. Ces deux territoires appliquent le texte de l'Union européenne parce que c'est le même texte, mais en ce qui concerne cet autre outil de protection qui est l'octroi de mer, il y a une différence entre les deux territoires, ce qui risque évidemment de détourner le commerce du territoire qui taxe le plus vers le territoire qui taxe le moins. C'est un encouragement aussi à la concurrence fiscale entre les deux, puisqu'ils pourraient être incités à baisser leurs taxes.

Selon notre expérience de fiscalistes, il nous a paru que l'outil, au départ, ne semblait pas vraiment un outil très efficace de politique fiscale. Il était donc tout à fait judicieux d'envisager une réforme concernant ce type de taxe.

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