Il est vrai que la double insularité représente un sujet important. Nous avons mis sur Saint-Martin et Saint-Barthélemy un observatoire des prix, mais nous sommes conscients que c'est un facteur de difficulté et de vie chère pour les habitants. Il faut, vous avez raison, développer la continuité territoriale entre les îles. Pour l'instant, ce n'est pas suffisant.
J'ai été frappée par exemple de constater qu'une personne qui vient de Saint-Martin, convoquée au tribunal à Basse-Terre soit obligée de payer son billet et de prévoir un hébergement. Il y a quand même une anomalie à ce niveau. Il faut faire en sorte que la continuité territoriale soit davantage ancrée. Je rejoins les conclusions du rapport de la délégation sénatoriale aux outre-mer sur la continuité territoriale présenté par la sénatrice Catherine Conconne. Elle a calculé que nous sommes loin du compte par rapport à un habitant de la Corse. Si l'on veut le développement de Marie-Galante ou de Saint-Martin, il nous faut travailler sur cette continuité territoriale. Il faut que les habitants, quand ils ont des démarches à faire sur l'île principale, soient davantage aidés.
La coopération régionale est un sujet qui nous a beaucoup intéressés et j'y avais un peu travaillé. Mais il est vrai que les différentes îles de la Caraïbe sont en lien étroit avec leur ex-métropole et on n'a pas de facilité à travailler ensemble entre les îles. Par exemple, si vous êtes de la Guadeloupe et que vous voulez aller à Porto Rico ou à Saint-Domingue, il vous arrive de changer deux fois d'avion, sans doute parce qu'il n'y a pas un flux suffisant pour que les compagnies aériennes aient intérêt à développer les liaisons. Il n'y a pas non plus de facilité à se comprendre entre l'espagnol, l'anglais ou le français.
J'avais envie de développer pour nos jeunes des parcours qui prévoient, par exemple pour l'hôtellerie, une formation en métropole, un stage dans un grand hôtel en Angleterre et une première expérience professionnelle dans un établissement de la Caraïbe, anglaise ou espagnole. Mais quand vous allez voir les responsables locaux, ils vous disent qu'ils comprennent l'intérêt d'aller en Grande-Bretagne, mais ne comprennent pas celui de venir chez eux. C'est une manière de ne pas intégrer le plus que le jeune peut apporter en faisant vivre les relations entre les îles de la Caraïbe. Je pense que cela se fera dans l'avenir. J'ai constaté que les présidents sont très intéressés par cette coopération régionale. Là encore, quand on dit qu'il faut développer les relations entre les jeunes, il faut créer un Erasmus local, donc trouver des fonds à ce titre, notamment européens.
Comment agir contre les grands acteurs économiques et notamment dans la construction ? Ce sont un peu les mesures que nous avons essayé de prendre et qui d'ailleurs ont quand même eu un résultat, puisqu'on a vu pendant quelques années que l'écart entre les Antilles et la métropole en matière de prix a un peu diminué. Continuer à soutenir les entreprises est utile, mais peut-être faut-il arriver à obtenir plus de contreparties en matière d'emploi, en matière d'emploi des jeunes.
Quand on parle aussi de logement, on a, grâce aux préoccupations environnementales, des atouts à faire valoir. On a abandonné les maisons traditionnelles, au profit de bons cubes en ciment comme en métropole, avec la climatisation. On se rend compte aujourd'hui que ce n'est pas forcément une bonne idée. Revenir à des maisons en bois ou qui utilisent des ventilations naturelles pourrait permettre de marier écologie et économie. On aura des maisons sans doute plus agréables et peut-être moins chères si l'on recourt à des manières de construire plus traditionnelles.
S'agissant du bois, en sachant qu'il est beaucoup importé, le projet de faire pousser des forêts n'est pas absurde, parce que vous avez un certain nombre de sols contaminés par le chlordécone et qu'on ne peut plus y faire pousser de produits vivriers. Je pense que si sur tous ces sols, on faisait pousser des arbres, on obtiendrait de la biomasse, qui permettrait d'alimenter des centrales aujourd'hui alimentées au fioul. On importe la biomasse du Canada, alors que nos sols sont disponibles.