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Intervention de Walid Chaiehloudj

Réunion du mercredi 17 mai 2023 à 14h00
Commission d'enquête sur le coût de la vie dans les collectivités territoriales régies par les articles 73 et 74 de la constitution

Walid Chaiehloudj, professeur des universités, co-responsable du centre du droit économique et du développement de l'université de Perpignan, membre non permanent de l'Autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie :

Vos questions sont très intéressantes. Je vais vous décevoir sur la première. Je ne peux pas répondre à votre question relative aux concentrations, qui implique notamment l'entreprise Bolloré Logistics, car je n'ai pas accès au dossier.

En revanche, je peux vous répondre sur l'opportunité d'installer une autorité à La Réunion ou en Martinique. Vous allez être peut-être déçus, parce que je pense que c'est une fausse bonne idée. Pourquoi ? En Nouvelle-Calédonie, l'Autorité de la concurrence a été installée en 2018, et nous sommes en 2023. Cette autorité a-t-elle fait baisser les prix ? Pas encore. Elle a pour l'instant permis de changer les mentalités, d'installer un esprit de concurrence, de lancer un signal et d'être aussi un acteur en vue pour aider le Gouvernement à bâtir des législations et à appliquer le droit de la concurrence. C'est le grand succès de l'Autorité, mais on n'a pas encore eu d'effet sur la vie chère. Si une autorité de la concurrence dédiée est installée en Martinique ou à La Réunion, elle permettra de mettre en place une discipline, mais il faudra du temps pour profiter d'une baisse des prix. Preuve en est en Polynésie et en Nouvelle-Calédonie.

Ensuite, l'opportunité d'installer une autorité de la concurrence dépend des moyens accordés. En Nouvelle-Calédonie, la présidente Aurélie Zoude-Le Berre a quitté ses fonctions en décembre. Le nouveau président a été nommé en mai. Nous avons eu des fins de mandat au collège et des départs de rapporteurs. Depuis décembre, l'activité apparaît très restreinte, réduite au contrôle des concentrations, puisqu'il nous manque du personnel sur ces territoires. Nous avons un problème de moyens et aussi un problème d'attractivité. Je suis universitaire, je suis à l'Autorité de la concurrence et dans plusieurs autorités, je le fais parce j'adore le droit de la concurrence et parce que je suis habité par l'intérêt général. Mais mon poste, par exemple, n'attire pas, du fait que l'on soit très faiblement rémunéré pour ce type de fonction. Je n'ai aucune honte à vous le dire. En Nouvelle-Calédonie, pour chaque séance, je perçois 80 euros au maximum alors qu'il faut préparer les dossiers, lire des rapports de 400 pages, etc. Quand on est en activité professionnelle, c'est compliqué. Cela me prend beaucoup de temps dans mes activités de recherche et d'enseignement. À La Réunion ou en Martinique, vous rencontrerez ce problème d'attractivité des personnes compétentes.

Pour progresser, il convient d'abord de s'appuyer sur ce qui existe. La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a des locaux en Martinique ou à La Réunion. Il faut renforcer les moyens. C'est un axe d'amélioration. Il faut plus d'agents et il faut que les entreprises aient conscience qu'elles peuvent être contrôlées à n'importe quel moment. Ce n'est pas le cas actuellement.

Je cite la directive (UE) 2019/1 du 11 décembre 2018 visant à doter les autorités de concurrence des États membres des moyens de mettre en œuvre plus efficacement les règles de concurrence et à garantir le bon fonctionnement du marché intérieur, dite directive ECN +, transposée en France. On a ajouté au code de commerce un pouvoir à l'Autorité de la concurrence qui est celui de rejeter des saisines pour défaut de priorité. Si l'on a la possibilité de rejeter des saisines pour défaut de priorité, alors même que l'on sait qu'il y a une pratique anticoncurrentielle, c'est bien que l'on sait que l'on n'a pas les moyens de rendre des décisions sur toutes les affaires. Il convient donc de prioriser les gros poissons, pour parler trivialement. Là aussi, c'est un problème. La question des moyens est évidemment un sujet fondamental.

S'agissant de votre dernière question, pour avoir habité en Nouvelle-Calédonie, je réponds favorablement aussi à votre appréciation. Les citoyens ultramarins sont totalement ouverts à l'accès à d'autres produits. Au regard du niveau de vie de certains citoyens, il serait opportun d'ouvrir ces territoires à d'autres entreprises et d'autres produits. Il faut toutefois préciser qu'il existe un différentiel énorme entre les fonctionnaires, très bien rémunérés, et certains salariés soumis à des salaires beaucoup plus faibles et victimes des prix élevés. Cette situation demande une réponse politique et non pas en relation avec l'application du droit de la concurrence, qui restera insuffisante.

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