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Intervention de Nicolas Genty

Réunion du mercredi 17 mai 2023 à 14h00
Commission d'enquête sur le coût de la vie dans les collectivités territoriales régies par les articles 73 et 74 de la constitution

Nicolas Genty, avocat en droit commercial, de la distribution et de la concurrence :

Je suis vraiment heureux de pouvoir parler de ce sujet. Peut-être un petit mot de présentation pour donner un peu de contexte à mon propos. J'ai passé la plupart de ma carrière dans de grandes structures et j'ai créé mon cabinet, spécialisé dans les relations verticales il y a quatre ans. En accompagnant depuis trente ans des entreprises dans les négociations, à 90 % pour des produits de grande consommation, je me suis forgé un certain nombre de convictions que je vais partager. Je suis beaucoup intervenu en Nouvelle-Calédonie, et il est intéressant de la regarder comme un territoire insulaire, disposant d'une autonomie en matière de réglementation, et qui traite ce sujet de la vie chère mais aussi celui du maintien de l'industrie dans ses frontières.

J'ai eu l'occasion d'écouter quelques interventions devant votre commission et nous avons estimé qu'il serait intéressant, dans notre propos liminaire, de remettre en perspective la position dominante, qui est un véritable sujet, et l'abus de position dominante.

La position dominante  qui n'est normalement jamais critiquée en soi dans les théories de droit de la concurrence  est en fait une position de puissance économique détenue par une entreprise qui lui donne le pouvoir de faire obstacle au maintien d'une concurrence effective sur le marché en cause, en lui fournissant la possibilité de comportements indépendants dans une mesure appréciable vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients et finalement des consommateurs. Je trouve que la définition est très importante parce que nous voyons que l'entreprise en position dominante n'est pas forcément une entreprise de grande taille, leader sur son marché. En fait, elle peut s'extraire du jeu de la concurrence. Pour autant, le fait de pouvoir s'en extraire n'est pas sanctionnable tant qu'elle agit en respectant le droit de la concurrence et en n'abusant pas de sa position. Comment finalement détecte-t-on une position dominante ? Je sais que vous vous posez cette question. Pourrait-on avoir des seuils de domination ? C'est très compliqué parce que ça dépend des marchés, des produits, de la manière dont on les qualifie, de l'évolution. Aujourd'hui, cette manière d'identification est multifactorielle. On a bien évidemment les parts de marché détenues par l'entreprise  c'est le premier critère  mais on utilise un certain nombre d'autres critères. Par exemple, une entreprise qui détiendrait 50 % de parts de marché, alors que son premier concurrent en détiendrait cinq, serait à l'évidence une entreprise en position dominante. Celle qui détiendrait 50 % sur un marché à deux intervenants, avec un autre qui détient 50 %, ne serait pas en position dominante. Bien évidemment, nous savons qu'au-delà de 80 %, nous sommes dans la super dominance et il n'y a plus tellement de questions qui se posent.

Donc la position dominante n'est pas critiquable en soi. On aura sans doute l'occasion, à travers les débats, de parler de l'injonction structurelle. Ce sont les abus qui sont sanctionnables : on dit à une entreprise en position dominante qu'elle n'a pas la même autonomie commerciale, la même autonomie d'action qu'une autre entreprise. Par exemple, vous n'avez pas le droit à des remises fidélisantes. Je caricature en disant cela, c'est beaucoup plus complexe, mais une telle politique de remises peut constituer un abus. Quand vous êtes un acteur sur le marché qui n'est pas en position dominante, proposer des remises qui fidélisent vos clients, c'est plutôt un classique. Quand on est en position dominante, on dit de faire attention, en considérant que la remise fidélisante peut être dangereuse, comme la vente liée. Elle n'est pas interdite quand vous êtes en position dominante, mais elle peut poser des problèmes, de même que la discrimination. En France, nous avons un texte très spécifique sur la discrimination. Je ne vais pas vous faire la liste de tous les abus qui ressortent de la pratique décisionnelle ou des textes, mais nous voyons bien le sujet de l'abus de la position dominante, qu'il faut toujours avoir à l'esprit.

Sur la question de la répression, les sanctions en matière de pratiques anticoncurrentielles sont très élevées. Elles sont les mêmes pour les ententes et les abus de position dominante.

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