Intervention de Charlotte Caubel

Séance en hémicycle du mercredi 28 juin 2023 à 15h00
Instaurer une majorité numérique et lutter contre la haine en ligne — Présentation

Charlotte Caubel, secrétaire d'État chargée de l'enfance :

Nous y sommes : la majorité numérique va devenir un principe et l'autorisation parentale une condition d'accès aux réseaux sociaux. Bien conscients des impacts positifs de la révolution numérique, mais aussi des risques extraordinaires qu'elle entraîne – vous les avez tous parfaitement décrits –, le Président de la République a fait de la protection des mineurs en ligne l'une des priorités de son quinquennat. Cette ambition, nous la défendons collectivement, tant le Gouvernement que le Parlement. Au sein du comité interministériel à l'enfance, la Première ministre a défini la protection des enfants dans l'environnement numérique comme l'un des cinq chantiers prioritaires. Dès lors, tous les ministres et les secrétaires d'État se sont engagés dans ce combat.

Jean-Noël Barrot et moi-même travaillons sans relâche avec les plateformes pour renforcer leur responsabilité, réguler les contenus inadaptés et retirer les contenus illicites, afin de protéger les enfants. Des réponses très concrètes sont aussi apportées par le projet de loi visant à sécuriser et réguler l'espace numérique, qui se trouve actuellement en discussion au Sénat, pour renforcer encore et toujours le cadre légal et réglementaire qui s'impose aux plateformes et garantir ainsi une plus grande sécurité aux enfants. D'autres ministres sont également engagés à nos côtés, en particulier le ministre d'éducation nationale – j'y reviendrai.

Mais ce combat, nous ne pouvons pas le mener seuls ; nous devons le mener avec vous, mesdames et messieurs les parlementaires, aussi bien à l'Assemblée nationale qu'au Sénat. Plusieurs textes ambitieux visant à garantir le bien-être des enfants et le respect de leurs droits ont été présentés devant votre assemblée et, à chaque fois, le Gouvernement a été à vos côtés.

Nous avons déjà évoqué les trois propositions de loi de Bruno Studer. Deux d'entre elles sont devenues des éléments à part entière de notre législation, à savoir la loi visant à encadrer l'exploitation commerciale de l'image d'enfants de moins de 16 ans sur les plateformes en ligne et la loi visant à renforcer le contrôle parental sur les moyens d'accès à internet. Quant à la proposition de loi visant à garantir le respect du droit à l'image des enfants, nous achèverons sa discussion prochainement. Par ailleurs, nous avons répondu présents sur la proposition de loi d'Erwan Balanant visant à combattre le harcèlement scolaire, ainsi que sur la proposition de loi de Caroline Janvier relative à la prévention de l'exposition excessive des enfants aux écrans. C'est donc tout naturellement, monsieur le président Marcangeli, que nous avons été à vos côtés sur ce très beau texte dont vous êtes à l'initiative.

En tant que secrétaire d'État chargée de l'enfance, je me suis personnellement engagée sur ce sujet. Voilà un an que j'exerce mes fonctions et j'ai déjà pu mesurer l'inquiétude grandissante des parents, qui se manifeste au quotidien sur les réseaux sociaux ; je suis très régulièrement interpellée dans les courriers que nous recevons et dans le cadre de mes déplacements sur le terrain. Évidemment, cette inquiétude fait écho aux drames récents que vous avez évoqués. Comment élever nos enfants sereinement quand Lucas, Dinah, Lindsay et tant d'autres enfants se sont donné la mort, alors que leur adolescence commençait à peine, parce que leur vie était devenue insupportable à cause du harcèlement scolaire et du cyberharcèlement ?

D'ailleurs, nous ne pouvons plus séparer ces deux notions. Il n'y a pas de harcèlement scolaire sans cyberharcèlement : il y a tout simplement du harcèlement. Ce harcèlement touche l'enfant à tous les instants de la vie, en tous lieux, sans arrêt. Il se manifeste à l'école – aussi le ministre de l'éducation nationale est-il pleinement mobilisé pour enrayer ce fléau –, mais il dépasse ce seul cadre, ce que démontrent les propositions qui compléteront bientôt l'ensemble du programme défini par Pap Ndiaye. C'est un problème auquel nous devons tous répondre.

Les réseaux sociaux ont donné un nouvel écho à la violence qui se manifeste dans notre société, y compris entre les enfants, en la gravant dans l'espace numérique. Ces phénomènes, nous devons les affronter ensemble – le Gouvernement et le Parlement –, mais nous devons aussi emmener les parents dans ce combat, pour qu'ils prennent ou continuent de prendre la mesure que le numérique est désormais au cœur de leur parentalité.

C'est d'ailleurs pour cette raison que Bruno Studer a très logiquement choisi de rattacher le numérique à l'exercice de l'autorité parentale – pour ma part, je préfère parler de « responsabilité parentale ». Grâce au présent texte, au-delà du principe proposé par M. Studer, nous complétons le dispositif avec un repère très clair pour les parents et les enfants de moins de 15 ans. Ces derniers sont trop jeunes pour évoluer seuls dans l'espace numérique, ils doivent être accompagnés avant tout par les parents eux-mêmes. C'est donc aussi pour eux que nous devons formuler des règles simples et lisibles et définir des repères extrêmement clairs. Ils doivent aussi être accompagnés par les adultes de manière générale et par les professionnels : c'est pourquoi nous nous engageons aussi à renforcer la formation.

Vous l'avez tous rappelé, et j'en ai bien conscience : évidemment, nous n'allons pas tout résoudre avec la majorité numérique. Mais ce texte, j'en suis sûre, va créer une triple dynamique. Au sein des familles, d'abord, en ouvrant entre les parents et les enfants un dialogue qui n'existe pas aujourd'hui. En effet, huit parents sur dix avouent ne pas parler avec leurs enfants de ce qu'ils font sur internet, alors qu'ils leur demandent où ils vont lorsqu'ils sortent de la maison, même à un âge un peu plus avancé. La majorité numérique et la responsabilité des parents vont les amener à entrer en dialogue avec leurs enfants.

Ensuite, le texte va créer une dynamique à l'école et dans les lieux d'accueil des enfants, dans la même logique que la proposition de loi de Caroline Janvier. Enfin, il va créer une dynamique collective et sociétale. Il doit être pour nous l'occasion de nous interroger sur la pratique de nos enfants, bien sûr, mais aussi sur celle des adultes, tant elle affecte la vie des plus jeunes dans la sphère numérique. Grâce à vous, monsieur le président Marcangeli, cette dynamique est lancée : je suis sûre qu'elle se poursuivra, mais il nous faudra l'entretenir et nous adapter régulièrement à l'évolution du numérique, qui a souvent une longueur d'avance.

Votre proposition de loi pose une brique essentielle ; la majorité numérique est une pièce maîtresse de la stratégie que nous déployons avec force aux côtés du Président de la République. C'est pour cette raison que j'ai pleinement soutenu votre texte et que je me suis engagée à ce qu'il puisse aller au terme du processus législatif. Je sais, monsieur Marcangeli, que je pourrai toujours compter sur vous pour protéger les enfants dans la vie réelle comme dans cet espace virtuel qu'est le numérique, plein de promesses, mais aussi de risques.

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