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Intervention de Isabelle Rauch

Séance en hémicycle du mercredi 28 juin 2023 à 15h00
Instaurer une majorité numérique et lutter contre la haine en ligne — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaIsabelle Rauch, vice-présidente de la commission mixte paritaire :

L'initiative du rapporteur a permis à la représentation nationale de se rassembler autour d'un grand enjeu de société : l'accompagnement de la transition numérique. Je suis en effet convaincue que la révolution numérique qui se déploie sous nos yeux constitue un bouleversement anthropologique majeur, l'un des plus grands défis de notre époque.

Le rapporteur l'a rappelé : internet est d'abord un espace de liberté. Pensons, par exemple, à l'atout qu'ont représenté les réseaux sociaux pour des peuples en lutte pour la conquête de leur liberté, notamment pendant le « printemps arabe ». Hélas, le monde numérique est aussi un espace de menaces multiples, lesquelles pèsent d'abord sur les mineurs. Les parents d'ailleurs ne s'y trompent pas, puisque selon l'association e-Enfance, 75 % d'entre eux estiment que leurs enfants risquent de faire une mauvaise rencontre ou de subir du cyberharcèlement sur les réseaux sociaux. Selon la même association, 20 % des enfants ont ainsi déjà été confrontés à une situation de cyberharcèlement. Il s'agit d'un phénomène de société à part entière, qui ravage des vies et détruit des familles. Les exemples sont nombreux, et tout aussi insupportables les uns que les autres : je pense bien évidemment à l'affaire Mila, qui a suscité une immense prise de conscience dans tout le pays, mais aussi au récent suicide, dans le Pas-de-Calais, de Lindsay, accablée d'injures sur les réseaux sociaux. Ces derniers ont leur part de responsabilité, qui a d'ailleurs été reconnue pour la première fois par la justice britannique dans le cadre de l'affaire Molly Russell, cette jeune fille qui, assaillie de contenus relatifs à l'automutilation et au suicide, a été poussée à l'isolement et à la dépression.

L'objectif que nous devons atteindre est simple et néanmoins ambitieux : rendre à internet sa vocation initiale, celle d'être un outil au service de l'humanité. En l'espèce, le législateur a écouté toutes les parties prenantes et a tranché en faveur de la préservation de l'épanouissement des enfants. Mais le rapporteur nous a mis en garde : la présente proposition de loi ne pourra suffire à elle seule à faire des réseaux sociaux un espace sûr et régulé. Cependant, elle apporte à l'édifice une pierre indispensable. Et en faisant le choix de ne pas inscrire dans la loi une technique de vérification de l'âge plutôt qu'une autre, le rapporteur a adopté une logique pragmatique, sachant que les solutions techniques sont nombreuses tout en étant inégalement fiables et respectueuses de la vie privée. Aussi, pour élaborer un référentiel, le texte s'en remet-il à l'Arcom – l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique – et à la Cnil – la Commission nationale de l'informatique et des libertés –, deux instances dont la maîtrise des sujets complexes et techniques n'est plus à démontrer. Je partage pleinement cette approche, qui permettra à la France de s'adapter efficacement à l'évolution de plus en plus rapide des technologies disponibles.

En outre, cette proposition de loi consacre des garde-fous, non pas institutionnels, ce qui serait du ressort de l'Arcom, de la Cnil, du Gouvernement ou du Parlement, mais des garde-fous familiaux, relevant donc des parents. Je rejoins pleinement le rapporteur dans sa volonté de remettre l'autorité parentale au cœur du dispositif de protection des mineurs sur internet car, dans ce domaine comme dans les autres, l'État et l'école, s'ils peuvent beaucoup, ne peuvent pas tout. Ainsi, les mineurs de moins de 15 ans ne pourront plus s'inscrire de façon autonome sur les réseaux sociaux : le consentement de l'un des titulaires de l'autorité parentale devra être expressément recueilli. Il s'agit là d'une avancée majeure, qui sera pleinement effective après que l'Arcom aura mis en place le référentiel dont le législateur lui a confié l'élaboration.

La présente proposition de loi n'est ni la première ni la dernière à aborder la protection des mineurs en ligne. En effet, le caractère évolutif d'internet nous force à régulièrement adapter notre législation, et nous devrons à l'avenir remettre l'ouvrage sur le métier. Nous le ferons dès cet automne, lors de l'examen du projet de loi visant à sécuriser et à réguler l'espace numérique, destiné à compléter notre arsenal législatif, le règlement européen sur les services numériques devant pour sa part entrer en vigueur en septembre. Le rapporteur a mentionné les mesures de lutte contre l'exposition des mineurs à des contenus pornographiques ; je citerai, pour ma part, la peine complémentaire de suspension de l'accès à un service de plateforme en ligne, qui donnera à la justice une arme supplémentaire pour réprimer la haine en ligne et le cyberharcèlement. Je forme le vœu que notre débat sur ce projet de loi soit aussi riche et fécond que celui que nous avons su faire vivre dans l'hémicycle sur la proposition de loi de notre collègue Laurent Marcangeli.

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