Travailler ensemble a toujours été compliqué pour les ministères chargés de l'éducation nationale et du travail. Il serait plus particulièrement utile de progresser en ce qui concerne l'obligation de formation des personnes âgées de 16 à 18 ans, mise en place à la rentrée 2020 dans des conditions difficiles en raison de la crise sanitaire. Il existe un enjeu de communication des données pour éviter que des jeunes s'échappent du dispositif : il est essentiel pour les missions locales de s'assurer que chacun des jeunes trouve une solution lui permettant de sortir de la catégorie dite des Not in education, employment or training (NEET).
On pourrait réfléchir à la construction d'indicateurs partagés entre le ministère chargé de la ville et celui chargé du travail qui porteraient sur l'obtention d'un premier niveau de qualification et l'accès à un emploi durable de plus de six mois. Concernant un tel indicateur – une période de six mois en emploi restant relativement courte –, il conviendrait de le compléter par une analyse de la récurrence des périodes de chômage. Les données dont nous disposons nous offrent principalement une vision instantanée de la situation des personnes à leur sortie des dispositifs, ou six mois plus tard, mais ne nous offrent pas une vision dynamique sur ces mêmes situations. Cela ne nous permet pas d'analyser les effets de noria – pour ce qui concerne des jeunes sortant des dispositifs en trouvant un emploi précaire et qui se réinscrivent au chômage deux ou trois mois plus tard. Au lieu de travailler, comme actuellement, dispositif par dispositif, cette méthodologie permettrait d'avancer en fonction d'objectifs transversaux et partagés.
Je me permets de mettre de côté la question de la sécurité, qui ne faisait pas l'objet de nos travaux, non sans signaler que d'autres volets de la politique de la ville ont été traités par la Cour des comptes dans le cadre de publications précédentes : je pense notamment à une étude sur l'attractivité des QPV, qui proposait plusieurs développements sur divers aspects du développement économique de ces quartiers, comme le logement.
Les difficultés rencontrées s'agissant de la montée en charge des emplois francs peuvent trouver leur origine dans une communication à destination des chefs d'entreprise qui, initialement, n'a pas été, semble-t-il, à la hauteur des ambitions. De plus, la mobilisation des préfets a été hétérogène. Cette dernière a manifestement été plus forte dans les Hauts-de-France, où l'on a pu observer une concentration des premiers emplois francs. Enfin, le plan « un jeune, une solution » a engendré une profusion de dispositifs. Cette palette élargie d'outils à disposition des acteurs économiques a conduit ces derniers à rechercher ceux grâce auxquels ils pouvaient percevoir le plus d'aides en contrepartie de moindres contraintes. Quand bien même les entreprises sont toutes placées dans des situations différentes, il sera intéressant d'observer si la situation évolue à l'avenir, dans la mesure où nous sommes entrés dans une phase de tension sur le marché du travail.
Si les données publiées par l'INSEE s'agissant de l'inactivité des 15-64 ans ont été mobilisées par la Cour, il convient de constater que le champ de ces statistiques peut être jugé trop large : le taux d'emploi est de toute façon faible pour les 15-17 ans. Une remarque similaire peut être formulée, même en population générale, pour les personnes âgées de plus de 60 ans. Toutefois, ces données montrent que certaines actions pourraient être renforcées pour favoriser la participation des femmes au marché du travail dans les QPV.
S'agissant de la mixité sociale, des travaux précédents de la Cour permettent de répondre plus précisément aux interrogations que vous avez formulées. Concernant l'esprit d'entreprise, il en ressort clairement que même pour les populations éloignées du marché du travail, le contact avec le milieu de l'entreprise est essentiel, afin de mieux comprendre les attentes des employeurs lors de la phase de recrutement.
Concernant l'accompagnement à la création et à la gestion d'une entreprise, il y a un minimum de prérequis. Cela suppose aussi parfois un parcours avec des étapes qui relèvent de plusieurs opérateurs. En général, cela commence par Pôle emploi. On trouve des formations à la création et à la reprise d'entreprises accessibles directement avec le compte personnel de formation (CPF), mais c'est une responsabilité des régions. Des actions sont déployées par Bpifrance. Il existe également les boutiques de gestion, donc le réseau BGE, et l'Adie (Association pour le droit à l'initiative économique). Il y a là encore une profusion d'acteurs qui intervient. Il est vrai que cela peut-être une solution – il ne me semble pas que l'on avait observé dans le passé des écarts aussi importants de pérennité entre les entreprises créées en QPV et celles créées ailleurs –, mais il faut être vigilant.
Quant à la coordination, à la rationalisation des couches de coordination et aux annonces relatives à France travail, vous évoquiez un guichet unique sans fusion. Aujourd'hui, les cités de l'emploi et le service public de l'emploi ne sont pas des organismes. Ce sont simplement des modalités de travail entre les services déconcentrés, les différentes composantes du service public de l'emploi et les collectivités territoriales. Il suffit en général de s'organiser différemment et il n'y a pas d'enjeu quant à la pérennité de structures juridiques.
Quant à l'illettrisme, nous nous sommes posé la question au cours de l'instruction de l'intérêt de remonter la gestion à un niveau plus transverse. L'organisation varie d'un territoire à l'autre et cela peut poser des difficultés. L'illettrisme n'est pas partout correctement pris en compte. La localisation des lieux de formation pour remédier à ces problèmes est aussi une difficulté dans certains quartiers. Aujourd'hui, ce sont plutôt les régions qui sont à la manœuvre sur les formations relatives à l'illettrisme.
La politique de la ville est-elle trop ambitieuse ? Comme je l'évoquais en préambule, les difficultés s'ajoutent et se combinent entre elles. Il est très difficile d'avancer par compartiment et d'isoler les facteurs qui freinent l'accès à l'emploi en essayant de ne traiter que les problèmes de compétences ou de mobilité. Il faut traiter ces problèmes dans leur ensemble et on commencera par un aspect ou par un autre selon les individus. Le sondage réalisé montre bien que l'appréciation que portent les habitants sur la manière de procéder est très différente. Certains disent qu'ils pourront avancer sur leurs problèmes de surendettement et de logement une fois qu'ils auront trouvé un emploi, tandis que d'autres expliquent que ne pas avoir de logement stable est un frein particulier à l'obtention d'un emploi. Enfin, certains diront qu'il faut avancer sur tous les volets en même temps afin que leur situation s'améliore. Il faut que le service public de l'emploi et les opérateurs soient en mesure de s'adapter aux capacités et aux besoins des personnes qu'ils accompagnent.
Sur la question des associations et du milieu sportif, j'évoquais tout à l'heure cet effet « d'appels à projets » : certaines associations sont bien connues et ont des partenariats stables depuis plusieurs années avec le service public de l'emploi. Ce ne sont pas ces associations qui sont en difficulté. Une forme de labellisation se justifierait peut-être, pour que soit clairement défini ce que les pouvoirs publics attendent des associations, en contrepartie peut-être de subventions. Il ne s'agit pas nécessairement d'avoir un dialogue de gestion, comme on l'a de manière approfondie avec les structures de l'insertion par l'activité économique (IAE) et les missions locales, mais plutôt de se concentrer sur les questions de professionnalisation dans l'accompagnement, sur la manière dont on rentre en contact ou dont on poursuit le parcours. Dans le cadre du CEJ, la question se posera du référent de parcours par rapport à la structure qui accompagnera le jeune. Les services déconcentrés de l'État n'ont pas forcément une bonne connaissance du tissu associatif, c'est plutôt le corps préfectoral qui a cette connaissance fine permettant d'entrer en contact avec les publics les plus en difficultés, Cette question relève à la fois de Pôle emploi, des missions locales et des acteurs traditionnels.