C'est un plaisir et un honneur de prendre le temps d'échanger sur l'éducation de nos enfants, essentielle pour l'avenir de la République.
Ma feuille de route comporte plusieurs axes. La circulaire de rentrée destinée aux personnels de l'éducation nationale, et la lettre que j'ai envoyée aux professeurs déclinent les grandes thématiques de la politique de mon ministère, impulsées par la Première ministre et le Président de la République, qui a pris des engagements lors de sa campagne.
Je serai heureux de répondre aux questions que vous pourriez avoir à propos de la rentrée. Les circonstances sont un peu particulières cette année, compte tenu des difficultés de recrutement auxquelles nous faisons face. Ces dernières sont particulièrement saillantes dans le premier degré dans les académies franciliennes, à commencer par celles de Créteil et Versailles. Elles le sont également dans le second degré à l'échelle nationale pour quelques disciplines, notamment les langues vivantes et la technologie, en tension forte. Chaque académie travaille afin qu'il y ait un professeur dans chaque classe à la rentrée. La situation est plus difficile que d'habitude en raison d'un marché du travail très tendu, mais aussi du fait du recrutement des enseignants non plus en master 1 mais en M2, ce qui a provisoirement tari le vivier.
Nous sommes également vigilants s'agissant des chauffeurs de cars scolaires, même si cette question n'est pas de notre ressort mais de celui des régions. Nous surveillons la situation en liaison avec ces dernières et avec le ministère des transports.
Le premier axe de ma politique, c'est celui des savoirs fondamentaux. Nous nous inscrivons dans la continuité du précédent quinquennat : l'acquisition des savoirs fondamentaux, particulièrement en français et en mathématiques, constitue l'une des priorités du ministère. Dans le premier degré, cela se matérialise par l'insistance mise sur ces deux disciplines, ce qui n'est pas exclusif d'autres savoirs et du déploiement d'autres pratiques.
Dans le secondaire, nous introduisons une option d'une heure et demie de mathématiques dans le tronc commun des classes de première cette année, et envisageons de la rendre obligatoire à partir de la rentrée 2023. La réflexion sur les mathématiques, ancienne, a été conduite dans plusieurs rapports, notamment celui de MM. Cédric Villani et Charles Torossian en 2018, et par les travaux menés par les différents conseils du ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse. Il ne s'agit pas uniquement de rajouter des heures de mathématiques puisque la France est l'un des pays européens où les élèves ont le plus d'heures dans cette matière entre le CP et la terminale. Force est de constater que les résultats ne sont pas complètement à la hauteur, à l'exception d'une élite mathématique tout à fait remarquable, mais qui masque parfois le niveau moyen, voire médiocre, des autres élèves. Nous nous penchons donc sur la pédagogie des mathématiques, qui fait l'objet de réflexions, sur lesquelles nous pourrons revenir si vous le souhaitez. Nous disposons des postes nécessaires pour mettre en œuvre cette priorité. Ainsi, dans cette matière, nous ne rencontrons pas de difficultés particulières pour la rentrée, même avec l'heure et demie introduite en première.
L'égalité des chances constitue le deuxième axe de travail de mon ministère. La France n'est pas bien classée en Europe s'agissant de la capacité de l'école à réduire, sinon à effacer, les inégalités sociales et de naissance. Pire, l'école française tend à reproduire ces inégalités. Les politiques d'égalité des chances existent depuis longtemps, mais nous devons poursuivre nos réflexions sur la carte de l'éducation prioritaire, les investissements et la simplification du mille-feuille constitué au fil des années. Nous devons également poursuivre nos efforts : le dédoublement des classes de grande section de maternelle n'est pas achevé dans les zones d'éducation prioritaire (ZEP), alors que celui des CP et CE1 en réseau d'éducation prioritaire (REP) et réseau d'éducation prioritaire renforcé (REP+) l'est.
Notre troisième axe de travail est le bien-être des élèves, question qui se pose avec encore plus d'acuité depuis la crise sanitaire. Nous avons été alertés sur l'état de santé psychique préoccupant des enfants et adolescents. Nous devons donc nous atteler à la tâche, en dépit des difficultés du système de santé scolaire. Le professeur Stanislas Dehaene, président du Conseil scientifique de l'éducation nationale, le rappelait il y a quelques semaines, c'est une condition décisive pour un apprentissage de qualité. L'activité physique est également importante et nous avons pris des initiatives, dans la lignée des annonces du Président de la République : la demi-heure d'activité physique quotidienne devient obligatoire dans toutes les écoles à partir de la rentrée – elle faisait jusqu'à présent l'objet d'une expérimentation dans 7 000 des 49 000 écoles.
Vous avez raison de l'avoir souligné, madame la présidente, la question environnementale relève de toutes les sphères gouvernementales, y compris du ministère de l'éducation nationale. Elle peut s'y décliner de plusieurs manières : d'abord par le contenu des programmes – l'inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche mène actuellement une réflexion sur ce thème – mais aussi par le biais du bâti scolaire, qui est un sujet de préoccupation. En effet, les bâtiments anciens, ou moyennement anciens, s'avèrent peu adaptés aux vagues de chaleur que nous subissons et qui vont probablement se multiplier dans les années à venir. Nous devons travailler, en liaison avec les collectivités territoriales, à la meilleure manière d'améliorer la résistance du bâti aux vagues de chaleur – débitumisation, végétalisation, aménagements divers, parfois peu coûteux.
Dernier axe, que j'ai déjà indirectement évoqué en parlant de la rentrée scolaire, celui de la revalorisation du métier d'enseignant. Elle n'est pas simplement financière, mais également sociale et morale. Beaucoup d'enseignants ont, à juste titre, le sentiment d'exercer un métier déclassé, dévalorisé. Les témoignages sont nombreux. Ils ne se sentent plus considérés, alors que la société française leur doit le respect.
Il faut donc revaloriser l'autorité morale des enseignants. Cela passe bien entendu par des revalorisations salariales, indispensables, mais aussi par la restauration du respect et de leur autorité – j'y serai attentif. La position sociale des enseignants dans la société française s'est dégradée au fil des années. Nous ne pouvons l'accepter car l'école nouvelle prendra son élan avec les enseignants et la communauté éducative en général.
Les négociations sur la revalorisation financière du métier d'enseignant auront lieu à l'automne, à l'échelle nationale, tout comme celles sur les missions nouvelles, esquissées par le Président de la République, que nous pourrions proposer aux enseignants sur la base du volontariat à partir de la rentrée 2023. Ces nouvelles missions seront elles aussi assorties de revalorisations financières.
Parallèlement à ces échanges nationaux, nous allons mettre en place des débats à l'échelle des écoles, qui débuteront fin septembre ou début octobre. Il ne s'agira pas d'un Grenelle de l'éducation, mais de milliers de débats locaux afin que les communautés éducatives échangent sur leur école, imaginent un projet d'établissement et un nouveau projet pédagogique ; elles bénéficieront de notre soutien, ainsi que de la documentation et des propositions que nous serons amenés à établir. Nous souhaitons que le renouvellement vienne d'en bas, des établissements, plutôt que d'en haut. Ces débats démocratiques se dérouleront dans les écoles, collèges et lycées. Dans le droit fil des expérimentations menées dans cinquante-neuf établissements marseillais, des projets pourraient ainsi émerger, qui permettront aux équipes d'enseignants, aux équipes administratives, mais aussi aux parents d'élèves et, plus largement, à toute la communauté éducative, d'imaginer de nouvelles solutions ou des formes pédagogiques nouvelles. Il faut donner aux acteurs eux-mêmes la possibilité de penser et d'intervenir dans les projets pédagogiques qui seront élaborés.
J'ai accompagné le Président de la République à Marseille en juin, dans une école primaire qui expérimente en mathématiques : un laboratoire permet aux élèves d'apprendre sous une forme plus ludique, plus pratique, ce qui est d'ailleurs monnaie courante dans beaucoup de pays d'Europe. Nous souhaitons élargir ces expériences. Les projets les plus aboutis feront l'objet d'un financement en 2023.