L'opération AGÉNOR a été lancée alors que nous craignions une dégradation sécuritaire importante dans le détroit d'Ormuz : un drone américain MQ-4 avait été abattu par un missile iranien Buk et des incidents se sont produits sur plusieurs navires de commerce. La France a pris l'initiative de lancer cette opération. L'état-major était aux Émirats arabes unis et la « génération de forces » a été plutôt satisfaisante, avec une bonne implication des Européens, notamment les Belges, les Danois et les Italiens.
L'Union Européenne a engagé le chantier des Coordinated Maritime Presences (CMP), dont l'objectif est de coordonner l'activité des marines européennes dans l'océan Indien. À Brest, nous assurons avec beaucoup de succès la partie renseignement de la mission ATALANTA. J'espère que, dans un proche avenir, l'ensemble des missions dans cette zone – ATALANTA, dans le golfe d'Aden, contre les actes de piraterie, et AGÉNOR – seront fusionnées au sein d'une même structure de commandement sous la supervision de l'état-major opératif, qui est aujourd'hui en Espagne.
Avec la fin de l'approvisionnement en gaz russe, nous assistons à la décontinentalisation de notre approvisionnement en énergie. Je constate plus d'appétit de mes partenaires européens pour sécuriser les approches : ils ont tout intérêt à être présents sur les routes maritimes d'approvisionnement, en Méditerranée orientale (MÉDOR), en mer Rouge, à Bab-el-Mandeb, dans le golfe d'Aden et, surtout, au détroit d'Ormuz.
Avec l'Allemagne, j'ai pu constater une réelle motivation du nouveau chef d'état-major allemand qui m'a confié qu'il est prêt à réfléchir aux voies et moyens de nous rejoindre dans ces missions. Mes échanges avec la marine italienne sont également encourageants.
En étant plus nombreux, nous pourrons songer à des redéploiements de moyens pour être présents sur d'autres missions ou durcir notre présence dans des zones sensibles sans devoir abandonner le contrôle de certains espaces.
Toujours avec la marine allemande, d'autres coopérations sont en cours, notamment autour de l'hélicoptère NH90. Nous étudions également un projet de développement d'un avion de patrouille maritime commun. L'avenir de ce projet est toutefois rendu incertain du fait de leur décision unilatérale d'acheter cinq avions américains, des P-8 Poséidon, et du projet d'en acquérir trois autres. Leur volonté de s'équiper dans le cadre d'un programme commun mérite donc d'être confirmée. Pour la France, nous sommes au « money-time », où tout se joue, puisque la durée de vie de l'ATL 2 est limitée par celle de ses moteurs, les turbines Tyne, les mêmes que celles des Transall, qui viennent de prendre leur retraite. Nous devrons donc remplacer cet avion afin d'assurer la continuité des missions de soutien de la dissuasion.
Avec la Royal Navy, nous coopérons dans le cadre du projet « Futur missile antinavire/Futur missile de croisière » (FMAN/FMC) conduit par One MBDA. Nous espérons une issue positive pour ce successeur du missile « système de croisière conventionnel autonome à longue portée » (SCALP) et de l'Exocet.
La coopération est également importante dans le cadre du système de combat aérien du futur (SCAF), dont la version navale est destinée au futur porte-avions. Je ne développerai pas les questions relatives aux progrès de cette coopération.
Enfin, Naval Group travaille à l' European Patrol Corvette, programme espagnol, italien et français qui pourrait permettre de fournir un successeur aux frégates de surveillance outre-mer, aujourd'hui faiblement armées, à partir de la fin de la décennie. Compte tenu du réarmement naval en cours en océan Indien et Pacifique, nous aurons effectivement besoin de bateaux militairement plus crédibles.