Wallis-et-Futuna représente 371 096 kilomètres carrés de zone économique exclusive (ZEE) et participe donc aux 95 % de ZEE en indopacifique. Les territoires qui sont dans cette zone sont immenses puisque la carte de la Polynésie française est superposable sur celle de l'Europe. Les moyens de surveillance dont nous disposons se bornent, quant à eux, à deux avions de patrouille maritime et quatre bateaux de surface : c'est indéniablement limité.
Pour cette raison, depuis des années, nous développons notre renseignement spatial. Un bateau de pêche est pourvu d'un radar et d'un Automatic Identification System (AIS) permettant de l'identifier par satellite. Nous travaillons avec une start-up capable de nous dire lorsqu'il a été coupé, ce qui permet d'envoyer nos unités au bon endroit au bon moment. Le défi à venir est d'être en mesure de faire face à une pression prédatrice qui augmente au cours du temps.
La France n'ayant pas les moyens de multiplier les patrouilleurs, nous devons nous montrer dissuasifs, être capables de tomber sur les bons clients et d'aller jusqu'au bout, notamment, jusqu'à la mise en œuvre des sanctions judiciaires. Le Président de la République a d'ailleurs souligné l'importance du développement des juridictions en haute mer ( Biodiversity Beyond National Jurisdiction, BBNJ).
La surveillance des espaces maritimes relève donc de plusieurs outils : les satellites, les drones, les moyens aériens et maritimes. Il est certain, toutefois, que vous ne voyez pas souvent passer nos unités à Wallis-et-Futuna. J'imagine à regret que certains Polynésiens n'ont pas vu passer de bateaux depuis plusieurs années compte-tenu de l'étendue de la zone.
S'agissant de la haute intensité, je rappelle qu'en 39-45, les ponts blindés de dix centimètres d'acier Krupp n'ont pas empêché des croiseurs de combat d'être coulés. Le Bismarck gît à 4 000 mètres de fond au large de Brest ; le croiseur le plus imposant de la flotte japonaise, le Yamato, a quant à lui été coulé par l'aéronavale américaine.
La supériorité aérienne est essentielle car il est toujours plus facile de risquer un avion qu'un croiseur. Elle est effective lorsque l'on est capable d'envoyer un Rafale à 1 000 nautiques – 2 000 kilomètres – d'un porte-avions pour menacer une flotte adverse, avec un risque mesuré. Les combats de frégates avec des missiles relèvent, quant à eux, du combat d'escrime : c'est le plus agile, le plus rapide et le mieux défendu qui l'emporte, mais il y a des coups à prendre. La résistance de nos dispositifs repose donc sur la profondeur de notre action et sur la qualité de nos systèmes d'armes. Les forces navales sont des bulles de déni d'accès et d'interdiction de zone ( Anti-Access/Area Denial, A2/AD) les plus denses jamais mises en œuvre. Un GAN français peut ainsi avoir en stock plusieurs dizaines, voire centaines, de missiles antiaériens au sein de la force. La question n'est donc pas celle de l'épaisseur du blindage mais de la capacité à frapper et à neutraliser des missiles adverses. Plus personne ne défend un bateau avec de la tôle blindée ! Souvenez-vous de l' USS Stark, qui a été frappé par un Exocet pendant la guerre du Golfe, ou des bateaux anglais qui ont brûlé lors de la guerre des Malouines ! C'est en tapant loin et fort, en neutralisant les missiles, que l'on peut se défendre.
Dans le high-low mix entre bateaux sophistiqués et plus simples, les exigences du combat sont claires : il faut pour cela des bateaux « haut de spectre », bien défendus et susceptibles d'agir loin. En revanche, la surveillance de la ZEE nécessite de disposer de navires plus petits, qui puissent aller loin et qui soient les moins chers possible.
Lorsque j'ai pris mes fonctions, il y a deux ans, j'ai réfléchi avec l'état-major de la Marine pour déterminer si une réorganisation était nécessaire. En effet, les grandes lignes de l'organisation actuelle de la marine reposent toujours sur le plan « Optimar 95 » de l'amiral Coatanea. Nous avons conclu de cette réflexion que, compte tenu de notre taille limitée, nous n'avions actuellement pas de meilleure organisation que celle de quatre forces organiques : les sous-marins, la force d'action navale, les fusiliers-commandos et l'aéronautique navale.
Après les opérations de maîtrise des fonds marins (OMFM), nous nous sommes interrogés sur la nécessité de recréer une force d'intervention sous la mer distincte de la force d'action navale, mais nous avons conclu que ce n'était pas souhaitable compte tenu des fortes contraintes de personnels et d'infrastructures. Un changement de structure supposerait en effet un vaste changement de taille de la Marine. Les problèmes auxquels je suis confronté ne sont pas les mêmes que ceux de mes prédécesseurs, dans les années 1970. Aujourd'hui, les personnels sont employés de façon beaucoup plus matricielle. Diviser à nouveau les organisations actuelles nécessiterait de retrouver des marges de manœuvre RH que je n'ai pas.
La partie opérationnelle, quant à elle, relève du CEMA et de sa chaîne de commandement : sous-chef d'état-major Opérations, Centre de planification et de conduite des opérations (CPCO), contrôleurs opérationnels (OPCONERS). Le CEMA a notamment lancé un certain nombre de réflexions autour de l'adaptation de ces chaines de commandement aux nouvelles conflictualités. Pour ce qui relève de « l'Action de l'État en Mer », notre organisation repose sur nos préfets maritimes de Brest, Toulon et Cherbourg, puis, en outremer, les commissaires du Gouvernement assistés des commandants de zone maritime. Cette structure a été assez récemment évaluée par un rapport de la Cour des comptes de juin 2019. Je suis convaincu que notre organisation est bonne, adaptée, et qu'il n'y a pas lieu de la remettre en cause.