Monsieur le ministre, vous entrez dans vos fonctions alors que la guerre de haute intensité ravage un État désormais candidat à l'entrée dans l'Union européenne. Cette situation force chaque État membre à définir les limites de son engagement – même s'il n'est qu'indirect – dans le conflit.
Je souhaite vous interroger sur la stratégie de notre pays dans la conduite de nos opérations extérieures. Avec Harmattan, Serval, Sangaris, Barkhane, Chammal et désormais Aigle, en Roumanie, les dix dernières années ont vu un niveau d'engagement significatif de nos forces dans des opérations de stabilisation ou de lutte contre le terrorisme. Force est de constater que les conditions de notre départ sont parfois bien éloignées de celles de notre arrivée, comme c'est le cas au Mali.
Cette stratégie a un coût humain, politique et budgétaire non négligeable pour notre pays. Elle soulève la question de nos alliances, alors que le sentiment antifrançais en Afrique se situe à un niveau très élevé, alimenté par une désinformation orchestrée notamment par la Russie. Ce sentiment nous oblige à interroger notre capacité à lutter durablement contre les groupes terroristes, notamment au Sahel, et à nous demander avec quel mandat, émanant de qui.
Cette stratégie pose par ailleurs la question du format de nos armées et des missions que nous pouvons leur confier en OPEX au regard de nos moyens de projection et de nos objectifs stratégiques. Elle conduit aussi à une réflexion sur les outils de soft power que nous mettons au service de notre politique de défense, qu'il s'agisse de la francophonie ou de l'aide au développement, dont les moyens ont reculé, tandis que la Chine a ouvert 550 instituts Confucius dans 140 pays au cours des quinze dernières années. Il conviendrait peut-être de renforcer les liens entre défense et diplomatie.
Quelle est la vision du Gouvernement en matière d'engagement de nos forces à l'étranger et de capacités qu'il nous faut développer pour demeurer une armée disposant d'une puissance influente, au-delà du seul domaine militaire, dans ces zones de crise ?