Nous ne pouvons pas nous contenter d'examiner ce texte technique sans nous pencher sur le contexte.
Les choses sont simples en ce qui concerne le projet d'accord proprement dit et ses effets juridiques : partenaire ancienne du Qatar, la France est sollicitée pour partager son expertise en matière d'ordre public lors des grands événements sportifs et de gestion des supporteurs, expertise toute relative au vu du fiasco de la finale de la dernière Ligue des champions au Stade de France.
La seule évocation d'une Coupe du monde de football nous renvoie à des expériences heureuses, même si tout ne fut pas parfait dans l'organisation de celle de 1998.
La coopération avec le Qatar doit permettre de valoriser les compétences des services français et de faire rayonner nos pôles d'expertise. Une Coupe du monde représente un enjeu économique de l'ordre de 200 milliards de dollars, ce qui n'est pas sans offrir des perspectives à nos entreprises dans une cité-État avec laquelle la France enregistre son sixième excédent commercial. En outre, l'accord prévoit la prise en charge, par la partie bénéficiaire, de la coopération de l'intégralité des dépenses. La sécurité juridique des personnels déployés au Qatar sera assurée pour leurs interventions – c'est à voir.
Tout semble aller pour le mieux dans le meilleur des mondes. Toutefois il y a un contexte autour du texte. L'intérêt de la France n'est-il pas de rester crédible dans ses choix de coopération ? Disons le plus simplement : cette coopération s'inscrit dans le cadre d'une compétition que certains ont qualifié de Coupe du monde de la honte. Ses conditions d'attribution et de mise en œuvre ont bafoué le droit et ont heurté l'opinion.
Le processus d'attribution de l'événement fait l'objet de lourdes procédures judiciaires dans plusieurs pays, dont le nôtre. Le parquet national financier (PNF) a ouvert une information judiciaire pour corruption active et passive, recel et blanchiment. Des procédures similaires sont en cours aux États-Unis et en Suisse.
Il faut également s'interroger sur les conditions de travail épouvantables des milliers de travailleurs étrangers sur les chantiers de construction des stades et des différentes infrastructures. L'Organisation internationale du travail (OIT) et certaines organisations non gouvernementales (ONG) ont certes salué des avancées ces dernières années – notamment l'abolition de la kafala – mais nombreuses sont les organisations de défense des droits de l'homme qui continuent de les trouver profondément insuffisantes. Elles mettent aussi en doute le nombre officiel de morts au travail. Or les conditions de travail doivent toujours être défendues avec une vision internationaliste.
Et que dire de la débauche énergivore de l'événement ? Le Qatar est le champion mondial des émissions de CO2 par habitant. Pendant ce temps on exhorte les Français à tendre vers la sobriété, alors qu'ils comptent ce qu'il leur reste à la fin du mois.
Enfin alors que cet accord concerne la lutte contre le terrorisme et l'expertise en matière de cybersécurité, on ne peut que s'interroger sur le financement par des fonds qatariens de certaines filières impliquées dans la diffusion de l'islamisme politique.
Notre groupe votera contre la ratification de cet accord.