Notre commission est saisie du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre la France et le Qatar établissant un partenariat relatif à la sécurité de la Coupe du monde de football, qui se déroulera au Qatar du 21 novembre au 18 décembre 2022. Il s'agit d'un texte avant tout technique rédigé dans une forme à laquelle nous sommes habitués, puisqu'il s'inspire des clauses classiques fondant les accords de sécurité conclus par la France avec ses partenaires, mais qui porte sur un objet précis. Aussi les termes de cet accord prendront-ils fin à l'issue de la compétition, plus précisément le 30 juin 2023.
Si l'organisation de la Coupe du monde de football concentre tous les regards, la coopération avec le Qatar dans le domaine de la sécurité des grands événements sportifs n'est pas nouvelle. Nous sommes ainsi intervenus en appui opérationnel et technique à l'occasion des Jeux asiatiques en 2006, des championnats du monde de handball, de cyclisme et d'athlétisme, respectivement en 2015, 2016 et 2019, et de la Coupe arabe des nations de football en 2021. Ce qui change, en l'espèce, c'est l'envergure de l'événement couvert par l'accord, qui constitue le premier cadre juridique contraignant signé avec le Qatar en matière de sécurité, les coopérations antérieures n'ayant jamais donné lieu à une formalisation spécifique : la Coupe du monde de football constituera la plus grande compétition sportive jamais organisée dans le monde arabe. Elle focalisera, à n'en pas douter, l'attention du monde entier sur ce petit émirat du Golfe, pour qui la bonne tenue de l'événement constitue un impératif.
Le Qatar devrait accueillir, à cette occasion, jusqu'à 1,5 million de supporteurs sur son territoire et mobiliser jusqu'à 3 milliards de téléspectateurs. Quatre matchs par jour rythmeront les phases de poules, dans un espace géographique restreint, puisque les distances n'excéderont pas cinquante-cinq kilomètres, ce qui provoquera une concentration des personnes et des flux considérables. Le sous-dimensionnement de la capacité hôtelière du pays – estimée à 70 000 lits – devrait être compensé par des paquebots de croisière et des structures modulaires. Les forces de sécurité locales seront ainsi confrontées à de nombreux défis – menace terroriste, hooliganisme, mouvements de foule, cyberattaques… –, ainsi qu'à des problèmes qu'elles n'ont pas l'habitude de rencontrer : contrefaçon, consommation d'alcool, etc.
Dans la perspective de ce grand rendez-vous populaire, dont l'organisation lui a été confiée en 2010, le Qatar a souhaité obtenir l'appui d'États avec lesquels il a noué de longue date des partenariats dans le domaine de la sécurité. Avec les États-Unis et le Royaume-Uni, notre pays est l'un d'entre eux.
Par le présent accord, la France s'engage à soutenir et à accompagner le Qatar pour lui permettre de gérer cet événement dans les meilleures conditions possibles. La coopération s'articule autour de dix grandes thématiques : la planification, le contre-terrorisme, la gestion de l'ordre public, le renseignement, la sécurité des installations, la sécurité des mobilités, les moyens spéciaux terrestres, les moyens aériens, la cybersécurité, la sécurité civile. La France apportera un appui technique et une assistance opérationnelle comprenant notamment le déploiement de personnels et de matériels, ainsi qu'un soutien dans le domaine de la sûreté aérienne et de la lutte antidrones. L'accord prévoit également une protection juridique adéquate pour les agents qui se rendront sur le territoire qatarien dans le cadre du partenariat.
Le Qatar a sollicité l'aide d'environ 220 experts : 21 opérateurs spécialisés du groupe d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN), 170 opérateurs de lutte antidrones, 10 opérateurs de déminage, 10 équipes cynophiles de recherche d'explosifs et 5 à 8 experts fournis par la division nationale de lutte contre le hooliganisme. Il pourrait exprimer, dans les prochaines semaines, des besoins complémentaires, par exemple en matière de surveillance maritime et portuaire, de gestion des flux dans le métro ou d'équipes équestres assurant le service d'ordre, à l'issue d'un exercice final mené à Doha en octobre 2022.
Ce partenariat sera riche en enseignements pour nos forces de sécurité à la veille des compétitions sportives qui se dérouleront sur notre territoire, comme la Coupe du monde de rugby en 2023 ou les Jeux olympiques de Paris en 2024 ; elle se déroulera dans le pays le plus connecté du globe et permettra de renforcer nos capacités, notamment en matière de lutte antidrones.
Cet accord s'inscrit en outre dans un contexte économique et commercial particulier. Les retombées de la compétition sont estimées à quelque 200 milliards de dollars, offrant des perspectives importantes pour les entreprises françaises dans de nombreux secteurs d'activité : transports, infrastructures, sécurité, environnement, notamment.
La conclusion de tels partenariats formels et concertés nous permet de nourrir un dialogue régulier, de confiance mais exigeant, avec le Qatar. J'ai la conviction que c'est la bonne méthode pour accompagner les changements à l'œuvre dans l'émirat en matière de droits de l'homme, de droit des femmes ou de droit du travail. Si les avancées enregistrées ces dernières années sont sans doute trop timides aux yeux de beaucoup, rompre nos relations dans tous les domaines de coopération s'avérerait, selon moi, contre-productif et ne serait pas de nature à soutenir efficacement nos exigences.
Par cet accord, nous exposerons au monde entier notre savoir-faire. En retour, nous engrangerons de l'expérience et bénéficierons d'un entraînement pour les événements sportifs que nous allons prochainement organiser. Surtout, nous contribuerons à la sécurité de nos compatriotes et, plus globalement, de tous les amoureux du sport.
Pour l'ensemble de ces raisons, je vous invite à voter en faveur de l'approbation de l'accord.