Ils concernent la réquisition des données de connexion, qui fait l'objet de décisions judiciaires depuis près de deux ans. La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a rendu deux arrêts. Le premier, repris par le Conseil d'État dans sa décision French Data Network, concerne les données de connexion et leur conservation. Mais ce n'est pas l'objet de ces amendements : ceux-ci visent à proposer une solution pour faire suite à un autre arrêt de la CJUE, l'arrêt Prokuratuur, repris par le Conseil constitutionnel en mars 2022. Celui-ci a prononcé l'inconstitutionnalité d'un article du code de procédure pénale, tout en reportant au 1er janvier 2023 l'effet de sa décision – preuve que cet article était très important dans le cadre des procédures actuelles. Cet arrêt tend à limiter aux crimes et délits les plus graves la réquisition des données de connexion par les procureurs. Or ces données sont très souvent nécessaires dans le cadre des procédures pénales relatives à certains délits. Et parce qu'ils se trouvent aujourd'hui dans un flou, les procureurs s'autocensurent, ce qui soulève des difficultés.
La Cour de cassation s'est également saisie de cette problématique puisqu'elle a rendu l'été dernier sur le sujet deux arrêts importants. Ils donnent un cadre pour la partie des réquisitions, sans toutefois permettre aux procureurs d'exercer toutes leurs anciennes prérogatives.
Les amendements que je propose visent à corriger à la fois l'inconstitutionnalité et l'inconventionnalité : ils prévoient que les réquisitions des procureurs sont préalablement assorties d'une autorisation du juge des libertés et de la détention.
Je sais que cette solution tend à alourdir la procédure et surtout, qu'elle est onéreuse en équivalents temps plein travaillés (ETPT). Aux yeux de la CJUE, il convient de recourir à une autorité administrative indépendante ou de faire intervenir un juge totalement indépendant. Dans la mesure où la Cour considère que ce n'est pas le cas des procureurs en France, il faudrait soit faire évoluer le statut des procureurs – ce n'est pas l'objet du texte –, soit nommer systématiquement un juge d'instruction – ce n'est pas souhaitable –, soit soumettre à l'autorisation du JLD les réquisitions des procureurs.
Nous devons avancer car la décision a été rendue il y a deux ans déjà : les procureurs sont dans l'incertitude la plus totale et les forces de l'ordre, habituées à demander l'autorisation au procureur dans leurs enquêtes, ne savent plus trop comment fonctionner. Il est aujourd'hui difficile de recourir à ces techniques qui, pourtant, permettent de confondre de nombreux suspects, dans le cadre d'une procédure sereine de bout en bout. Le risque, aujourd'hui, est que des procureurs fassent des réquisitions et que les procédures soient jugées inconstitutionnelles, parce que non conformes au cadre, ou inconventionnelles, parce que n'ayant pas respecté la décision de la CJUE.