Intervention de Pieyre-Alexandre Anglade

Réunion du mercredi 14 juin 2023 à 13h30
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPieyre-Alexandre Anglade, rapporteur :

Mme Klinkert, vous posez une question concrète en demandant comment les travaux vont se concrétiser dans les mois à venir. Un certain nombre de mesures ont déjà été mises en œuvre ou sont en train de l'être.

Environ 90 % des recommandations de la Conférence peuvent être mises en œuvre à traités constants. La Commission européenne, en lien avec le Parlement européen, a déjà lancé un certain nombre de projets, dont certains ont été adoptés. C'est le cas par exemple de la transformation numérique, avec le règlement européen sur les services numériques (DSA) et le règlement sur les marchés numériques (DMA) qui ont été adoptés sous présidence française. Sur le thème du changement climatique, la politique 2023-2027 et les initiatives du Pacte Vert pour l'Europe avec le paquet « Fit for 55 » portent aussi de nombreuses mesures qui ont été incluses dans les conclusions de la Conférence sur l'avenir de l'Europe. D'autres propositions vont être faites par la Commission sur le recyclage des déchets et sur le bien-être animal.

Enfin, la révision des traités est en train d'être discutée au Parlement européen, au sein de la commission des affaires constitutionnelles (AFCO). Un rapport devrait être présenté d'ici l'été 2023, pour un passage ensuite en plénière et la poursuite du processus législatif après les élections européennes de 2024. Le débat politique se poursuit.

Cela permet faire le lien avec les propos de M. Thibaut François qui relève que rien de concret n'est sorti de cette conférence. Cependant, les exemples que je viens de citer, en particulier sur la révision des textes et sur l'adoption du DSA et du DMA sont des révolutions majeures dans l'espace numérique. Ce ne sont pas de petites transformations dans le paysage politique européen. Les Européens sont en train de prendre un « leadership » sur la régulation de l'espace numérique, avec 49 mesures et 326 recommandations qui sont en train d'être mises en œuvre. Ce sera à la prochaine législature de Parlement européen et à la nouvelle Commission européenne d'être capable de les porter.

Concernant l'élargissement, certains pays ne sont peut-être pas prêts. C'est la raison pour laquelle ceux-ci ne sont pas encore membres de l'Union européenne et qu'il existe un processus progressif d'intégration des États membres qui sont candidats.

Nous pensons que l'Ukraine a vocation à devenir un membre à part entière de l'Union européenne parce que, par le combat qu'elle mène pour la démocratie, la liberté et la souveraineté de leur pays, elle défend aussi l'Europe. L'Ukraine n'aura, toutefois, pas vocation à y adhérer en 2024, éventuellement en 2030 si elle mène les réformes institutionnelles et sur l'État de droit nécessaires. Nous y sommes favorables parce que le contexte géopolitique a évolué et nous devons arrimer à l'espace européen des pays qui sont aujourd'hui la cible de déstabilisations, de tentatives d'ingérence, de contrôle, de manipulation et d'annexion.

L'Union européenne doit être capable de mener ses propres réformes. Tenant compte des difficultés dans la conduite de réformes à 27 États membres, il est difficilement concevable que l'Europe puisse fonctionner à 30 membres voire davantage, avec des institutions qui, parfois, ont des prises de décisions trop lentes ne permettant pas de réagir de manière suffisamment rapide à des évènements soudains. Nous devrons également être capables de repenser nos grandes politiques historiques, la politique agricole commune, la politique de cohésion et le fonctionnement du marché intérieur si l'on veut intégrer tous ces pays à l'avenir.

M. Amard, vous dites que la France joue un rôle singulier en Europe et vous avez raison. C'est la raison pour laquelle je salue l'initiative française d'organiser une telle conférence. L'évolution du fonctionnement de l'Union européenne ne pourra avoir lieu qu'avec un effet d'entraînement et non en dérogeant aux traités européens comme cela peut être présenté dans le débat politique national. La volonté de repenser nos traités peut être interprétée différemment par chacun, mais un consensus existe aussi dans la classe politique.

Vous qualifiez certains traités d'antidémocratiques. Le traité de 2005 a, certes, été rejeté mais je tiens à rappeler que les représentants du peuple français à l'Assemblée nationale et au Sénat ont ensuite approuvé un projet de traité signé à Lisbonne. Le traité de Maastricht de 1992 avait également été approuvé par référendum. Cela ne doit pas pour autant pleinement nous satisfaire. Si nous allons jusqu'au bout du processus, la révision des traités sera validée selon les procédures nationales et la France pourra, à cette occasion, convoquer un référendum sur cette question.

S'agissant de l'Europe sociale, je partage l'idée selon laquelle si l'Europe ne protège pas mieux les personnes les plus vulnérables et les travailleurs, alors la défiance envers les institutions augmentera et certains gouvernements pourraient faire le choix d'un retrait de l'Union. Toutefois, de grandes avancées ont été réalisées ces dernières années, notamment sous la présidence française du Conseil de l'Union européenne à travers la directive sur les salaires minimaux adéquats, le socle européen des droits sociaux et la révision de la directive sur les travailleurs détachés. L'Europe, de ce point de vue là, est en train d'évoluer.

Enfin, je partage l'avis de Mme Karamanli sur la nécessité de « repolitiser » nos débats européens et de défendre une sphère publique européenne, notamment grâce la tenue d'élections qui seraient proprement européennes avec l'avènement d'une circonscription européenne. Nos représentants élus sur des listes nationales n'ont pas vocation à être remplacés par des listes paneuropéennes. Toutefois, nous avons besoin d'une liste unique par famille politique qui soit transnationale, à la tête de laquelle un candidat pourrait être, in fine, le président de la Commission européenne.

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