Nous avons mené avec Julie Laernoes depuis près de six mois des auditions pour établir les suites à donner à la conférence sur l'avenir de l'Europe.
Il y a un an, s'achevait sous présidence française de l'Union européenne, la Conférence sur l'avenir de l'Europe, à Strasbourg à laquelle j'avais participé en tant que représentant de l'Assemblée nationale. L'exercice lancé à l'initiative du président de la République Emmanuel Macron était totalement inédit et constituait une innovation politique et démocratique. Il s'agissait, pour la première fois dans l'histoire de notre Union, d'une initiative visant à réformer l'Europe autrement, à la penser différemment, en lien avec les citoyens, les parlementaires européens et les Parlements nationaux.
À l'issue de ces travaux, chacun s'accorde à reconnaître le succès que représentent les quarante-neuf recommandations, ayant recueilli tout à la fois l'assentiment de citoyens qui avaient été désignés, des parlementaires européens, des parlementaires nationaux, des représentants du Conseil et de la Commission, de la société civile et des partenaires sociaux.
Ce rapport qui est issu de la conférence est un premier pas important pour faire avancer le débat européen. Il envoie un message clair et sans ambiguïté : nous voulons adapter l'Europe aux défis de notre siècle, la changer pour plus de démocratie au sein de ses institutions et pour qu'elle protège mieux nos concitoyens face à un contexte géopolitique bouleversé par les crises.
Le travail mené par les citoyens au sein de la conférence ne doit toutefois pas se cantonner à un exercice de style : il exige que nous donnions une suite. Je crois que le président de la République avait la formule juste lorsqu'il parlait du « serment de Strasbourg » auquel nous devons être fidèles.
Le rapport et la proposition de résolution européenne que nous vous présentons aujourd'hui ont pour objectif de faire le point sur l'état d'avancement de la conférence et d'encourager la mise en œuvre des conclusions.
Nous devons être extrêmement clairs. Cette conférence a été un succès parce qu'elle a été capable de rassembler pendant un an, en période de crise sanitaire, des personnes venues de l'ensemble du continent européen. Ce ne sera toutefois un succès plein et entier que si les conclusions sont mises en œuvre. Rien ne doit s'opposer à ce que les quarante-neuf recommandations et trois cent vingt-six mesures soient mises en œuvre. La mise en œuvre peut intervenir pour la plupart d'entre elles à traités constants. Les institutions ont déjà lancé beaucoup de réformes mais les recommandations les plus emblématiques de la conférence nécessitent une renégociation ou une révision de nos traités.
Pourquoi revoir nos traités ? Au préalable je voudrais préciser que lorsqu'on mène des réformes, celles-ci doivent se concentrer sur des objectifs politiques et non pas sur les instruments. Un changement de traités n'est pas un projet, c'est un outil possible au service d'une ambition politique. On ne réforme pas les traités pour le plaisir de réformer.
La révision des traités doit permettre l'approfondissement démocratique de l'Union, en donnant davantage de prérogatives aux citoyens européens et aux institutions européennes. Je pense ici à la possibilité d'organiser un référendum à l'échelle de l'Union, à l'octroi au Parlement européen d'un droit d'initiative législative ou à la consécration du principe du Spitzenkandidat.
Il faut également changer les modalités de prise de décision dans l'Union européenne : il n'est plus acceptable qu'un État membre puisse bloquer l'ensemble des négociations. Il y a beaucoup d'exemples ces dernières années qui ont fait qu'un État, en raison de l'unanimité, avait un droit de veto sur des décisions européennes. Nous proposons de sortir de l'unanimité pour aller vers la majorité qualifiée.
Le changement de traités doit enfin contribuer à la préparation de l'avenir. Le retour de la guerre sur le continent européen change le contexte géopolitique. Il y a une urgence d'arrimer au projet européen des États qui sont l'objet de tentatives de déstabilisation, de contrôle, voire d'annexion par des puissances extra-européennes. Cette question de l'élargissement est un impératif pour protéger nos intérêts et une question géopolitique majeure.
Au fond, la question n'est pas de savoir si nous devons élargir l'Union, ni même quand nous devons le faire mais comment le faire. Nous devons avoir ces débats qui sont difficiles mais qui doivent nous permettre de construire une Europe plus agile, plus efficace et plus souveraine. Je crois que l'Europe des années 2030 à plus de trente membres ne pourra plus être l'Union européenne telle que nous la connaissons aujourd'hui. Nous ne pouvons pas nous payer le luxe de fonctionner avec de nouveaux États en gardant les règles d'aujourd'hui qui parfois se révèlent inefficaces ou freinent notre capacité à réagir.
Je pense que nous aurons aussi, si nous avons vocation à nous élargir à repenser toutes nos grandes politiques historiques : la politique agricole commune, la politique de cohésion, le fonctionnement du marché intérieur…
Voilà donc le principal atout de cette conférence : préparer l'avenir. C'est la raison pour laquelle nous portons ensemble cette volonté de refondation et de révision des traités. C'est ce que le Parlement européen a déjà demandé dans une résolution adoptée le 9 juin 2022. Une nouvelle résolution est en cours de préparation qui pourrait être adoptée prochainement.
Un an après la conclusion de la Conférence et un an avant les élections européennes de 2024, nous plaidons donc résolument en faveur du lancement d'une procédure de révision ordinaire des traités européens, qui déboucherait sur la convocation d'une convention. Le traité de Lisbonne, qui est entré en vigueur il y a 14 ans maintenant, doit être revu pour prendre la mesure de l'attente des citoyens.