Le financement des industries de défense est un sujet sur lequel je me suis penché dès ma prise de fonction. Je vous rassure d'emblée : tant que je serai commissaire, il n'y aura pas de texte visant à le défavoriser. Croyez-moi, j'y veille ! Tout ce que vous pouvez lire ne sont que fausses fuites.
Vous avez raison, le monde financier doit s'adapter à cette nouvelle réalité que financer des industries de défense, c'est, au fond, financer notre souveraineté, notre autonomie et notre démocratie. J'ai inséré explicitement dans le texte Asap, sur lequel l'urgence a été déclarée et qui est en cours de débat au Parlement et au Conseil européens, que la BEI devait désormais financer les industries de défense. Contrairement aux habitudes qui ont été prises, rien ne le lui interdit. La BEI est au service des politiques de l'Union européenne et je l'ai rappelé à ses responsables que j'ai rencontrés à plusieurs reprises, notamment s'agissant de la politique de défense. Mais il faut également que tous ceux qui siègent au conseil de la BEI, c'est-à-dire les ministres des finances, votent bien dans ce sens – je m'en suis ouvert directement à Bruno Le Maire. On sait que la participation de la BEI aura un effet d'entraînement très important sur l'ensemble du secteur financier, d'où ma démarche.
L'Europe dispose d'une base industrielle. Nous savons tout faire en matière d'armements : le problème, c'est que nous n'allons pas assez vite par manque de capacité industrielle. Si les industriels savent faire les matériels mais les livrent en quatre ans, ceux-ci ne correspondent plus aux besoins. Il est donc nécessaire de monter nos capacités de production industrielle. Chaque État membre, en particulier ceux qui font partie de l'Otan – pratiquement tous, en réalité – doit désormais dépenser au minimum 2 % de son PNB dans le secteur de la défense. C'est la règle. Par conséquent, l'outil industriel européen doit s'adapter à cette demande nouvelle, faute de quoi les États membres achèteront là où les matériels seront disponibles.
La bonne nouvelle, c'est que nous avons tout. Il faut maintenant travailler beaucoup plus ensemble. Des coopérations sont en cours, qu'il faut soutenir. Nous disposons également d'instruments qui favorisent la mutualisation : le programme européen d'investissement dans le domaine de la défense (Edip), l'instrument visant à renforcer l'industrie européenne de la défense au moyen d'acquisitions conjointes (Edirpa), Asap et désormais le fonds de souveraineté. Lorsque quatre pays œuvrent ensemble, ils bénéficient d'un soutien accru pour favoriser les rapprochements auxquels vous faisiez allusion à juste titre.