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Intervention de Manuel Bompard

Réunion du jeudi 1er juin 2023 à 9h00
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaManuel Bompard :

Contrairement à ce que j'ai entendu, la France et le continent européen ne cessent malheureusement de se désindustrialiser. La part de l'industrie manufacturière est ainsi passée de 18 % du PIB de l'Union européenne en 2000 à seulement 15 % en 2021, et le phénomène s'accélère. Les indices des directeurs d'achat de ce mois de mai montrent une contraction continue du secteur industriel.

Vous avez certes pris des initiatives, mais celles-ci échoueront si elles ne s'attaquent pas aux angles morts qu'elles comportent.

Parmi ces angles morts, le premier est la mise en concurrence généralisée des industries et des travailleurs au sein de l'Union européenne. Sur 752 délocalisations dans le secteur manufacturier entre 2003 et 2016, près de la moitié ont eu lieu au sein de l'Union et un fossé s'est créé entre, d'un côté, l'Allemagne et les pays d'Europe centrale, de l'autre côté, les pays du Sud. Vous devriez être sensible à ce constat de France Stratégie : « La France est, parmi les grands pays industrialisés, celui qui a subi la plus forte désindustrialisation durant les dernières décennies », faisant de notre économie l'économie « la plus désindustrialisée du G7 » après le Royaume-Uni. Malheureusement, les fonds européens contribuent parfois au déshabillage de l'industrie française. Par exemple, le site de Bridgestone à Béthune a été fermé, parce que mis en concurrence avec un site polonais qui a bénéficié de 24 millions d'euros d'aides dans le cadre du fonds européen de développement régional (Feder).

Deuxième angle mort : le refus d'instaurer un protectionnisme écologique et solidaire aux frontières de l'Union européenne. Alors que les États-Unis et la Chine pratiquent à tout-va le protectionnisme et le soutien massif à leur industrie, la Commission demeure libre-échangiste.

Le troisième angle mort est l'absence de vraie réforme des règles budgétaires européennes et du régime des aides d'État. Sur le premier point, tant que vous maintiendrez les règles du pacte de stabilité et de croissance, certains États européens – en l'occurrence, l'Allemagne – pourront soutenir massivement leur industrie alors que les autres ne le pourront pas, et les déséquilibres déjà existants s'aggraveront. Quant aux règles relatives aux aides d'État, certes vous les assouplissez, mais si vous ne les conditionnez pas à des objectifs sociaux et environnementaux, vous ne faites qu'alimenter les profits des actionnaires, et rien d'autre.

La France d'Emmanuel Macron est championne en la matière, avec 157 milliards d'euros d'aides publiques par an, et ce constat de France Stratégie : « Les grandes entreprises françaises sont devenues des championnes de la délocalisation, ce qui leur a permis de maintenir leur compétitivité au niveau mondial mais au détriment de l'emploi industriel en France. »

C'est la fin de l'Europe naïve, avez-vous dit. Je vous prends au mot : qu'avez-vous prévu pour remédier à ces angles morts ?

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