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Intervention de Thierry Breton

Réunion du jeudi 1er juin 2023 à 9h00
Commission des affaires européennes

Thierry Breton, commissaire européen au marché intérieur :

Je vous remercie de me permettre de m'exprimer devant vous pour évoquer la souveraineté industrielle, un sujet qui m'est cher et qui est extrêmement important pour les Européens et pour nous, Français.

Ce thème ne fait plus débat : il est désormais ancré et fera partie de notre ADN, pour longtemps, je l'espère – en tout cas, je me suis beaucoup battu pour cela à la Commission européenne et au niveau de l'Europe. Cette évolution, nous la devons à la succession de crises que nous avons vécues au cours des quatre dernières années. La crise sanitaire, la crise énergétique, les conséquences de l'agression terrible voulue par Vladimir Poutine en Ukraine et donc la guerre qu'il mène sur le territoire européen, et les crises systémiques, telle la crise climatique, nous ont au moins appris une chose : un pays seul n'est pas en mesure de lutter contre des crises d'une telle ampleur. C'est parce que nous sommes ensemble, que nous représentons 450 millions d'Européens, que nous sommes le premier marché du monde, que nous pouvons trouver des solutions. Au reste, on l'a bien vu, ceux qui ont voulu s'extraire de notre Union en souffrent, c'est une évidence – je ne désigne personne, mais vous aurez compris à qui je pense.

Ensemble, nous avons réfléchi et travaillé pour aller plus vite, en partant du constat qu'être une puissance en matière de recherche ne suffit plus. Si essentielles que soient la recherche et l'innovation, il faut aussi avoir une capacité de production industrielle domestique, sur notre continent européen, dans nos États membres et, bien sûr, en France. Je défends ce changement de paradigme depuis mon premier jour à la Commission. Il a trouvé un relais en la personne du Président de la République, qui l'a porté fortement en France puis lors de la présidence française de l'Union européenne.

La souveraineté industrielle est un impératif transversal, que l'on retrouve sur tous les terrains : dans la réalité de nos usines, qui sont de plus en plus interconnectées avec le monde numérique, sur la terre comme dans le ciel et dans l'espace, dans le civil comme dans le militaire. C'est la fin de l'Europe naïve et l'affirmation d'une Europe puissance, qui prend en main son destin industriel. Grâce à elle, nous allons exporter nos technologies et nos produits plutôt que nos emplois. Il n'y a pas de fatalité ; il faut aborder les choses selon leur opportunité, en nous appuyant sur nos forces. Il faut toujours mesurer nos forces plutôt que de nous attacher à nos faiblesses, ce qui nous empêche d'avancer.

Notre première force, c'est notre marché intérieur, pour ce qu'il offre en termes d'emploi et de créativité, pour son unicité, mais aussi pour l'instrument géopolitique qu'il représente. Notre deuxième force tient à notre capacité à transformer notre leadership technologique en leadership industriel et commercial. La troisième est la richesse de notre capital humain.

Le marché intérieur s'est révélé en tant qu'instrument géopolitique dans le continuum des crises auquel nous faisons face, qui traduit un changement fondamental : on est passé de l'ère de la mondialisation à celle que je qualifie d'« ère géopolitique des chaînes de valeur ». Lorsqu'on parle d'infrastructure industrielle, on entend évidemment l'instrument, l'usine, le lieu, mais c'est aussi, en amont, un nombre très élevé de chaînes de valeur – nationales, intracommunautaires et internationales – et, en aval tout ce qui concerne la fabrication, la fabrication assistée, le time-to-market, les productions toujours plus finalisées pour répondre aux besoins spécifiques des usages.

C'est ainsi que nous avons essayé progressivement de reconstruire notre marché intérieur, qui est plus important que le marché américain. Je l'ai rappelé hier au secrétaire d'État Antony Blinken, à la secrétaire au commerce Gina Raimondo et à la représentante au commerce Katherine Tai, avec lesquels je participais au Conseil commercial et technologique entre l'UE et les États-Unis (TTC) dans le nord de la Suède : le marché européen, notamment dans le secteur du numérique, est une fois et demie plus gros que le marché américain, il est donc normal que nous défendions ce que nous sommes.

Nous avons bâti les infrastructures réglementaires nécessaires à un marché européen numérique grâce à des régulations transverses et identiques pour tous les pays, que nos instances démocratiques européennes – les colégislateurs que sont le Parlement européen et le Conseil européen – ont votées. Le DSA et le DMA composent, dans cet espace numérique qui était une sorte de Far West, une architecture qui permet à présent l'application de règles unifiées aux plateformes partout en Europe : au niveau sociétal, avec le DSA ; au niveau économique, avec le DMA.

Désormais, quand l'Europe parle, ce sont les grandes plateformes qui doivent s'adapter à ses régulations, et non plus l'inverse. Nous sommes un continent ouvert aux autres, mais désormais nous imposons des conditions. Si elles les respectent, les entreprises étrangères sont les bienvenues ; dans le cas contraire, elles ne peuvent pas opérer sur le marché intérieur. Ce qui est déjà vrai pour nombre de produits qui font l'objet de spécifications – mes équipes surveillent, par exemple, que les jouets importés sont bien dénués d'intrants toxiques – l'est désormais aussi dans l'espace numérique.

Notre force, nous l'avons fait jouer aussi au moment de la crise de la covid. Au début, chaque pays s'est refermé sur lui-même et a essayé de voir comment faire. Pour finir, face à l'ampleur de l'enjeu, la nécessité d'agir ensemble s'est imposée. C'est ainsi que nous nous sommes soudés pour acheter et pour développer la recherche plus encore que ce que nous faisions auparavant – la plupart des vaccins qui ont été utilisés avaient été financés par l'Europe, en particulier les vaccins à ARN messager.

Nous nous sommes unis, non seulement pour acheter, mais aussi – c'est la tâche qui m'a été confiée – pour faire croître très rapidement la capacité de production industrielle et pharmaceutique de nos usines en Europe. On pensait que c'était mission impossible ; en moins d'un an, l'Europe est devenue la pharmacie du monde pour les vaccins, dont nous avons été les premiers exportateurs. Nous avons livré d'abord nos propres concitoyens, puis exporté la moitié de la production dans le monde. D'une capacité de fabrication mensuelle de 20 millions de doses, nous sommes passés à 300 millions en l'espace de quelques mois. C'est là un exploit industriel qui nous a montré qu'en œuvrant ensemble, en mutualisant les chaînes de valeur, en travaillant sur les goulets d'étranglement, comme nous l'avons fait avec mes équipes, nous pouvions progressivement multiplier notre capacité pharmaceutique globale.

C'est encore le marché intérieur qui, bon an mal an, nous a permis de maintenir notre approvisionnement en énergie l'hiver dernier, et dès que la guerre en Ukraine a débuté. Vladimir Poutine a utilisé beaucoup des dépendances de l'Union européenne, en particulier celle à l'égard de l'énergie, comme des armes hybrides. Nous avons considéré qu'il était indispensable de se découpler de cette dépendance, notamment s'agissant du gaz. Beaucoup disaient que c'était impossible : nous y sommes parvenus en l'espace de huit mois, en ayant recours à d'autres sources d'approvisionnement, entre autres le gaz naturel liquéfié, et, à ce jour, le prix du gaz est moins élevé qu'il ne l'était avant le début des hostilités en Ukraine. Pour avoir contribué à la mise en place de la plateforme commune, notamment avec ma collègue Kadri Simson, je puis vous assurer que cela ne s'est pas fait tout seul et que cela a demandé une très forte coordination européenne.

Aujourd'hui encore, nous mettons en commun nos capacités industrielles de défense pour augmenter nos capacités de production, notamment d'armement et de munitions. Nous en avons besoin pour nous, car tous les États membres ont beaucoup donné de ces armements et munitions à l'Ukraine pour répondre à la demande des autorités de défense ukrainienne. Ils ont réduit leurs stocks, qu'il s'agit de remonter très rapidement afin d'être au niveau nécessaire, y compris pour faire face à des guerres de haute intensité. Il faut aussi pouvoir continuer à livrer les matériels dont l'Ukraine a besoin. Nous avons pris l'engagement de fournir 1 million de munitions à l'horizon de douze mois, mais surtout de monter notre capacité industrielle en matière de défense pour produire à peu près 1 million de munitions par an, ce qui nous semble être nécessaire, en l'état du monde géopolitique, pour les années à venir. En tant que responsable des industries de défense, c'est à moi qu'incombe cette tâche. J'ai visité plus de quinze États membres qui disposent de capacités industrielles pour les faire travailler de concert, réfléchir aux chaînes de valeur, aux chaînes d'approvisionnement et être en mesure de faire face à cet enjeu.

Les questions géopolitiques se jouent aussi au-dessus de nos têtes, en particulier à l'heure où l'espace est un domaine de plus en plus disputé. Il est essentiel que l'Europe tienne son rang de très grande puissance spatiale. Nous disposons déjà de deux constellations souveraines. Galileo est la constellation la plus performante au monde en matière de positionnement par satellite ; elle est plus performante que le GPS américain. Elle est utile pour les positionnements que nous utilisons quotidiennement, dans nos véhicules, nos smartphones, etc., mais elle permet également des applications dans le domaine gouvernemental et de défense. La deuxième constellation, Copernicus, fournit des images en temps réel de la planète pour toutes les applications, climatiques notamment. Avoir une connaissance au niveau spatial de tout ce qui se passe en temps réel sur la planète est essentiel.

Nous avons lancé une troisième constellation, Iris, qui fournira, au niveau européen, une connectivité ultra-sécurisée pour les communications intergouvernementales et pour passer dans l'ère post-quantique. Avec le développement des calculateurs et ordinateurs quantiques, certains des codes qui protègent actuellement les réseaux classiques de communication, en particulier internet, pourront être cassés – je pense au chiffrement RSA. Il faudra donc disposer d'une capacité de cryptologie quantique pour des applications spécifiques ; c'est ce qu'Iris permettra prochainement. Le projet a été voté par les colégislateurs, les appels d'offres sont en cours. Ce très important projet européen de souveraineté couvre également nos besoins commerciaux privés et ceux des particuliers qui n'ont pas accès au haut débit dans certaines parties de l'Union européenne. Constellation Nord-Sud, en orbite basse, Iris s'appuiera aussi sur des constellations en orbites moyenne et géostationnaire déjà existantes. Bien plus sophistiquée que celles qui existent à ce jour, elle répondra à nos besoins et couvrira également l'Afrique, car nous voulons offrir une capacité de connectivité à l'ensemble du continent africain.

Pour que notre marché intérieur soit un outil géopolitique au service de la fin de l'Europe naïve, il nous faut nous doter de dispositifs permettant des rapports de force. Par exemple, lorsque j'étais en charge des vaccins, j'ai découvert avec surprise qu'une grande partie des composants nécessaires à l'ARN messager, notamment, étaient fabriqués dans nos usines européennes implantées aux États-Unis. Or le gouvernement américain avait posé un DPA, c'est-à-dire une interdiction d'export, non seulement des vaccins, mais aussi de leurs composants, tant que l'immunité collective ne serait pas atteinte aux États-Unis, et cela pour toute entreprise localisée aux États-Unis. Devant l'impossibilité de déroger qu'opposait mon interlocuteur, l' US-Chief Vaccin Task Force, à mes demandes de déblocage, le collège des commissaires, puis nos colégislateurs, ont voté en urgence un acte législatif de réciprocité, applicable à tout pays adoptant ce type de pratique. Quelques semaines plus tard, une entreprise des Pays-Bas n'a pas livré des composants aux États-Unis. Après que mon interlocuteur américain eut crié au chantage, nous nous sommes entendus pour débloquer ensemble : les chaînes de valeur ont pu se rouvrir et nous sommes devenus bons amis.

On voit là que ce sont les points forts – pas les faiblesses – qui servent la géopolitique des chaînes de valeur. C'est pourquoi j'insiste pour bien identifier les nôtres, car ce sont les piliers sur lesquels nous pouvons bâtir des relations équilibrées, y compris avec nos meilleurs partenaires.

La fin de l'Europe naïve nécessite aussi de se doter d'éléments de défense commerciale. En particulier, les investissements doivent répondre à des critères et normes identiques aux nôtres. Avec les FDI screening (analyse des investissements directs étrangers), nous disposons désormais d'instruments pour vérifier en amont leur conformité au règlement relatif aux subventions étrangères des pays tiers, de sorte que la concurrence sur le marché unique ne soit pas faussée.

Nous ne sommes contre personne, mais nous connaissons notre force. Nous disons à tous ceux qui veulent venir chez nous : « Bienvenue, voici nos règles ». Mon travail de commissaire européen du marché intérieur, c'est de veiller à l'efficacité de ces règles, à leur application et à leur compréhension par ceux qui veulent bénéficier de notre marché intérieur. Si un investisseur veut y construire des voitures pour la conduite à gauche, c'est à moi de lui expliquer qu'en Europe continentale, on roule à droite et qu'il faudra mettre le volant à gauche. Et je le fais dans tous les domaines.

« Une Europe ouverte, mais à nos conditions », cette formule toute simple m'a valu des heures et des semaines de négociation, y compris au sein de la Commission. À mon arrivée, l'Europe ouverte était proclamée comme une fierté. Pendant deux ans, je n'ai eu de cesse de répéter : « Ouverte, oui, mais à nos conditions. » C'est finalement la position qui l'a emporté à l'issue du débat qui a eu lieu au sein du collège, celle que nous déclinons et qui nous permet de définir à ce jour la souveraineté industrielle.

Notre deuxième force, c'est notre leadership technologique, que nous devons transformer en leadership industriel. « L'entreprise sans usine » prônée à une époque est une caricature qui a produit bien des dégâts. Il n'y a pas d'entreprise industrielle sans usine. De plus en plus, les produits fabriqués intègrent de la valeur ajoutée avec des composants électroniques et des semi-conducteurs qui eux-mêmes ouvrent sur des applications spécifiques, lesquelles sont développées pratiquement en même temps avec les utilisateurs. Tout cela suppose de la proximité.

Je crois profondément que la proximité d'un outil industriel par rapport à son marché est devenue un élément central parce que, dans l'industrie 4.0, les clients interviennent quasiment en amont. De la même façon qu'il y a vingt ans, lorsque l'on achetait une voiture, on participait à sa conception en en choisissant la couleur, celle des sièges ou l'autoradio en option, aujourd'hui, les clients peuvent le faire pour tous les produits. C'est d'autant plus vrai dans les interactions numériques, qui sont de plus en plus importantes, qu'elles soient basiques ou fassent appel à l'intelligence artificielle. Tout produit qui interagit de façon numérique avec son environnement nécessite une proximité des lieux de fabrication, de recherche et de formation. Et les jeunes devront se former à cette dualité industrielle et commerciale.

L'importance de ce sujet m'a incité à mener assez rapidement un autre combat, également compliqué, pour convaincre de la nécessité de rapatrier des usines de composants et de semi-conducteurs en Europe. Au cours des trente ou quarante dernières années, on a laissé filer un grand nombre de nos usines de semi-conducteurs, essentiellement à Taïwan et en Asie du Sud-Est, pour des raisons de compétitivité et de coût du travail. En 2000, environ 40 % de la production mondiale étaient fabriqués en Europe, contre 10 % aujourd'hui – il en est de même aux États-Unis. Compte tenu des perspectives d'évolution dans le monde et du poids que nous y pesons – l'Europe représente 440 millions d'habitants sur une planète qui en compte 9 milliards –, nous estimons que la localisation en Europe de 20 % de la production des semi-conducteurs à l'horizon 2030 garantirait le bon fonctionnement de nos chaînes de valeur et fournirait à nos usines ce dont elles ont besoin, y compris dans l'industrie qui intégrera, peu ou prou, ce type de semi-conducteurs, classiques ou à plus forte valeur ajoutée.

Je souhaite que nous soyons les plus avancés possible dans la production de semi-conducteurs en dessous de 10 nanomètres, c'est-à-dire du milliardième de mètre, voire les plus avancés en dessous de 2 nanomètres, qui permettent la plus grande puissance de calcul nécessaire aux produits de demain. Grâce au règlement européen sur les puces (European Chips Act), nous avons un cadre d'investissement qui nous permet d'accueillir en nombre des industries et usines travaillant dans ces domaines.

Parallèlement à la transition numérique, l'Europe a à conduire la transition verte, jumelle industrielle de la première, qui a également besoin de plus en plus de composants critiques, mais aussi d'infrastructures et d'usines pour fabriquer les éléments du verdissement et de la décarbonation de nos économies. Dans ce domaine aussi, on a laissé filer beaucoup de choses en Chine, en particulier les panneaux photovoltaïques, dans lesquels nous étions leaders il y a quelques années et qui y sont maintenant produits à 98 %. Il s'agit donc de reconquérir ces marchés.

C'est l'objet de la proposition de règlement pour une industrie à zéro émission nette ( Net Zero Industry Act, NZIA), qui est la réponse européenne à l'IRA américain – je m'en suis encore longuement entretenu hier avec le secrétaire d'État Antony Blinken. C'est une réponse qui me semble adaptée et équilibrée. Il fallait la mettre en place très rapidement pour affaiblir une force d'attractivité et d'appel de nos industries vers ailleurs, car cette course à la réindustrialisation n'a pas lieu qu'en Europe, elle est également lancée aux États-Unis et en Chine, notamment.

Il faut donc accélérer, se donner les moyens financiers mais aussi réglementaires. Pour ne plus avoir à attendre trois ans pour installer une usine de fabrication d'hydrogène et d'électrolyseurs, il faut accélérer les procédures d'autorisation des sites industriels, bien sûr tout en respectant nos normes en matière d'environnement et de biodiversité.

Nous nous sommes fixés des objectifs élevés dans le secteur des industries vertes. Pour produire 40 % de nos besoins de déploiement de cleantech (technologies vertes) à l'horizon 2030, et 10 % à 40 % selon les différents types de chaînes de valeur, nous nous donnons les moyens financiers, au niveau européen et, bien sûr, français. La gigafactory française de batteries inaugurée cette semaine fait partie des composants essentiels de ce domaine, comme toutes les industries qui contribuent à la fabrication d'énergies renouvelables – les éoliennes, les panneaux photovoltaïques, les pompes à chaleur mais aussi le nucléaire, pour l'inclusion duquel je me suis battu. Je l'ai dit dès le premier jour, sans idéologie aucune : sans nucléaire, il est impossible d'atteindre l'objectif de décarbonation en 2050. Aujourd'hui, 25 % à 30 % de notre production d'électricité est nucléaire ; il faudra la maintenir encore à 20 % minimum à l'horizon 2050, tout en doublant la capacité de production électrique. Si nous n'augmentons pas nos capacités nucléaires – qui produisent une énergie décarbonée –, nous n'y parviendrons pas.

Il s'agit donc de continuer à investir, et dans la jeunesse aussi. Moi qui suis ingénieur, je sais qu'il faut donner aux jeunes l'envie d'aller travailler dans certaines filières. Par le passé, on les a un peu découragés de s'orienter dans le domaine du nucléaire ; il faut donc y attirer de jeunes talents en leur redonnant de la visibilité. Je suis de ceux qui croient aussi aux générateurs de quatrième génération, propres, et qu'il faut continuer à investir dans la fusion nucléaire. Car le nucléaire est une énergie d'avenir importante et propre.

Je termine avec le capital humain – les jeunes comme les moins jeunes –, qu'il est indispensable de former à ces transitions. Pour reprendre l'exemple des voitures, le Parlement et le Conseil européens ont décidé l'arrêt de la vente des véhicules thermiques en 2035. Quant à moi, je me bats pour que l'on continue à fabriquer des moteurs thermiques en Europe, ne serait-ce que pour les vendre à ceux qui auront besoin de moteurs propres pour effectuer leur transition. Dans ce contexte, il faut accompagner ceux qui fabriquent des véhicules thermiques vers la construction des véhicules électriques, qui est un tout autre métier.

La formation est essentielle. Avec mon collègue Nicolas Schmit, nous avons créé des académies spécifiques et mobilisé des moyens très élevés pour accompagner ces transitions dans le cadre du pacte pour les compétences noué avec les quatorze écosystèmes industriels qui constituent le marché intérieur, parmi lesquels l'automobile, l'aviation, la santé, l'industrie de défense – entre autres. Ces écosystèmes industriels sont eux-mêmes formés de grands groupes, de petites et moyennes entreprises, de centres universitaires, de centres de recherche, chacun ayant des dynamiques propres de transformation, donc de formation. Je serais heureux de vous en parler, mais je laisse la place aux questions. Sachez toutefois que le sujet est d'importance, et que nous y avons investi beaucoup de moyens, y compris à la disposition des États membres.

Pour conclure, je vous informe que nous avons élaboré un agenda de sécurité économique, qui fera l'objet d'une proposition de texte et d'une communication que nous présenterons dans les quinze jours qui viennent. C'est un sujet d'importance puisqu'il s'agit de « dérisquer » des dépendances par rapport à la géopolitique des chaînes de valeur. Je serais heureux d'y revenir au cours des questions.

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