Sur la méthode, lorsque nous avons engagé les partenaires sociaux à ouvrir cette discussion, nombre d'entre eux avaient exprimé le souhait qu'elle s'accompagne d'un engagement du Gouvernement sur une transposition intégrale et fidèle de l'accord, engagement que j'avais pris, que la Première ministre a pris à son tour et que nous respectons dans ce projet de loi.
Certains, dans leurs interventions, soit parce que la question des salaires n'est pas abordée au-delà des classifications – c'était le cas de Mme Sas –, soit parce que les questions d'épargne salariale et d'actionnariat salarié ou celle relative aux entreprises comportant moins de salariés ne sont pas traitées de manière extrêmement approfondie – c'était le cas de M. Viry – ont exprimé une forme de frustration ou de déception. Je peux le comprendre, mais ne pas respecter l'engagement que nous avons pris vis-à-vis des partenaires sociaux qui ont accepté d'ouvrir cette discussion serait pire. C'est la raison pour laquelle nous faisons le choix de transposer de manière intégrale et fidèle.
M. Guedj m'a demandé comment nous veillerions à ce que vos délibérations fassent consensus chez les signataires. Je rappellerai une évidence : les parlementaires sont libres de déposer tous les amendements qu'ils souhaitent dans les règles de recevabilité. L'avis du Gouvernement s'appuiera sur une consultation des partenaires sociaux sur ces amendements. Libre à chaque parlementaire de vérifier auprès des signataires que l'avis que je donnerai en m'appuyant sur le recueil de leurs propres avis est bien conforme.
C'est ce que nous avons commencé à faire. Un certain nombre de sujets ont été abordés sur lesquels nous avancerons, je pense, d'ici l'examen du texte en séance.
Le principe de non-substitution a été évoqué à plusieurs reprises. Il est fixé et précisé à l'article L. 3312-4 du code du travail. Tous les signataires de l'accord considèrent que la solidité juridique du principe de non-substitution tel qu'arrêté par le code du travail est tout à fait satisfaisante. Si, avant l'examen du texte en séance, nous pouvons, en accord avec les signataires, trouver une rédaction qui, sans remettre en cause la solidité de cet article du code du travail, permette de réintroduire ce principe de non-substitution pour que le texte soit aussi équilibré que l'accord, j'y serai favorable.
De même, nous considérons que la question des métiers référents est satisfaite par le droit existant. C'est la raison pour laquelle nous ne l'avons pas introduite dans le texte. Nous aurons certainement cette discussion en séance. Là encore, si des rédactions consensuelles permettent de conforter le droit, tant mieux !
Les stipulations de l'accord que nous n'avons pas intégrées dans le projet de loi soit sont d'ordre réglementaire, soit nous paraissent satisfaites en l'état du droit. Nous n'avons pas voulu prendre le risque de la répétition.
Le Conseil d'État a émis des remarques concernant l'égalité devant l'impôt au sujet de la prorogation du dispositif du régime fiscal et social particulièrement avantageux de la PPV dans les entreprises de moins de cinquante salariés. Nous avons pris acte de ses remarques, mais par engagement à la fidélité de la transposition, malgré son avis, nous avons maintenu les dispositions soumises à votre vote.
Il a également émis, à l'occasion du premier examen en section, des remarques sur la manière dont on caractérise un résultat exceptionnel dans une entreprise. Cela a nécessité une saisine rectificative qui, je le précise, renvoie à une négociation d'entreprise la définition du caractère exceptionnel. Celle-ci s'est faite conformément à la méthode que j'ai évoquée : tous les termes de la saisine rectificative ont été partagés de manière consensuelle avec les signataires de l'accord. Le Conseil d'État, en assemblée générale, a considéré que les précisions pouvaient manquer et son avis renvoie à un certain nombre de précisions utiles sur la taille de l'entreprise, sur le niveau moyen des bénéfices au cours des dernières années ou sur le secteur d'activité. Nous travaillons, là encore, avec les partenaires sociaux signataires de l'accord pour étudier les dispositions susceptibles de recueillir un soutien consensuel de leur part.
Vous avez craint que le dispositif appelé plan de valorisation des entreprises ou plan d'intéressement à la valorisation de l'entreprise n'entre en concurrence avec le système d'actionnariat salarié. À mon avis, ces dispositifs sont plus complémentaires que concurrents. Le dispositif proposé par les partenaires sociaux ne prévoit pas l'attribution de parts sociales du capital, mais seulement un intéressement à l'augmentation de la valeur globale de l'entreprise dans des conditions de mise en œuvre bien plus simples que l'actionnariat salarié qui, il faut en convenir, est un difficile à mettre en place. Le risque de concurrence ou de cannibalisation me paraît faible aussi parce que le régime fiscal et social du plan de valorisation est le même que celui lié à la perception de revenus de plans d'actionnariat salarié.
J'en viens aux questions relatives à l'accès aux outils et au partage par un maximum d'entreprises des outils prévus par l'accord. Un plan de communication me semble nécessaire. L'État y prendra sa part et, à mon avis, les organisations professionnelles, les branches notamment, doivent y participer. J'ai rencontré, cet après-midi, le président du conseil d'administration de l'Urssaf ; sans préjuger du vote du Parlement, je souhaite qu'un groupe de travail soit rapidement constitué pour que la direction générale du travail et les Urssaf avancent sur les outils et les éléments de communication permettant à chacun de s'approprier l'accord.
Les ambassadeurs à l'intéressement et au partage de la valeur peuvent être utilement mobilisés. Ils doivent travailler sur la manière dont les dispositions de l'ANI peuvent être appliquées dans les territoires ultramarins. Les caractéristiques sociales et économiques liées à la taille moyenne des entreprises et aux spécificités des régimes fiscaux et sociaux – je pense notamment à la prise en compte de l'octroi de mer – nécessitent qu'un travail particulier soit mené.
Les simplifications en matière de forfait social sont l'un des points de l'accord que nous n'avons pas traduit dans la loi, considérant qu'il est satisfait puisque, depuis 2019, il n'existe plus de forfait social sur la participation dans les entreprises de moins de cinquante salariés, où ce dispositif de participation est facultatif, ni sur l'intéressement dans les entreprises de moins de 250 salariés. Ces mesures de 2019 ainsi que les facilitations mises à la conclusion de l'accord d'intéressement dans la loi du 16 août 2022 nous paraissent très largement répondre aux stipulations de l'accord.
S'agissant des négociations salariales, ma réponse ne satisfera pas nécessairement l'ensemble des intervenantes et des intervenants, mais je renvoie à un principe : nous considérons que la loi permet une indexation du Smic sur l'inflation, notamment sur l'inflation connue par le premier décile des ménages français, ainsi que sur l'évolution d'indicateurs relatifs au salaire moyen horaire, notamment ouvrier. Nous renvoyons de manière constante – ce n'est pas une nouveauté avec ce Gouvernement – la détermination du niveau des salaires au dialogue social de branche, et celui-ci est observé par le comité de suivi de la négociation salariale que j'ai réuni le 14 juin dernier, voilà quelques jours à peine.
Les dispositions de la loi du 16 août 2022 ont des effets bénéfiques puisque, depuis le 1er mai, un grand nombre de branches ont un minima conventionnel inférieur au Smic. Ce nombre est élevé du fait de la revalorisation récente du Smic. Le recul dont nous disposons quelques mois après la revalorisation du Smic au 1er janvier montre que les choses se sont accélérées. En quatre mois, entre le 1er janvier et la fin du mois d'avril, sur les cent quarante branches qui ont eu un minima conventionnel inférieur au Smic du fait de la revalorisation de ce dernier au 1er janvier, soixante-dix-sept avaient réalisé ce travail de mise en conformité. C'est bien plus rapide que ce que nous connaissions précédemment.
Par ailleurs, vous avez adopté des dispositions qui permettent au Gouvernement de considérer que le maintien pendant une période trop longue d'une branche dans une situation où elle présente au moins un minima inférieur au Smic est un critère de restructuration. Or le nombre de branches dont un minima conventionnel au moins est inférieur au Smic depuis plus d'un an est de neuf sur les 171 suivies, contre vingt en moyenne les années précédentes. Nous actionnons cette possibilité de restructuration puisque j'ai indiqué à la branche des casinos que, faute d'accord avant septembre – puisque c'est le délai de procédure contradictoire prévu par la loi du 16 août 2022 –, nous procéderions à la restructuration. C'est le premier exemple d'application de cette disposition.
Il y a toujours une forme d'insatisfaction à ne pas aller au-delà de l'accord tel qu'il a été conclu par les partenaires sociaux. C'était le cas, me semble-t-il, lors des discussions de l'ANI ayant donné lieu, à l'été 2021, à une transposition en matière de santé au travail. Cela peut être le cas avec cet ANI, comme cela avait été le cas avec l'ANI de 2013, qui a été rappelé, et dont les résultats sont d'ailleurs probants puisque figuraient dans cet accord les conventions de revitalisation, qui montrent leur efficacité pour accompagner la réindustrialisation et la création de nouvelles activités dans des territoires directement concernés par des plans de restructuration et des plans sociaux.
Je ne doute pas que le débat permettra d'avancer. Je redis la totale disponibilité du Gouvernement pour continuer à améliorer ce texte, en suivant toujours cette méthode que je souligne : notre volonté de nous conformer à l'accord mais aussi à un consensus des partenaires sociaux signataires de cet accord sur les modifications qui seront proposées à l'occasion de la discussion parlementaire.
La commission décide d'en venir à la discussion des articles du projet de loi.