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Intervention de Louis Margueritte

Réunion du lundi 19 juin 2023 à 18h00
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLouis Margueritte, rapporteur :

Associer les salariés aux fruits de la croissance des entreprises pour mieux répartir les richesses, tel est le principe sur lequel repose le partage de la valeur, levier essentiel de valorisation du travail, de fidélisation et de motivation des salariés, facteur de compétitivité des entreprises, vecteur de justice et de cohésion sociales.

C'est une idée très gaullienne, héritée des années 1950 et 1960. Les dispositifs de partage de la valeur sont nombreux, parfois complexes : intéressement, participation, plans d'épargne salariale ou encore opérations d'actionnariat salarié. Ils sont davantage répandus en France qu'ailleurs en Europe. En 2019, seule la Slovénie faisait mieux à l'échelle du continent. Nous pouvons nous féliciter d'être en tête sur ce sujet.

Les années récentes ont été marquées par le déploiement continu de ces dispositifs. Le nombre de salariés couverts par au moins l'un d'entre eux a progressé de 8 % entre 2017 et 2020, avant que la crise sanitaire ne vienne rebattre les cartes.

Ces progrès sont imputables à la volonté des salariés et des chefs d'entreprise, mais également à l'action résolue du Gouvernement et de la majorité présidentielle qui se sont employés, dès le début de la précédente législature, à créer les conditions de leur diffusion dans les entreprises, petites et moyennes en particulier. Avec la loi Pacte du 22 mai 2019 ou la loi « pouvoir d'achat » du 16 août 2022, pour ne citer qu'elles, nombre de mesures pragmatiques ont été mises en œuvre à cette fin, entre simplification normative et incitations fiscales.

Il n'en demeure pas moins que les salariés bénéficient dans des proportions très différentes de ces dispositifs qui restent, force est de le reconnaître, l'apanage des moyennes et surtout des grandes entreprises. En 2020, 39 % des salariés des entreprises de cinquante à quatre-vingt-dix-neuf salariés avaient accès à la participation et 25 % à l'intéressement, quand 70 % des salariés des entreprises de mille salariés et plus avaient accès à l'une comme à l'autre.

Les marges de progrès sont donc réelles. Aussi, soucieux de prolonger les efforts déjà accomplis, le Gouvernement a invité les partenaires sociaux, à l'automne 2022, à engager une négociation nationale interprofessionnelle sur le partage de la valeur entre travail et capital, orientée autour de trois axes : la généralisation de l'accès à un outil de partage de la valeur ; l'amélioration de l'articulation entre les outils ; et l'orientation de l'épargne salariale vers les grandes priorités d'intérêt commun.

Sur la base de ce canevas et au terme de plusieurs semaines et mois de discussion, les organisations syndicales de salariés et les organisations patronales ont conclu, le 10 février 2023, un accord national interprofessionnel sur le partage de la valeur au sein de l'entreprise, riche de trente-six articles. Il faut s'en féliciter car, au début de la négociation, les chances d'y parvenir étaient minces, les uns considérant que ce n'était pas le sujet, les autres qu'il n'y avait pas de sujet. Cet accord est historique. Qu'ils aient trouvé un terrain d'entente sur un sujet aussi fondamental est la preuve que la démocratie sociale se porte bien dans notre pays et a encore de beaux jours devant elle.

Ce projet de loi assure la transposition des stipulations de l'ANI dont l'application suppose notre intervention, conformément à l'engagement pris par Mme la Première ministre. Je l'affirme avec conviction, son examen au Parlement devra se faire dans le respect des considérations des partenaires sociaux afin que soient préservés les grands équilibres de l'accord.

Ces quelques éléments de contexte rappelés, j'en viens aux différents titres qui composent ce texte.

Dans le contexte persistant d'inflation qui pèse sur le pouvoir d'achat de nos concitoyens, les organisations signataires ont d'abord souhaité rappeler l'importance qui s'attache à une révision régulière des classifications qui fondent les grilles salariales au sein des branches. C'est l'objet du titre Ier, dont l'article unique impose à toutes les branches qui n'ont pas procédé depuis cinq ans à un examen de leurs classifications une négociation sur le sujet avant la fin de l'année 2023.

Le titre II rassemble l'ensemble des dispositions visant à faciliter la généralisation des outils de partage de la valeur. L'article 3, en particulier, marque une véritable avancée. Conçu sous la forme d'une expérimentation sur cinq ans, il suppose que les entreprises de onze à quarante-neuf salariés qui dégagent des bénéfices puissent distribuer l'un des trois outils de partage de la valeur.

L'un des dispositifs phares de l'ANI, transposé à l'article 5, est l'obligation de mieux partager les résultats d'une augmentation exceptionnelle des bénéfices au sein des entreprises de cinquante salariés et plus, comptant au moins un délégué syndical. Près de 8 000 entreprises sont potentiellement concernées. Cela va donc bien au-delà des seuls grands groupes, ce qui était un point de vigilance des organisations syndicales.

Dans un contexte économique où certains secteurs, de l'énergie ou des transports, réalisent des profits élevés dont nous avons beaucoup parlé depuis un an, il est normal que les salariés reçoivent une juste part de leur contribution lorsque les entreprises dégagent des bénéfices. Le dispositif initialement envisagé par les partenaires sociaux confiait au seul employeur le soin de définir ce qu'est une augmentation exceptionnelle des bénéfices. Face au risque d'incompétence négative du législateur, le projet de loi – que vous avez modifié dans une saisine rectificative, monsieur le ministre – a entendu confier cette mission à la négociation collective. Toutefois, pour tenir compte des réserves émises par le Conseil d'État, il semble que la définition doive être précisée. Cela fera l'objet d'une discussion qui se tiendra dans les prochaines heures entre organisations syndicales et patronales

L'article 6 complète le mécanisme de la PPV et proroge, jusqu'à la fin de 2026, sa composante exceptionnelle en soutien au pouvoir d'achat du personnel des seules entreprises de moins de cinquante salariés. Cet outil est plébiscité par les chefs d'entreprise. Il convient, à mon avis, de le conserver. Ces mesures sont de nature à conforter le succès de la PPV qui a bénéficié, en 2022, à 25 % des salariés du secteur privé pour un montant de 4,4 milliards d'euros.

L'article 7 s'attache à la création d'un nouvel outil, le plan de partage de la valorisation de l'entreprise, qui nous semble intéressant et vise à mieux faire partager l'accroissement de valeur sans ajuster les droits de gouvernance.

Après l'article 8, de coordination, le titre III présente plusieurs mesures de simplification que les partenaires sociaux ont appelées de leurs vœux, dont la sécurisation d'accords d'intéressement ou encore la simplification les procédures de révision des plans d'épargne interentreprises, pour ne citer que celles-là.

Le titre IV met un point d'honneur à favoriser l'actionnariat salarié, outil très efficace d'association des salariés à leur entreprise. Il permet de rehausser les plafonds d'attribution gratuite d'actions (AGA), évoqués par M. le ministre.

Nous aurons l'occasion d'approfondir ces différents articles.

Les partenaires sociaux ont rempli leur mission, lors de discussions difficiles. Nous les avons auditionnés à plusieurs reprises avec ma collègue Eva Sas, que je remercie pour la qualité des travaux que nous avons menés ensemble lors de la mission d'information, ainsi que les administrateurs de l'Assemblée qui ont réalisé un travail formidable.

Chers collègues, à nous de remplir la nôtre et de montrer que, face à l'enjeu, la démocratie parlementaire est à la hauteur de la démocratie sociale.

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