Nous sommes à nouveau réunis pour examiner, en nouvelle lecture, la proposition de loi que j'ai déposée le 23 mai dernier, laquelle vise à prolonger temporairement le plafonnement de la variation annuelle des indices locatifs. Nous avons adopté ce texte à une large majorité à l'Assemblée le 31 mai, avant que le Sénat ne le rejette, d'abord en commission, par l'adoption d'une motion tendant à opposer la question préalable déposée par la rapporteure du texte, Mme Dominique Estrosi Sassone, puis en séance publique. Cela nous a logiquement amenés à constater, hier, l'échec de la CMP.
Je rappelle que cette proposition de loi a pour seul objet de prolonger le plafonnement de deux indices locatifs, utilisés pour réviser les loyers, jusqu'au premier trimestre 2024. Ce plafonnement avait été voté dans la loi « pouvoir d'achat », adoptée à une large majorité à l'Assemblée nationale comme au Sénat. Le texte en discussion maintient le plafonnement de l'indice de référence des loyers (IRL), applicable dans le parc privé et social, et de l'indice des locaux commerciaux (ILC), qui s'applique aux baux des commerçants et artisans. L'ILC ne sera plafonné que pour les PME.
Nous ne modifions pas les autres paramètres du plafonnement votés l'année dernière, qu'il s'agisse du taux, maintenu à 3,5 %, ou du périmètre d'application de la mesure.
Pour justifier son rejet, le Sénat a invoqué un problème de méthode, un dispositif pénalisant pour les propriétaires, et, plus généralement, les insuffisances de la politique gouvernementale en matière de logement.
Premièrement, il a regretté un calendrier d'examen trop resserré, qui n'aurait pas laissé le temps nécessaire à un travail approfondi. Il est vrai que nous sommes allés vite, mais cela s'explique par le fait qu'il s'agit simplement de prolonger un dispositif existant.
À défaut de plafonnement, l'ILC aurait connu une augmentation de 6,29 % en variation annuelle au quatrième trimestre 2022 et l'IRL, une hausse de 6,26 % au premier trimestre 2023. Ces chiffres suffisent à démontrer l'efficacité de la mesure. Il fallait agir vite car le plafonnement est pris en compte pour le calcul de l'ILC jusqu'au premier trimestre 2023 et pour le calcul de l'IRL jusqu'au deuxième trimestre 2023. Nous avons auditionné une dizaine de personnes à l'Assemblée nationale et avons largement pu débattre du sujet, en commission comme en séance.
Deuxièmement, le Sénat a relevé les conséquences de la mesure pour les propriétaires. Celles-ci justifient un dispositif équilibré, plutôt que le gel des loyers ou l'extension de la mesure, s'agissant de l'ILC, aux entreprises de taille intermédiaires (ETI) et aux grandes entreprises. Les propriétaires subissent les conséquences de la crise, alors que les besoins d'investissement dans les bâtiments sont considérables, notamment en termes de performance énergétique.
Nous prolongeons le plafonnement au même taux compte tenu des prévisions d'inflation et d'évolution des indices, selon lesquelles l'ILC et l'IRL ne repasseraient pas sous la barre des 3,5 % avant le deuxième trimestre 2024. Il est logique, dans ces conditions, de continuer à appliquer les mesures que nous avons votées l'été dernier.
Troisièmement, le Sénat regrette l'insuffisance de la politique du Gouvernement en matière de logement. Notre collègue rapporteure au Sénat a relevé, en particulier, les conséquences de la mesure pour les bailleurs sociaux, alors que l'augmentation du taux du livret A, déterminant pour les modalités d'emprunt, pèse déjà lourd sur leurs finances. Il a aussi regretté l'absence de garanties quant à la revalorisation des aides personnelles au logement (APL). Enfin, de nombreux sénateurs ont exprimé leur mécontentement à l'égard des annonces qui ont été faites concernant le volet « logement » du Conseil national de la refondation (CNR).
Nous devrons avoir un débat structurel sur le logement, compte tenu des immenses défis qui nous attendent et de la crise déjà existante, mais ce n'est pas l'objet de ce texte, qui vise simplement à prolonger un dispositif conjoncturel de soutien au pouvoir d'achat. Je regrette la prolongation des débats sur la base de considérations qui ne sont pas directement liées au texte, car nous allongeons ainsi mécaniquement l'attente des locataires, des commerçants et des artisans qui doivent bénéficier de la mesure.
Concernant le parc social, j'ai sollicité l'Union sociale pour l'habitat (USH) qui n'a pas exprimé de désaccord à l'égard du dispositif. J'entends les besoins de financement et le souhait d'un débat sur la revalorisation des APL ou du forfait de charges, mais ces mesures, qui ont des conséquences financières sur le budget de l'État, ont plutôt vocation à être débattues en loi de finances.
J'espère que nous voterons la prolongation, faute de quoi l'IRL et l'ILC ne seraient plus plafonnés après juillet 2023. Cela risquerait de placer les locataires, les commerçants et les artisans, dont les baux sont indexés sur ces indices, dans une situation financière périlleuse. Je ne souhaite pas leur faire courir un tel risque.