Cette proposition de loi vise à régulariser le plan local d'urbanisme intercommunal de la communauté de communes du Bas-Chablais, qui est frontalière avec la Suisse. Deux sénateurs de la Haute-Savoie veulent faire prévaloir une déclaration d'utilité publique de 2019 sur le PLUi de 2020 du Bas-Chablais, afin de garantir la création d'une autoroute à deux fois deux voies payante, de seize kilomètres, entre Machilly et Thonon-les-Bains.
Le Bas-Chablais est une région dont les écosystèmes sont fragiles, qui borde la rive sud du Lac Léman, au niveau du massif préalpin, et qui est labellisée géoparc depuis 2012. De nombreux agriculteurs y vivent et y travaillent.
Ce projet autoroutier privé date d'un autre âge, celui des années 1980, où l'on ignorait le réchauffement climatique. Il est temps de le réévaluer en prenant en compte les enjeux actuels du dérèglement climatique, de la pollution de l'air et de l'effondrement de la biodiversité, ainsi que le besoin de conserver les terres pour relocaliser la production d'une alimentation durable et de proximité.
Entre-temps, une ligne ferroviaire, le Léman Express, a également été réalisée. Elle transporte, à ce jour, plus de 70 000 passagers par an, et pourrait en transporter encore bien plus moyennant un investissement de taille modeste.
Que l'on soit pour ou contre ce projet, il importe de souligner que le but de la proposition de loi est de permettre la construction d'une autoroute sans réaliser une évaluation environnementale complémentaire en vue de la modification du PLUi, c'est-à-dire sans étudier l'impact qu'aura le projet sur l'équilibre général du PLUi et sans permettre aux citoyens de s'exprimer par une enquête publique au sujet du nouvel équilibre. Un projet de cette ampleur aura pourtant forcément des impacts sur l'ensemble de la circulation et, plus généralement, sur la mobilité dans la région – effets de déport, modification et rallongement de certains trajets, ce qui, en soi, aura notamment des effets sur la qualité de l'air. Il est légitime que les citoyens puissent s'exprimer sur ces conséquences globales.
Il serait paradoxal que des élus de la nation privent les citoyens de la possibilité de donner leur avis. Imposer le projet par une loi écraserait le processus démocratique local et mettrait fin à la concertation sans que soit présentée l'évaluation complémentaire demandée, dans un avis, par la mission régionale d'autorité environnementale (MRAE).
La DUP de 2019 aurait dû entraîner une mise en compatibilité des plans locaux d'urbanisme des dix communes situées sur le trajet de l'autoroute. Or le PLUi approuvé le 25 février 2020, postérieurement à la DUP, omet le projet autoroutier et annule donc la mise en conformité des différents PLU.
Cette proposition de loi prévoit une disposition dérogatoire aux procédures régies par le code de l'urbanisme, à savoir une rectification d'un PLUi nominatif. Cela met en péril le principe constitutionnel d'égalité devant la loi et la répartition des compétences, et fait courir le risque d'un précédent législatif. C'est pourquoi nous invitons la commission à rejeter le texte.