Le constat formulé lors des états généraux de la justice montre que l'institution judiciaire est au bord de la rupture. Dans l'introduction du rapport Sauvé, il était noté qu'elle se portait mal. Tous les professionnels qui concourent au quotidien à son fonctionnement font part de leur profond malaise. Les justiciables ne lui accordent qu'un crédit limité. L'institution paraît grippée. Pour beaucoup, elle serait en lambeaux.
Voilà un lourd défi politique à relever, en raison de « décennies de politiques publiques défaillantes », pour reprendre les termes du comité des états généraux de la justice. Face à cette crise, 3 000 magistrats, greffiers et auditeurs de justice dénonçaient, dans une tribune publiée en novembre 2021, l'approche gestionnaire de la justice et soulignaient la discordance entre la volonté de rendre une justice de qualité et la réalité du quotidien. Le 14 février, j'avais moi-même interpellé le garde des sceaux au moyen d'une question écrite sur la situation très dégradée du tribunal judiciaire de Toulouse, du point de vue tant des effectifs que des moyens. Je n'ai pas reçu de réponse à ce jour. Ce qui m'a été rapporté par les magistrats et par les greffiers, c'est que le tribunal est désormais contraint de prioriser les contentieux, d'appliquer un traitement différencié entre les justiciables, d'abandonner certaines de ses missions et de reporter des audiences faute de magistrats. La paralysie contrainte de certains services et les délais de traitement des dossiers confinent au déni de justice dans la mesure où ils sont incompatibles avec les principes du droit au procès équitable et de l'accès aux juges tels que définis par l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Le présent texte prévoit un renforcement des moyens de la justice, mais ceux-ci restent largement en dessous de la moyenne européenne, les nombreuses années de sous-budgétisation n'étant pas totalement rattrapées. L'article 1er prévoit la création nette de 9 395 équivalents temps plein (ETP) d'ici à 2027, dont 1 500 magistrats, 1 800 greffiers et 600 conseillers de probation et d'insertion. Nous pensons nécessaire de sanctuariser l'augmentation des moyens des programmes Justice judiciaire et Protection judiciaire de la jeunesse, qui nécessitent des moyens humains, et pas uniquement ceux du programme Administration pénitentiaire, à travers la création de places en détention et la protection des murs de prison. En matière de justice, ce qui compte, c'est la prévention.