L'article 1er du projet d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027, dont nous sommes saisis pour avis, définit la trajectoire budgétaire de la mission Justice, à l'exclusion du compte d'affectation spéciale Pensions. Les crédits de cette mission, qui s'élevaient à 8,7 milliards d'euros en 2022, devraient progresser de 21 % et atteindre 10,7 milliards d'euros en 2027. En cumulé, ce sont 7,5 milliards d'euros supplémentaires qui seront alloués au service public de la justice par rapport à 2022. Cette progression est inédite : entre 2007 et 2012, 2 milliards d'euros supplémentaires avaient été alloués au ministère de la justice ; idem entre 2012 et 2017.
Le projet de loi s'inscrit dans la continuité de la précédente période de programmation, qui, quoique sous-exécutée à ses débuts, a fait l'objet d'un important rattrapage en fin de période. Les crédits de la mission Justice ont ainsi progressé de 8 % en 2021, en 2022 et en 2023.
L'essentiel de la hausse du budget du ministère devrait être réalisé en début de programmation. La dotation de la mission Justice augmentera de 500 millions d'euros en 2024 puis de 600 millions d'euros en 2026 avant de stagner. Selon le Haut Conseil des finances publiques (HCFP), cette trajectoire s'explique à double titre. D'une part, les recrutements du ministère devraient être concentrés en début de période. Le rythme des créations d'emplois s'élèverait ainsi à 1 900 en moyenne en 2024 et 2025, contre 1 600 en 2026 et 2027. D'autre part, la majorité des investissements immobiliers et numériques du ministère ont été lancés entre les années 2018 et 2022 et devraient atteindre un pic en 2025.
L'article 1er du projet de loi définit à grand trait le schéma d'emplois prévisionnel de la mission Justice. Le texte déposé par le Gouvernement prévoyait la création de 10 000 emplois, dont 1 500 de magistrats et 1 500 de greffiers. Ces objectifs de recrutements sont particulièrement ambitieux, car ils représentent environ 10 % des effectifs actuels du ministère. À l'initiative des rapporteures du Sénat, ce schéma d'emplois a été modifié sur trois points, mais je proposerai un amendement visant à revenir à la version initiale.
La programmation que nous examinons appelle plusieurs commentaires.
Les besoins financiers du ministère ont été définis à partir des constats et recommandations formulés par le comité des états généraux de la justice. J'espère que nous tomberons d'accord pour considérer que les moyens supplémentaires que le Gouvernement entend allouer au service public de la justice sont non seulement nécessaires, mais aussi à la hauteur des enjeux.
Les crédits alloués au ministère serviront à financer ses orientations stratégiques, détaillées dans le rapport annexé. Elles visent avant tout à réduire les délais de jugement, renforcer l'attractivité des métiers du ministère, du côté judiciaire comme du côté pénitentiaire, accélérer sa transformation numérique et offrir des conditions dignes de détention. À l'initiative du Gouvernement, le rapport annexé a également été enrichi d'une partie portant sur l'institutionnalisation des pôles spécialisés en matière de lutte contre les violences intrafamiliales au sein des tribunaux.
Je partage ces ambitions. Je proposerai toutefois d'en préciser certaines par voie d'amendement, notamment afin d'assurer une protection plus effective des intérêts des enfants.
Deux risques principaux d'exécution peuvent toutefois être identifiés. Le premier, également souligné par le HCFP, porte sur les difficultés de recrutement que rencontre l'ensemble de la fonction publique, et plus particulièrement le ministère de la justice. Le déficit d'attractivité des métiers de la justice pourrait ainsi conduire à une sous-exécution du schéma d'emplois, ce qui remettrait en cause les objectifs détaillés dans le rapport annexé. Toutefois, de nombreuses mesures sont prises pour pallier ces difficultés, notamment la revalorisation de la rémunération des magistrats et des greffiers, ainsi que la requalification des personnels de surveillance pénitentiaire en catégorie B.
Le second risque concerne le contexte inflationniste, qui pourrait conduire à des surconsommations de crédits s'agissant des dépenses immobilières de la mission. Il nous faut être attentifs aux effets produits par la hausse des prix.
Par ailleurs, je regrette que les dispositions de l'article 1er ne soient pas suffisamment précises. J'estime que la programmation du ministère devrait être ventilée en fonction des différents programmes de la mission, afin que nous puissions nous prononcer sur la répartition des moyens qui lui seront alloués. De même, en dehors des recrutements de magistrats, de greffiers et de conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation (CPIP), nous ne disposons pas beaucoup d'informations sur la répartition des 10 000 emplois qui seront créés en cinq ans.
Le projet de loi avait initialement pour objectif d'offrir au ministère de la flexibilité pour ajuster l'allocation des moyens au plus près des besoins. Je pense néanmoins qu'à l'instar de ce qui avait été retenu dans le cadre de la loi de programmation pour 2018-2022, des précisions auraient pu au moins être apportées dans le rapport annexé. J'espère les obtenir pour la semaine prochaine.
Je vous propose d'adopter l'article 1er et, par voie de conséquence, d'approuver le rapport annexé.