La commission des lois, saisie pour avis sur le projet de loi visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces, a en effet bénéficié dans ce cadre, de la part de la commission des finances, d'une délégation au fond sur les articles 1er à 5, 8, 8 bis et 11 à 11 quater.
Le premier bloc des articles délégués porte sur le droit de visite douanière, quintessence de l'action des douanes, dont le fondement juridique, l'article 60 du code des douanes, a été jugé contraire à la Constitution par une décision du 22 septembre 2022. Cette censure prenant effet le 1er septembre prochain, il nous appartient d'adopter un nouveau dispositif pour éviter de priver la douane de sa capacité d'action. Ce vide est comblé par les articles 1er à 3, l'article 2 étant le cœur du dispositif.
L'article 1er modifie la définition de la zone terrestre du rayon des douanes en fixant sa profondeur à 40 kilomètres et en supprimant toute possibilité d'extension par le pouvoir réglementaire – ce qui est inconstitutionnel et a déjà été jugé comme tel.
L'article 2, qui constitue la principale mesure sur le droit de visite, remplace un laconique dispositif de deux lignes, non modifié depuis 1948, par onze articles qui, dans la droite ligne de la décision du Conseil constitutionnel de septembre dernier, précisent les conditions et modalités d'exercice du droit de visite douanière.
Schématiquement, le droit de visite sera possible, sans motif particulier, dans les zones exposées à l'international, en s'appuyant sur un critère géographique ; c'est le nouvel article 60-1 ; il sera également possible partout ailleurs sur le territoire en cas de raisons plausibles de soupçonner la commission d'une infraction ou pour rechercher certaines infractions particulières – comme la contrefaçon ou les violations à la législation des stupéfiants ; ce sont les nouveaux articles 60-2 et 60-3.
Est également prévu un droit de visite des locaux professionnels.
Tout cela sera très bien encadré par les nouveaux articles 60-5 à 60-9, qui peuvent être considérés comme inscrivant dans la loi les garanties dégagées par la Cour de cassation, par exemple l'interdiction des fouilles intégrales ou le fait que la visite ne peut immobiliser les personnes, marchandises ou véhicules que le temps strictement nécessaire.
L'article 3 transpose ces garanties à la visite des navires.
L'article 4 porte sur les conditions d'interpellation d'auteurs d'infractions de droit commun par les douaniers, pour les conduire devant un officier de police judiciaire ou un officier des douanes judiciaires.
Enfin, l'article 5 porte sur les contrôles aux frontières.
Le second bloc d'articles délégués comprend deux dispositions présentes dans le projet de loi lors de son dépôt au Sénat, les articles 8 et 11, ainsi que quatre dispositions ajoutées par le Sénat.
L'article 8 complète les dispositions déjà existantes en matière de procédures spéciales d'enquête douanière. Il permet à des agents spécialement habilités de procéder, pour les infractions les plus graves, à des sonorisations et fixations d'image, sur autorisation du juge des libertés et de la détention, pour une durée d'un mois renouvelable.
Le nouvel article 8 bis, créé par un amendement du rapporteur pour avis du Sénat, permet d'appliquer les dispositions du code de procédure pénale relatives à l'enquête, à la poursuite, à l'instruction et au jugement en matière de criminalité organisée aux délits douaniers commis en bande organisée.
L'article 11 instaure une expérimentation, d'une durée de trois ans, permettant l'exploitation élargie du dispositif de lecture automatisée des plaques d'immatriculation (Lapi) afin de contrer la sophistication grandissante des modes opératoires des délinquants.
Introduit par un amendement du sénateur Jérôme Bascher, l'article 11 bis permet aux agents des douanes, de la police nationale et de la gendarmerie nationale chargés de missions de police aux frontières de « se communiquer sur demande ou spontanément tous les renseignements et tous les documents détenus ou recueillis à l'occasion de leurs missions respectives en matière de franchissement des frontières ».
Inséré par un amendement du Gouvernement sous-amendé par le rapporteur, l'article 11 ter crée la catégorie d'agents des douanes judiciaires. Ces agents, qui disposent des mêmes prérogatives que celles dévolues aux agents de police judiciaire, sont ainsi chargés de suppléer les officiers des douanes judiciaires.
Enfin, l'article 11 quater, lui aussi introduit par un amendement du Gouvernement, permet aux agents des douanes de recourir aux caméras aéroportées – aux drones – dans le cadre de leur mission de lutte contre les mouvements transfrontaliers de tabac, ainsi que de la surveillance des frontières.
Notre commission a adopté sans modification les articles 1er, 4 et 5, tout comme le Sénat, ainsi que les articles 11 bis et 11 quater, et n'a apporté aux articles 3, 8 bis, 11 et 11 ter que des aménagements rédactionnels, là encore comme le Sénat. Elle a également adopté sans modification les articles 11 bis et 11 quater.
Concernant l'article 2, les sénateurs ont salué l'équilibre du dispositif et leurs modifications n'ont pas remis en cause son économie générale. La commission des lois a validé la plupart de ces modifications et, à mon initiative, a apporté plusieurs aménagements rédactionnels, mais elle est revenue sur deux modifications du Sénat en particulier.
D'abord, s'agissant des lieux exposés à l'international où l'exercice du droit de visite est plus souple, nous avons rétabli sur ma proposition la notion des « abords » des gares, ports et aéroports, à la place du « rayon de 10 kilomètres » qu'avait prévu le Sénat. La notion d'« abords » est connue, existe en procédure pénale pour les contrôles, et le rayon de 10 kilomètres aurait conduit à couvrir de façon excessive certaines zones, par exemple toute l'agglomération parisienne. Cette modification a donc été motivée par le souci de sécuriser juridiquement le dispositif.
Ensuite, afin de sécuriser l'action opérationnelle des douanes, la commission a adopté mon amendement rétablissant la tentative de commission d'infraction comme justification du droit de visite, comme cela existe déjà pour les contrôles d'identité.
L'article 2 que nous vous soumettons est donc équilibré et concilie efficacement sécurité juridique et capacité opérationnelle des douanes.
Enfin, à l'article 8, la commission des lois a adopté un amendement de M. Roger Vicot précisant que les agents des douanes chargés de réaliser des sonorisations et captations d'image sont spécialement formés et habilités par le ministre chargé des douanes dans des conditions fixées par décret.
Je vous invite à adopter les amendements votés par la commission des lois hier et les articles ainsi modifiés que vous lui avez délégués.