Je commencerai par les questions du président. Pour ma part, je ne mets pas en concurrence la réserve opérationnelle et les effectifs douaniers. Il s'agit uniquement de permettre à des personnes qui occupent un emploi par ailleurs d'apporter un appui ponctuel aux douanes, soit pour faire face à un surcroît d'activité imprévu ou prévu, comme dans le cas des Jeux olympiques, soit pour les faire profiter de compétences spécifiques. L'exemple que j'ai cité tout à l'heure concernant les actifs numériques me semble assez éloquent. Des salariés du secteur privé peuvent disposer d'une expertise et avoir envie d'aider leur pays. La réserve opérationnelle fournira un cadre légal à cette coopération.
Pour répondre à la rapporteure, le lancement de la réserve opérationnelle va se faire avec prudence. Notre objectif est d'atteindre 300 équivalents temps plein en deux ans. Un bilan du dispositif pourra être effectué dans un rapport au Parlement, comme le suggèrent les amendements de Mme Dalloz ou de M. Blanchet.
Je ne crains pas non plus de concurrence entre les réserves. Les enseignements que nous pouvons tirer de ce qui existe pour la police et la gendarmerie montrent qu'elles n'entraînent pas de réduction des effectifs. Au contraire, ceux-ci n'ont jamais autant augmenté que ces dernières années. Pour la douane, la création d'une réserve peut être l'occasion de faire découvrir ses missions et de donner envie à certaines personnes de la rejoindre.
Le président Coquerel a comparé les effectifs douaniers en France et en Allemagne. J'invite toujours à la prudence dans ce genre d'exercice. La comparaison ne doit pas tant prendre en compte les kilomètres de frontières que l'intensité des flux commerciaux et la part qu'ils représentent dans le PIB. Or, même si nous mettons tout en œuvre pour la rattraper, l'Allemagne est nettement devant nous dans ce domaine. Par ailleurs, les douaniers allemands n'ont pas les mêmes missions que les douaniers français. Les douaniers allemands sont tous officiers de police judiciaire, ce qui leur confère des pouvoirs d'enquête en matière de trafic de stupéfiants que n'ont pas leurs collègues français. De même, de 10 000 à 15 000 d'entre eux sont chargés de lutter contre le travail illégal, alors qu'en France cette responsabilité incombe aux Urssaf et à d'autres services qui ne dépendent pas des douanes.
Des comparaisons sont parfois effectuées aussi avec les douaniers italiens, qui n'ont pas non plus les mêmes missions et les mêmes compétences que les douaniers français.
S'agissant de la politique migratoire, cela fait trente ans que les douaniers s'investissent dans ce domaine, depuis les accords de Schengen ! Aujourd'hui, un peu plus de 1 500 douaniers sont par ailleurs garde-frontières. Je ne dis pas que la politique migratoire doit devenir la priorité pour nos douaniers, mais le fait est qu'ils travaillent déjà en coopération avec la police aux frontières et avec la gendarmerie pour sécuriser certains points de passage vers notre territoire. Ils continueront à le faire et nous souhaitons renforcer leurs moyens d'action, en leur donnant la possibilité d'utiliser des drones dans le cadre de la surveillance migratoire, comme dans celui de la lutte contre le trafic de tabac. Dans les Alpes du Sud et dans les Pyrénées, les marchandises transitent par la montagne : dans une telle configuration, les drones peuvent être redoutablement efficaces.
Je voudrais rassurer Mme la rapporteure sur le fait que les données numériques saisies sont protégées. Un service dédié de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) est en charge de cette mission. Il assure la protection des serveurs et leur mise aux normes, ainsi que le respect des référentiels. Toutes les garanties sont apportées en ce qui concerne l'exploitation des données dans le cadre de l'enquête et leur conservation à des fins de preuves pour la durée du dossier. La sécurité informatique est assurée par le chiffrement des données et leur stockage sur un réseau dédié. Les fichiers sont déclarés à la Commission nationale de l'informatique et des libertés, qui mène d'ailleurs des inspections, comme elle l'a fait il y a quelques mois auprès des douanes.
Monsieur le rapporteur général, vous m'avez interrogé sur le lien entre ce projet de loi et le plan de lutte contre les fraudes que j'ai présenté. Plusieurs mesures de ce texte relèvent de la feuille de route de lutte contre les fraudes, en particulier l'injonction numérique, prévue à l'article 12, et la refondation du service d'enquête judiciaire des finances, avec un article 11 ter qui crée le statut d'agent de douane judiciaire. D'autres mesures y concourent également, comme la mise en avant de l'action de la direction des douanes dans la lutte contre les flux illicites, qui fera l'objet d'une stratégie financière dédiée, l'introduction d'une retenue d'argent liquide à l'intérieur du territoire ou la réforme du délit de blanchiment douanier. Les dispositions relatives à la lecture automatisée des plaques d'immatriculation permettront en outre des avancées opérationnelles majeures.