J'ai plaisir à être avec vous pour cette audition, qui sera suivie de l'examen du projet de loi que je défends pour renforcer les moyens d'action de nos douaniers. Je me réjouis de constater que ces enjeux intéressent et mobilisent, puisque près de 120 amendements ont été déposés dans cette commission et près de 140 en commission des lois.
Ce projet de loi est historique, puisqu'il s'agit du premier spécifiquement dédié à l'action de la douane depuis 1965. Il est essentiel pour permettre à nos douaniers d'obtenir des résultats. Je profite de cette occasion pour saluer le travail absolument remarquable et le très grand professionnalisme de ces agents qui, de jour comme de nuit, à nos frontières comme à l'intérieur du territoire, luttent résolument contre les trafics. Notre enjeu est de leur permettre de continuer à agir.
L'année 2022 a été celle de tous les records, puisque 105 tonnes de stupéfiants ont été saisies. Nos douaniers interceptent plus de 70 % des saisies de stupéfiants dans notre pays, alors qu'ils sont 17 000, dont 8 000 affectés à la surveillance. Cela traduit une efficacité remarquable. Par ailleurs, 11,5 millions d'articles de contrefaçon ont été retirés du marché et près de 650 tonnes de tabac illégal saisies.
Comme vous le savez, l'une de mes priorités est la lutte contre la contrebande et le trafic de tabac, qui ont explosé. En 2017, nous saisissions environ 200 tonnes par an. L'an dernier, nous avons atteint 650 tonnes. Nos services sont certes de plus en plus efficaces, mais nous devons aussi admettre que les trafics continuent à augmenter dans notre pays. Nous devons donc faire preuve de davantage de fermeté.
Nous pouvons nous retrouver très largement autour de ce texte, même si nous aurons des débats concernant la création de la réserve opérationnelle, les pouvoirs du procureur de la République en matière de saisie de documents et de contenus numériques, la responsabilisation des plateformes en matière de lutte contre la contrefaçon ou le renforcement des sanctions pénales pour les trafiquants de tabac.
S'agissant de la réserve opérationnelle, plusieurs députés, comme M. Sansu, M. Bouloux et Mme Leduc, demandent la suppression de l'article 7. Ils posent en réalité la question des moyens et des effectifs. Nous y reviendrons, mais permettez-moi de rappeler d'emblée que nous sommes au rendez-vous à ce sujet : pour la période 2022-2025, le contrat d'objectifs et de moyens assure à la douane plus de 148 millions d'euros supplémentaires et une garantie de stabilité de ses effectifs. La réserve opérationnelle n'a pas vocation à se substituer à des effectifs douaniers.
Les réservistes seront placés sous l'autorité d'agents douaniers. Ils permettront de faire face à des pics d'activité, qui peuvent être anticipés, comme les Jeux olympiques, ou non, comme l'accostage de l'Ocean Viking dans le sud de la France : pour organiser le débarquement en urgence de ses passagers, ce sont les douaniers qui avaient été mobilisés, et des réservistes pourront être utiles dans ce type de cas.
La réserve opérationnelle est également un moyen de faciliter le partage de compétences et d'expériences. L'un des défis majeurs que les douaniers ont à relever concerne l'essor des actifs numériques et des crypto-monnaies. Des spécialistes de ces sujets, travaillant dans des entreprises privées, peuvent avoir envie d'aider leur pays pendant leur temps libre et de mettre leur expertise au service des douanes. La réserve opérationnelle fournira le cadre légal leur permettant de le faire.
Nous disposons déjà d'une réserve opérationnelle pour la police nationale et la gendarmerie nationale. Des douaniers en exercice y sont réservistes, et je souhaite que des policiers et des gendarmes puissent aussi être réservistes auprès des douanes. Il est important de favoriser ce partage des expériences.
Tous ces débats sont légitimes, mais le soutien plein et entier à l'action de nos douaniers, la nécessité de sécuriser juridiquement leur action – je pense à la mise en conformité du droit de visite, qui est traité dans les articles 1 à 5 et relève donc du champ de la commission des lois – et celle de leur donner de nouveaux pouvoirs pour adapter leurs moyens à la réalité des menaces actuelles et futures sont autant de sujets qui peuvent nous rassembler et sur lesquels nous pouvons travailler ensemble pour enrichir le texte.
Le projet de loi qui vous est soumis est ambitieux. Il s'agit d'abord de modifier l'article 60 du code des douanes pour mettre le droit de visite en conformité avec la Constitution, sans pour autant entraver l'action opérationnelle de nos douaniers. Je vous rappelle le délai qui nous a été laissé par le Conseil constitutionnel : si aucun texte n'est adopté avant le 1er septembre, les douaniers n'auront alors plus le droit d'ouvrir un coffre de voiture ni d'exercer à nos frontières cette prérogative essentielle qu'est le droit de visite. C'est donc une nécessité absolue que d'adopter ce texte.
Nous proposons un triple encadrement du droit de visite. Les principes dégagés par la jurisprudence de la Cour de cassation au fil des années seront inscrits dans la loi. Une prérogative de contrôle étendue sera maintenue dans la zone frontière, sans changement par rapport à la situation actuelle, et justifiée par la nature même des infractions douanières. Enfin, deux cas d'usage du droit de visite à l'intérieur du territoire seront prévus. Il sera possible de le mettre en œuvre soit sur le fondement de raisons plausibles de soupçonner que la personne contrôlée a commis une infraction douanière, soit après information préalable du procureur de la République. Nous voulions éviter – et nous avons réussi, puisque le Conseil d'État a validé la nouvelle rédaction – que nos douaniers soient contraints d'obtenir une autorisation préalable du procureur de la République à chaque fois qu'ils veulent exercer leur droit de visite à l'intérieur du territoire. Leur obligation portera uniquement sur une information par tout moyen, ce qui leur permettra de disposer d'un cadre assez souple pour agir en dehors du rayon de la frontière.
Mais ce projet de loi est bien plus ambitieux que cela. Il veut également donner à la douane les moyens de lutter efficacement contre des trafics qui explosent et des menaces qui se multiplient.
Le texte confirme ainsi le positionnement de la douane à l'intérieur du territoire, en lui donnant de nouveaux moyens d'action et, je l'ai dit, une réserve opérationnelle. Il restaure en outre la douane dans ses prérogatives d'investigation. Le principal enjeu est d'adapter les pouvoirs douaniers à des phénomènes récents, comme l'essor du commerce en ligne ou la généralisation des actifs numériques, et de focaliser leur action sur la criminalité organisée et pas uniquement sur la multiplication des saisies. Ce texte constitue l'une des déclinaisons de la feuille de route de la lutte contre toutes les fraudes aux finances publiques que j'ai présentée il y a quelques semaines. Il est également l'occasion d'alourdir certaines sanctions, notamment pour le trafic de tabac.
Dans certains quartiers, à Paris ou à Toulouse par exemple, la vente à la sauvette de tabac de contrebande ou de contrefaçon s'assimile à du véritable harcèlement sur la voie publique. Elle est souvent le fait d'étrangers en situation irrégulière. Nous souhaitons donc que le juge puisse, comme pour la vente de stupéfiants, prononcer une peine complémentaire d'interdiction du territoire français.
Les trafics de tabac sont une plaie pour la santé des Français, puisque les cigarettes qui sont vendues sont généralement plus nocives que les cigarettes classiques. Ils sont également source de nuisances et d'insécurité. Le produit de ces trafics finance en outre une criminalité grave et des réseaux mafieux.
Les trafics de tabac sont également une plaie pour le réseau des buralistes, dont nous avons besoin partout dans notre territoire. Dans beaucoup de villages et certains quartiers, ils sont le dernier lieu de lien social. Ils sont également un lieu d'accès aux services publics, puisque nous leur avons donné, dans une logique de diversification de leurs ressources, la possibilité d'encaisser le paiement des amendes et des factures du quotidien ou de servir de relais pour les colis postaux. Le réseau des buralistes est déjà pénalisé par l'augmentation de la fiscalité – que nous assumons, car elle est justifiée par des raisons de santé publique. Ils ne peuvent pas en plus supporter que des paquets de cigarettes soient vendus deux fois moins cher à quelques mètres de leurs boutiques ou en ligne. Nous devons être beaucoup plus fermes et plus efficaces, ce qui sera possible avec l'alourdissement des sanctions.
Des amendements ont été déposés pour renforcer encore les sanctions liées au trafic de tabac. Nous en discuterons, mais le texte proposé prévoit déjà un alourdissement significatif, puisque les peines d'emprisonnement passeraient d'un à trois ans, et de cinq à dix ans pour le trafic en bande organisée.
Nous souhaitons également sécuriser les pouvoirs douaniers qui présentent des fragilités juridiques : au-delà de ce texte, un travail de recodification du code des douanes, qui n'a pas eu lieu depuis 1948, sera engagé.
Les douanières et les douaniers comptent sur nous. Ils attendent de la clarté, de la précision et des moyens d'action. Je sais qu'ensemble, nous serons capables de les leur apporter, leur permettant ainsi d'assurer la protection de nos frontières et surtout de nos compatriotes. Nous le leur devons.