Monsieur le ministre délégué, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, j'ai choisi d'étudier la mise en œuvre du plan de rénovation des cités administratives et des sites multi-occupants par la direction de l'immobilier de l'État (DIE), plan financé par le programme budgétaire 348. En effet, en tant que rapporteure spéciale de la mission Transformation et fonction publiques, je suis convaincue que l'immobilier peut être un véritable levier de transformation de l'action publique, à la fois en termes d'amélioration des conditions de travail des agents – cela facilitera le maintien en poste pour certains et le recrutement pour les autres – et de modernisation des locaux de l'administration pour les usagers. Il s'agit aussi de l'exemplarité de l'État sur les plans environnemental et budgétaire.
Le programme budgétaire 348 Rénovation des cités administratives et autres sites domaniaux multi-occupants a été créé par la loi de finances initiale pour 2018, avec une enveloppe budgétaire fermée de 1 milliard d'euros. Aujourd'hui, la quasi-totalité des projets est en cours et il m'a semblé pertinent de faire un premier bilan, presque cinq ans après le lancement de ce programme. Sur 1 milliard d'euros de ressources pour la période de 2018-2022, 874 millions ont été engagés au 31 décembre 2022.
Ainsi, j'ai voulu étudier deux aspects du plan de rénovation des sites administratifs et des cités multi-occupants. Dans un premier temps, j'ai souhaité identifier les difficultés rencontrées et dresser un premier bilan d'étape sur la réalisation des objectifs fixés. Dans un second temps, il m'a semblé indispensable de réfléchir de manière plus large sur la stratégie immobilière de l'État, dans un contexte où le parc immobilier doit répondre aux défis de la transition écologique.
Tout d'abord, le programme 348 cible l'investissement immobilier autour de trois priorités : offrir aux services de l'État des locaux mieux adaptés à leurs missions de service public, accélérer la transition énergétique du parc immobilier de l'État et, enfin, poursuivre une logique de mutualisation des implantations immobilières, source d'économies énergétiques et budgétaires. Je me suis également intéressée à la façon concrète dont les projets ont été conduits par les porteurs de projets, c'est-à-dire les services déconcentrés de l'État, sous l'autorité des préfets de département. J'ai pu, par exemple, échanger avec ces services sur les outils à leur disposition pour conduire des projets de cette ampleur. Ils m'ont ainsi fait part de l'intérêt du recours au marché global de performance, qui permet d'inscrire le contrat dans une approche par objectif et non d'en faire une succession d'étapes de travaux à réaliser.
En outre, le programme immobilier que j'ai évalué intègre des objectifs d'aménagement des espaces de travail favorables à une plus grande flexibilité, induite notamment par le développement du télétravail et le renforcement des pratiques de travail collectif. Surtout, je suis particulièrement sensible au fait que des services nouveaux sont offerts aux agents, par exemple des crèches ou des salles de sport, et qu'une meilleure mutualisation des restaurants inter-administratifs est permise, ce qui facilite la vie des agents et évite des complexités de gestion.
Je me suis rendue sur le site du chantier de construction de la cité administrative de Nantes, où j'ai pu observer l'engagement et le professionnalisme des services de l'État sur un projet exemplaire en matière environnementale. Ce projet illustre, à mon sens, ce que peut être une administration moderne, en matière tant de conditions de travail des agents que d'accueil de l'usager. Je tiens en outre à insister sur le fait que le programme de rénovation des sites administratifs sera valorisé sur le long terme, si une continuité sur le volet exploitation et maintenance est assurée ensuite.
Au regard des besoins dont m'ont fait part les agents auditionnés, monsieur le ministre délégué, est-il prévu de consolider les compétences immobilières au sein de l'État, en particulier dans les services déconcentrés ?
Ce travail d'évaluation m'a aussi permis de prendre la mesure du parc immobilier de l'État. Près de 94 millions de mètres carrés sont occupés par celui-ci et ses opérateurs en France et à l'étranger, ce qui est sans équivalent parmi nos voisins européens. La gouvernance immobilière du parc de l'État se singularise aussi par sa complexité. J'ai ainsi pu constater un éclatement des budgets immobiliers. En plus du programme 348 qui finance un programme à vocation interministérielle, les dépenses immobilières sont majoritairement portées par 47 programmes budgétaires ministériels, ainsi que par le compte d'affectation spéciale Gestion du patrimoine immobilier de l'État. Malgré l'existence d'un document de politique transversale (DPT) sur la politique immobilière de l'État, annexé au projet de loi de finances, il reste complexe d'avoir une vision globale de cette politique et de ses acteurs. Monsieur le ministre délégué, quel regard portez-vous sur l'éclatement des budgets en matière immobilière ?
Enfin, afin d'atteindre les objectifs fixés en matière de transition environnementale, la rénovation de l'immobilier public est un levier essentiel. Les échanges avec la direction de l'immobilier de l'État et l'agence de l'immobilier de l'État ont permis d'étudier comment la stratégie immobilière de l'État se déployait en pratique dans le cadre du programme de rénovation des sites administratifs mais également de mettre en lumière certaines limites de l'organisation actuelle. Un vecteur financier dédié permettrait d'assurer une unité de mise en œuvre de la stratégie immobilière et de donner une priorité aux sujets environnementaux. Ainsi, il pourrait être utile de faire du programme 348 le programme référent afin de mener la transition environnementale des bâtiments de l'État, dans la continuité du plan de rénovation des cités administratives actuelles et, en parallèle, les projets financés par les crédits du plan de relance.
La mise en œuvre d'une stratégie immobilière d'État au service de la transition environnementale suppose une plus grande unité, en évitant la parcellisation des stratégies immobilières par ministère. Si ces derniers doivent impérativement conserver une autonomie d'action, afin de mettre en cohérence l'immobilier qu'ils occupent avec les missions qui leur sont confiées, ils devraient respecter les grandes orientations fixées au plan interministériel.
Pour conclure, monsieur le ministre délégué, en tant que représentant de l'État propriétaire, quelles sont les principales orientations que vous souhaiteriez donner à la stratégie immobilière de l'État pour les années à venir, notamment au regard de l'objectif de transition environnementale des bâtiments publics ?
Je vous rappelle mes principales recommandations : ajouter au programme 348 un indicateur de performance permettant de mesurer les économies d'énergie en cours de réalisation ; valoriser les travaux de rénovation en assurant dès leur achèvement une gestion renforcée de l'entretien maintenance, soit par la montée en compétences des équipes locales, soit par le recours à la structure spécialisée telle que l'Agence de l'immobilier de l'État ; faire du programme 348 le programme référent, afin de mener la transition environnementale des bâtiments ; engager une réflexion sur l'évolution de la gouvernance de la politique immobilière de l'État ; compléter le dispositif de labellisation des opérations immobilières, afin de l'adapter aux nouveaux enjeux de l'immobilier public.