Monsieur le ministre délégué, monsieur le rapporteur général, chers collègues, le sujet du droit à l'erreur a fait beaucoup parler de lui lors du précédent quinquennat. L'article 1727 du Code général des impôts énonce que « toute créance de nature fiscale, dont l'établissement ou le recouvrement incombe aux administrations fiscales, qui n'a pas été acquittée dans le délai légal donne lieu au versement d'un intérêt de retard ». Le 23 janvier 2018, dans le cadre du projet de loi pour un État au service d'une société de confiance, le ministre chargé de l'action et des comptes publics, M. Gérald Darmanin, qui avait peut-être l'article 1727 en tête, avait cité le Général de Gaulle : « l'administration, c'est mesquin, petit, tracassier ». Je suis assez bien placé pour savoir que ce n'est pas le cas mais l'ambition du texte était précisément d'apporter un démenti à cette allégation et de substituer à l'image d'une administration de qualité, mais parfois tatillonne et mal perçue, celle d'une administration plus bienveillante à l'égard de ses usagers, qui conseille avant de contrôler et de réguler.
À l'époque, le ministre avait indiqué que la création d'un droit à l'erreur était sans doute la pierre angulaire du texte. Nous devons poursuivre dans cette voie. Le principe du droit à l'erreur est simple et est énoncé à l'article 2 de la loi pour un État au service d'une société de confiance, dite ESSOC : « Une personne ayant méconnu pour la première fois une règle applicable à sa situation ou ayant commis une erreur matérielle lors du renseignement de sa situation ne peut faire l'objet, de la part de l'administration, d'une sanction, pécuniaire ou consistant en la privation de tout ou partie d'une prestation due, si elle a régularisé sa situation de sa propre initiative ou après avoir été invitée à le faire par l'administration dans le délai que celle-ci lui a indiqué. » La question de la bonne foi est donc posée, ainsi que celle du dialogue entre l'administration et celui qui fait l'objet d'un contrôle. Cet article présente toutefois un caractère supplétif, c'est-à-dire qu'il s'applique en l'absence de dispositif spécifique régissant l'application du droit à l'erreur dans un domaine donné.
En matière fiscale, le droit à l'erreur est décliné par deux autres articles de cette même loi. L'article 5 prévoit une réduction de moitié du taux d'intérêt de retard lorsque le contribuable contrôlé dépose spontanément une déclaration rectificative, dès lors que cette régularisation porte sur une erreur ou une omission commise de bonne foi, non intentionnelle, et que le paiement des droits correspondants est effectué lors du dépôt de la déclaration rectificative ou selon l'échéancier consenti par le comptable public. L'article 9 prévoit une réduction de 30 % si une régularisation intervient au cours d'un contrôle ; cette possibilité existait déjà auparavant mais elle était réservée aux contribuables professionnels, et la loi ESSOC l'a étendue à toutes les procédures de contrôle fiscal.
La DGFiP– j'ai interrogé à ce propos le directeur général, ses équipes, les organisations syndicales et de nombreux autres acteurs – s'est beaucoup mobilisée afin que ses agents s'approprient ces dispositions et puissent les appliquer. Le droit à l'erreur est évoqué dans les modules de formation des agents : 41 500 de ces derniers ont bénéficié d'une formation Mise en œuvre de la loi ESSOC à la DGFIP depuis 2019. De plus, 11 900 agents ont bénéficié d'une formation spécifique centrée sur le contrôle fiscal, ESSOC pour les vérificateurs. En 2020, 98 % des agents ont déclaré connaître le droit à l'erreur et 79 % ont déclaré avoir été formés ou informés sur les modalités de mise en œuvre de ce droit. Il est donc désormais totalement connu par les différents services de la DGFiP, en particulier les services des impôts des particuliers.
La communication destinée au contribuable est également importante. Il est fait mention du droit à l'erreur de façon systématique dans tous les courriels qui ont été envoyés en masse à des publics spécifiques, notamment les 196 millions de mails envoyés en 2022. Ont été aussi mises des informations sur les formulaires, les notices, le portail de la DGFiP, sur les comptes de la DGFiP sur les réseaux sociaux…
Il semble toutefois subsister des marges de progression. Selon l'enquête annuelle de satisfaction réalisée à la fin de l'année 2022 auprès des usagers, seuls 57 % des particuliers savaient ce qu'était le droit à l'erreur. Une enquête a été menée au mois d'avril dernier par OpinionWay pour CCI France : 42 % des chefs d'entreprise n'ont jamais entendu parler du droit à l'erreur et 19 % connaissent la notion mais ne savent pas bien ce qu'elle recouvre. Monsieur le ministre délégué, pouvez-vous évoquer les actions qu'il est prévu de mener dans les prochains mois et les prochaines années ?
En 2021, 77 % des usagers particuliers effectuant des démarches relatives aux impôts faisaient confiance à l'administration pour apporter conseils et solutions lorsqu'ils rencontrent des difficultés ou commettent des erreurs de bonne foi. Cette proportion a progressé de six points par rapport à 2018. De plus, 83 % des chefs d'entreprise et 90 % des comptables pensaient que l'administration serait en mesure de les aider à corriger leurs éventuelles erreurs. Ces chiffres sont extrêmement encourageants et nous devons féliciter les agents du ministère à qui nous devons ces excellents résultats. La société de confiance est au rendez-vous.
Le taux d'intérêt est de 0,2 % par mois, soit 2,4 % par an. Il se justifiait par le contexte d'inflation basse et de taux d'intérêt réduits dans lequel il a été fixé, par la loi de finances rectificative pour 2017. Cependant, le taux de l'obligation assimilable du trésor (OAT) à dix ans est de 3 % aujourd'hui et les taux directeurs de la BCE sont compris entre 3,25 % et 4 %, pour un taux d'inflation d'un peu plus de 6 %. Le taux retenu par les pays voisins est un peu plus élevé. En Belgique, il est de 4 % pour les impôts directs, de 8 % pour la TVA. Au Luxembourg, il est de plus de 7 % pour la TVA. Aux Pays-Bas, il est de 4 % dans le cas général. Le taux d'intérêt retenu pourrait donc ne pas suffisamment indemniser l'État du préjudice lié au retard de l'acquittement de l'impôt. Il peut éventuellement nuire au caractère incitatif de la réduction consentie en application de cette loi. La question se pose donc de son éventuel relèvement, quitte à accompagner cette évolution d'une plus forte réduction – pourquoi pas 60 % ou 70 % ? – accordée aux contribuables de bonne foi aux conditions des articles 5 et 9 de la loi ESSOC.
La direction générale des finances publiques insiste sur le fait que chaque changement de taux nécessite de modifier des applications informatiques qui intègrent le calcul d'intérêt, et complexifie les procédures de contrôle et de recouvrement. Nous avons donc pris note qu'elle ne souhaitait pas de changements trop fréquents de ce taux, et je le comprends. Toutefois, ce dernier n'a pas été réévalué depuis plus de six ans, ce qui pose question.
Par ailleurs, il semble que plus de données pourraient être recueillies sur l'application du droit à l'erreur et sur la déclaration rectificative. Quelles erreurs sont les plus fréquentes ? Pourquoi les contribuables les commettent-ils ? Comment s'aperçoivent-ils de leurs erreurs ? L'administration fiscale pourrait sans doute apprendre de ses usagers. L'évolution du nombre de déclarations rectificatives et la nature des rectifications ne semblent pas toujours très bien connues. Ainsi, pour les particuliers, les seules données statistiques suivies par les services sont le nombre de corrections en ligne durant la période d'ouverture du service de télécorrection et le nombre de déclarations rectificatives déposées entre la date limite de dépôt et la date de fermeture du service à la fin du mois de juin. Le nombre de déclarations rectificatives des résultats des entreprises n'est pas connu. La DGFiP ne dispose pas non plus d'éléments sur la nature des erreurs rectifiées. Recueillir ces informations permettrait pourtant d'envisager des actions d'information ou de simplification plus spécifiques.
Au final, je suis favorable à préconiser des ajustements en termes d'information, de taux et de suivi, plutôt que de substantielles modifications, qui ne seraient pas opérantes dans la mesure où les résultats sont au rendez-vous. Je félicite d'ailleurs les agents qui ont permis ces résultats. Sur la mise en œuvre du droit à l'erreur, je porte un jugement largement positif : il est correctement appliqué, notamment grâce à un calcul de l'intérêt de retard largement automatisé, à une application systématique de la réduction prévue dans le cas du dépôt spontané d'une déclaration rectificative, sans même que le contribuable doive en solliciter le bénéfice. Il s'agit d'une véritable révolution culturelle, qui contribue à la qualité des relations entre l'administration et les usagers, avec des contrôles qui se concluent plus rapidement et de manière plus consensuelle. Servir une société de confiance était un objectif, c'est aussi une réalité que nous contribuons à construire par des mesures très concrètes.
Au-delà du droit à l'erreur, quel bilan faites-vous, monsieur le ministre délégué, des dispositifs et actions par lesquels l'administration fiscale entend accompagner et conseiller le contribuable ?