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Intervention de Laurence Boone

Réunion du mercredi 14 juin 2023 à 11h00
Commission des affaires étrangères

Laurence Boone, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes :

Merci pour cette introduction chaleureuse et pour ce panorama de l'histoire européenne.

Le deuxième sommet de la CPE s'est tenu le 1er juin à Chisinau. Je commencerai par présenter les principaux éléments qui ont expliqué son succès, dans la continuité du sommet de Prague. J'évoquerai ensuite les livrables, à la fois politiques et concrets, qui permettent d'ancrer la CPE dans notre paysage géostratégique, de la faire vivre et de la renforcer dans la perspective des prochains sommets en Espagne, le 5 octobre, puis au Royaume-Uni, en 2024.

J'ai eu le plaisir d'accompagner le président de la République à ce sommet, rendu très spécial par sa géographie. Il s'est en effet tenu à proximité de la capitale moldave et a rassemblé les chefs d'État et de gouvernement de quarante-sept pays, puisque plusieurs pays l'ont rejoint depuis sa première édition. Étaient également présents la présidente de la Commission européenne, le haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, la présidente du Parlement européen, le président du Conseil européen, ainsi que, le matin, Volodymyr Zelensky. Le message le plus fort était celui de l'unité et du soutien de l'Ukraine et de la Moldavie face à la Russie mais ce sommet a également marqué la détermination à réunir des pays qui ne sont pas dans l'Union européenne et ne tiennent pas nécessairement à y entrer, avec lesquels nous avons à relever des défis communs, comme autant de membres de la famille européenne.

Ce sommet s'est inscrit dans notre paysage de discussion géopolitique. En cela, la CPE est un succès dont nous pouvons être fiers.

Il a fallu mener un travail de conviction auprès de nos partenaires européens, pour lever leurs doutes quant à nos intentions. D'aucuns, rappelant la Confédération européenne que vous avez mentionnée, pensaient que l'objectif était d'éviter l'élargissement de l'Union. Il fallait aussi les convaincre de l'intérêt politique de cette communauté.

Le travail effectué a visé à clarifier plusieurs points.

Concernant l'articulation entre la CPE et l'élargissement, un travail de conviction restait nécessaire. Grâce aux paroles du président de la République, tout le monde a compris, en particulier les pays candidats, que la CPE permettrait de renforcer l'ancrage européen avec des projets concrets, sans attendre l'aboutissement du processus d'élargissement et sans constituer pour autant une chambre d'attente.

S'agissant de la nature institutionnelle de la CPE et du risque de concurrence avec d'autres structures, il nous importait de défendre un format à la fois intergouvernemental et souple. Aussi associons-nous les institutions européennes, tout en respectant l'autonomie décisionnelle de l'Union et sans considérer cette dernière comme un secrétariat. De surcroît, nous avons la volonté de ne pas dupliquer des organisations européennes existantes.

Sur le fond, notre premier objectif visait à envoyer un message d'unité dans le contexte persistant de la guerre en Ukraine et à renforcer le dialogue politique à l'échelle du continent autour de sujets faisant l'objet d'un intérêt commun et d'inquiétudes partagées : la paix, la stabilité du continent, l'énergie, le climat et l'économie.

Les nombreux échanges bilatéraux qui se sont tenus, illustrant l'ampleur politique de la CPE, sont eux aussi cruciaux pour la stabilité du continent. À Prague, le président Macron, le président du Conseil européen Charles Michel et les dirigeants d'Arménie et d'Azerbaïdjan avaient échangé et conclu un accord pour l'envoi d'une mission européenne d'observation dans la zone de conflit entre ces deux pays. À Chisinau, le président de la République a eu des échanges de qualité avec plusieurs interlocuteurs des Balkans, ainsi qu'avec son homologue moldave.

Le deuxième objectif visait à avancer dans plusieurs champs de coopération. Tel a été le cas dans trois champs prioritaires – sécurité ; énergie ; connectivité et mobilité – et plusieurs livrables concrets ont été produits.

Le premier concerne l'extension de la cyber-réserve de l'Union européenne aux pays qui le souhaitent, avec l'envoi d'experts dans le domaine cyber en cas d'attaque. Un deuxième a trait au développement de centres communs d'expertise, selon le modèle du centre franco-slovène de capacités cyber pour les Balkans, basé au Monténégro. L'objectif est de former aux métiers du cyber, pour faire face à la désinformation et à la mésinformation qui sapent la confiance dans nombre de pays de la CPE. Un troisième livrable a consisté dans le lancement d'une coopération dans la lutte contre les manipulations d'informations. Quiconque se rend dans l'Est ou le Sud-Est de l'Europe constate nécessairement les ravages de la désinformation. Peuvent également être cités la protection des infrastructures critiques, sur le fondement d'une directive européenne, les avancées dans les projets d'interconnexion énergétiques ou l'approfondissement de travaux pour l'harmonisation des infrastructures ferroviaires, tant sur le plan pratique – comme la largeur des rails – qu'en matière de sécurité.

Tous les membres de la CPE ont pu exprimer leur soutien à la Moldavie, là encore de façon concrète, avec le lancement d'une série d'actions.

La première, qui est la plus symbolique pour les citoyens, concerne la réduction des frais d'itinérance entre l'Union européenne et ce pays. Cet accord volontaire, qui sera effectif au 1er janvier 2024, a bénéficié d'une mobilisation française importante et du rôle de la Commission européenne. Un soutien économique et financier supplémentaire est également apporté par le triplement des investissements potentiels dans le cadre du plan économique et d'investissement pour la Moldavie, sous forme de garanties, de prêts ou de subventions. Une nouvelle aide de 100 millions d'euros pour les besoins de court terme illustre le soutien au secteur énergétique moldave, alors qu'une grande part de l'énergie passe par la Transnistrie ou des régions touchées par la guerre en Ukraine. Le soutien civilo-militaire européen est matérialisé par une mission civile de l'Union européenne visant à renforcer les capacités moldaves de lutte contre les menaces hybrides et l'ingérence étrangère, et en matière de cybersécurité. Enfin, le soutien aux réformes liées à l'adhésion de la Moldavie à l'Union européenne est très attendu. En l'occurrence, les effectifs de la délégation de l'Union européenne à Chisinau seront renforcés.

Ces avancées démontrent l'utilité de la CPE à la fois comme laboratoire géopolitique ou outil de politique régionale et comme enceinte de discussions stratégiques. Pour la faire vivre, de prochains sommets se tiendront à Grenade, le 5 octobre, puis au Royaume-Uni au printemps 2024. À ce stade, l'Espagne souhaite centrer les travaux sur les mobilités douces, la connectivité, les échanges interpersonnels, les infrastructures, l'énergie et la jeunesse, tandis que le Royaume-Uni envisage comme priorités l'énergie, la sécurité et la lutte contre les migrations illégales.

Montrer l'unité du continent est essentiel pour peser davantage face à la Russie. Ce signal diplomatique et géopolitique permet aussi de montrer que la France est une puissance d'initiative européenne. Il convient de continuer et d'avancer avec des propositions concrètes, sans rien dupliquer. Toutes vos propositions en ce sens seront les bienvenues.

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