Effectivement. Grâce au soutien de la France et de nombreux autres pays, nous pouvons garantir le maintien de cette politique de non-reconnaissance de l'autonomie de ces territoires. Récemment, la ministre de l'Europe et des affaires étrangères de la France, Mme Colonna, a visité Tbilissi, ce qui a constitué un message fort de soutien politique à notre pays. Alors que nous avançons vers notre trajectoire européenne, nous avons été encouragés notamment par les annonces faites par votre ministre, qui a réaffirmé le fait que la France était prête à soutenir la Géorgie, afin qu'elle devienne un pays candidat à l'UE d'ici la fin de l'année. Nous espérons désormais un soutien encore plus affirmé de la part de nos amis Français lors de ce tournant de l'histoire de la Géorgie.
Nous vivons dans un monde de changements géopolitiques qui entraînent des turbulences politiques, économiques, militaires, sociales et environnementales. Pour la Géorgie, ce processus douloureux prend la forme d'une agression continue de la Russie en Ukraine ou de la résurgence de la confrontation militaire entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan.
Suite à l'invasion russe de l'Ukraine, l'architecture européenne de sécurité a été l'objet d'immenses pressions. À cet égard, nous comprenons parfaitement la souffrance et la douleur de l'Ukraine. La Géorgie a connu, elle aussi, l'agression de la Russie dans les années 1990 et encore en 2008. Cette agression a abouti à l'occupation de deux régions géorgiennes, l'Abkhazie et la région de Tskhinvali. Elle a également entraîné l'expulsion forcée de centaines de milliers de personnes de leurs villes ou de leurs villages.
Malheureusement, l'occupation russe et la violation des droits des populations locales se poursuit aujourd'hui de différentes manières : la « frontiérisation », le kidnapping de citoyens et l'annexion sournoise de ces territoires géorgiens, qui représentent près d'un cinquième de la surface totale de mon pays.
Malheureusement, au début des années 1990 et en 2008, malgré tous nos appels et nos avertissements, nous n'avons pas reçu de réponses suffisantes de l'Ouest. Certains pays européens – et l'UE encore aujourd'hui – refusent de qualifier les actions russes en Géorgie par leur nom – c'est-à-dire une occupation –, en dépit des nombreux jugements de la Cour européenne des droits de l'Homme, qui ont reconnu que la Russie exerce un contrôle effectif sur ces territoires occupés.
Heureusement, nous observons aujourd'hui une réponse forte et unie de la part de l'Europe face aux actions agressives de la Russie. De notre côté, nous sommes solidaires de l'Ukraine, à la fois par les mots mais à travers des mesures politiques et diplomatiques solides. Je rappelle que ces mesures sont prises dans le contexte d'une présence militaire illégale de la Russie, à quelques kilomètres de notre capitale Tbilissi. La Géorgie est donc confrontée à un risque d'escalade militaire ; et pourtant nous ne sommes pas protégés par l'OTAN, ni par un quelconque parapluie sécuritaire. À l'aide de nos propres moyens, nous avons soutenu l'Ukraine dans son juste combat pour recouvrer son intégrité territoriale.
Dans cette situation géopolitique difficile, la Géorgie maintient fermement ses priorités en matière de politique étrangère. Tout d'abord, nous restons un partenaire fiable pour l'OTAN et l'UE en ce qui concerne les questions de sécurité internationale. À titre d'exemple, nous avons ainsi participé à des missions de maintien de la paix cruciales en Afghanistan mais aussi au Mali et en République centrafricaine, au côté de la France. Ensuite, notre politique vis-à-vis de la Russie se fonde sur une approche responsable, qui vise à réduire la menace d'une invasion russe directe et qui a été soutenue par la France et d'autres partenaires stratégiques.
La Géorgie demeure en outre un pilier important de la stabilité dans le Caucase du Sud, notamment en ayant joué le rôle de médiateur pour la paix entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan.
Elle continue aussi de développer des partenariats mondiaux, afin d'obtenir la fin de l'occupation de son territoire par la Russie et la non-reconnaissance internationale de ses territoires occupés.
Enfin, la Géorgie est un allié de l'Europe en ce qui concerne les défis mondiaux comme le changement climatique et la lutte contre le terrorisme.
Chers collègues parlementaires, depuis plusieurs décennies, l'européanisation a été le moteur des politiques internes et étrangères de la Géorgie. Elle est aussi le moteur du programme de démocratisation de mon pays. De fait, la Géorgie s'inscrit aujourd'hui dans une perspective européenne, sur la route qui mène à l'adhésion à l'UE. Plus aucune question ne se pose quant au futur européen de la Géorgie, dont de nombreuses générations ont rêvé.
Nous avons été très rigoureux pour répondre aux douze priorités qui nous permettront d'atteindre le statut de pays candidat à l'Union européenne. Nous avons commencé à y travailler immédiatement après la parution de l'avis du Conseil européen, il y a près d'un an. Grâce à un processus interne de mise en œuvre très intensif, inclusif et transparent, multipartite, nous avons ainsi mis en œuvre près de 80 % des priorités listées par l'UE. Nous l'avons fait en coopération étroite avec les organisations de la société civile, avec nos partenaires dans l'Union et avec la Commission de Venise du Conseil de l'Europe, ainsi que l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE).
Quelle que soit la personne ou l'entité qui évalue ces progrès aujourd'hui, il est indéniable que nous avons créé des bases solides et durables pour le futur européen de la Géorgie. Le 19 avril 2023, nous avions transmis à l'Union européenne notre premier rapport de contribution au paquet de la Commission sur l'élargissement, qui sera publié à l'automne 2023. Ce document présente le travail substantiel que nous avons réalisé cette dernière année et décrit les progrès accomplis dans de nombreux domaines, et notamment – de manière non exhaustive – s'agissant de la concurrence des marchés publics, des services financiers, du droit du travail, de l'Etat de droit, de la protection de la santé et des consommateurs, de la liberté des médias, de la politique sociale et l'emploi, de l'agriculture et de l'éducation.
Nous espérons que la performance de la Géorgie sera évaluée correctement et que les décisions seront prises selon le mérite de notre pays. Il est crucial de ne plus différencier la Géorgie des autres pays aspirant à rejoindre l'UE. Le rapport analytique de la Commission publié en janvier 2023 confirme les progrès remarquables que nous avons réalisés en matière de convergence juridique et institutionnelle avec l'UE, dans près de tous les secteurs. Ce rapport confirme également que la Géorgie a été leader parmi les aspirants à l'ouverture de négociations d'adhésion et qu'elle métrite donc d'obtenir ce statut de candidat, qu'elle méritait d'ailleurs déjà il y a un an. Malheureusement, nous n'avons pas été entendus à l'époque, ce qui a suscité une vive déception. Toutefois, nous avons refermé ce chapitre et nous regardons désormais vers le futur, en travaillant avec diligence et beaucoup d'espoir.
En conséquence, le peuple et le gouvernement géorgiens s'attendent à ce que le statut de candidat soit accordé à la Géorgie cette année. Nous espérons également que les négociations d'adhésion à l'Union européenne commenceront en même temps que celles concernant l'Ukraine et la Moldavie.
Accorder à la Géorgie ce statut de candidat dynamisera encore plus notre démocratie et offrira aussi un élan aux autres pays de la région, leur permettant de s'embarquer dans ce chemin de transformation démocratique.
Par ailleurs, la Géorgie n'est pas simplement bénéficiaire de l'aide européenne : elle contribue également aux causes de la sécurité européenne, notamment le soutien aux missions de politique de sécurité et de défense commune (PSDC) de l'UE en Afrique. J'ajoute que notre pays a fourni le plus grand nombre de personnels militaires par habitant dans les opérations de paix, notamment en Afghanistan,
Depuis le début de l'agression russe en Ukraine, la diversification des approvisionnements énergétiques européens est devenue un problème aigu. Aujourd'hui, la Géorgie est un élément essentiel du « corridor du milieu », qui pourrait être la route la plus courte et la plus sûre pour approvisionner l'Europe de manière alternative.
Le projet de câble électrique sous-marin en mer noire crée des opportunités de transit pour des énergies vertes et renouvelables entre l'UE et le Caucase du Sud. Il s'agit là d'un des efforts les plus récents pour promouvoir la diversification de cet approvisionnement énergétique. Nous sommes prêts à continuer de travailler avec l'Union européenne pour améliorer la connectivité dans la mer noire mais aussi pour ouvrir de nouvelles routes énergétiques, de transport de fret ou des nouvelles connexions numériques, qui se traduiront par une croissance économique durable et par une plus grande résilience du côté européen.
Pendant toutes ces années, la Géorgie a fait de son mieux pour devenir membre de l'Alliance atlantique et entrer dans l'UE, en dépit du danger réel des représailles russes. Bien que la Géorgie soit devenue interopérable avec l'OTAN, que nous ayons développé des institutions démocratiques qui répondent aux normes de l'Alliance et que nous ayons aussi codifié l'intégration européenne et euro-atlantique dans notre Constitution, la Géorgie a quand même été laissée de côté. Je rappelle d'ailleurs que les Etats de l'OTAN s'étaient pourtant engagés à en faire un membre de l'organisation, en avril 2008, lors du sommet de Bucarest.
Il est extrêmement important de voir des progrès tangibles dans la dimension politique de ce processus d'intégration. Nous comprenons qu'il est difficile d'obtenir de grandes avancées avant la fin de la guerre en Ukraine et la victoire ukrainienne. Toutefois, il est nécessaire de débuter des discussions sur la forme possible d'une nouvelle architecture de sécurité en Europe.
En tant que pays en transition, la Géorgie affronte toujours des défis, alors que nous tentons de bâtir une société solide, résiliente et démocratique. Toutefois, nous sommes certains qu'avec l'appui de nos amis, en France et au-delà, nous pouvons surmonter ces obstacles et concrétiser notre vision d'un avenir prospère et pacifique. Il est temps que nos partenaires occidentaux viennent nous aider à sortir de cette impasse sécuritaire dans laquelle nous nous trouvons et de nous accorder l'accession que nous méritions à l'OTAN et à l'UE.
Depuis quinze ans, la balle est du côté de l'Ouest, de l'Union européenne et de l'OTAN. Le président Emmanuel Macron est un soutien fort de la cause européenne. Il est donc temps que l'UE investisse dans une paix à long terme, en prenant les mesures immédiates pour accorder le statut de candidat à la Géorgie cette année et en débutant les négociations d'adhésion.
Nos deux nations partagent des périodes d'histoire communes. Aujourd'hui, nous sommes unis dans notre poursuite d'un futur démocratique et européen. Que dieu bénisse cette relation entre la Géorgie et la France et que notre partenariat continue de se poursuivre et de prospérer pendant de longues générations.