Je m'adresse à vous aujourd'hui en remplacement de mon collègue Roger Vicot, qui m'a demandé de vous faire part de la position du groupe Socialistes et apparentés sur ce projet de loi.
Alors que nous nous apprêtons à adopter définitivement le texte, je pense utile d'inscrire notre examen dans le temps long et les vastes espaces de la Polynésie, en rappelant certains éléments de contexte.
Tout d'abord, parce que la géographie décide bien avant les hommes, soulignons les spécificités du territoire polynésien : les quarante-huit communes polynésiennes couvrent un espace grand comme l'Europe comprenant 121 îles, dont seules 76 sont habitées par quelque 300 000 Polynésiens et Polynésiennes. « L'histoire passe par les mêmes chemins que la géographie » disait François Mitterrand : c'est une histoire tout aussi ample qu'il conviendrait de dérouler pour comprendre ce territoire, mais je me contenterai de rappeler l'évolution récente, spécifique à la Polynésie, du statut des communes et de leurs agents.
La loi organique du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française a conféré à ses communes le statut de collectivité territoriale. Mais ce n'est qu'avec l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 4 janvier 2005 que le personnel communal en Polynésie française a pu bénéficier d'un statut de droit public. En effet, jusqu'à cette date, les quelque 4 700 agents communaux employés par les quarante-huit communes relevaient d'un statut de droit privé, et étaient donc soumis à des situations très hétérogènes. Cette première ordonnance, qui définissait un statut uniforme permettant à tous les fonctionnaires des communes de Polynésie de disposer des mêmes droits et obligations que les fonctionnaires territoriaux de l'Hexagone, tout en tenant compte des contraintes financières des communes et de leurs groupements, avait déjà fait l'objet d'une première mise à jour en 2011.
Il convient aujourd'hui d'actualiser à nouveau le statut des fonctionnaires polynésiens et de transposer les apports des dernières lois concernant la fonction publique, notamment ceux de la loi de 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, dite loi Lebranchu : c'est l'objet du projet de loi. L'ordonnance entend également répondre en partie aux revendications exprimées par les agents communaux lors du grand mouvement de grève de mai 2017. Elle constitue ainsi l'aboutissement d'une longue période de concertation, que le mouvement social a permis d'ouvrir, entre le Gouvernement et les instances politiques et syndicales de Polynésie française.
L'ordonnance renforce les garanties accordées aux fonctionnaires, en les alignant sur le droit commun de la fonction publique, et nous devons nous en réjouir. À titre d'exemple, la liste des motifs ne pouvant donner lieu à discrimination est complétée par l'identité de genre, la situation de famille et l'état de grossesse ; l'interdiction des agissements sexistes et du harcèlement sexuel est formalisée ; le temps partiel thérapeutique ainsi que le congé paternité et d'accueil de l'enfant sont institués. Ce sont autant d'avancées dont on ne peut que se réjouir, tout en déplorant qu'elles soient si tardives.
Par ailleurs, l'ordonnance étend à la fonction publique communale de Polynésie française les obligations déontologiques énumérées par le statut général de la fonction publique en application de la loi Lebranchu, à savoir, d'une part, le respect des principes de dignité, d'impartialité, d'intégrité, de probité, de neutralité et de laïcité ; d'autre part, la prévention des conflits d'intérêts.
Nous nous retrouvons donc cet après-midi pour ratifier cette nouvelle ordonnance, dont les dispositions ont été utilement complétées par le Parlement à travers l'introduction de plusieurs articles additionnels. Certains de ces articles ont provoqué des débats animés, mais toujours enrichissants, notamment grâce à nos collègues polynésiens, qui ont su transmettre leur connaissance autant que leur passion de ce territoire.
L'examen du texte aura été une nouvelle occasion de constater qu'à gauche et à droite de l'hémicycle, nous ne partageons pas la même vision de la fonction publique. Pourtant, nous ne pouvons que saluer la démarche qui a conduit à une adoption unanime du texte au Sénat et à l'Assemblée nationale, puis à celle d'un texte de compromis dans le cadre de la commission mixte paritaire. Nous sommes parvenus à nous retrouver autour du projet de loi et avons, je crois, répondu à une attente ancienne et légitime des communes polynésiennes et de leurs agents.
Pour toutes ces raisons, le groupe Socialistes et apparentés votera en faveur de ce texte de progrès et d'égalité.