Beaucoup a été dit sur le budget de 2021. J'en évoquerai certains aspects, techniques tout d'abord, même s'ils ne se dissocient jamais complètement des aspects politiques. Le budget de 2021 a été marqué par des reports massifs et inédits des crédits inutilisés en 2020, à 31,6 milliards d'euros, dont 28,75 milliards pour la seule mission Plan d'urgence face à la crise sanitaire. Ces crédits ont été entièrement reportés et utilisés en 2021, sans aucun contrôle démocratique. Une telle méthode nous interroge quant à la sincérité budgétaire et à la place du Parlement – lequel n'avait voté que 6 milliards d'euros de crédits pour la mission "Plan d'urgence face à la crise sanitaire" pour 2021.
Un autre élément, certes moins marquant, de l'exécution du budget de 2021 réside dans le rebond des recettes par rapport aux anticipations de la loi de finances rectificative. Ce rebond concerne en partie l'impôt sur les sociétés – preuve que les entreprises ne se portent pas si mal –, mais surtout la TVA, impôt payé par l'ensemble de nos concitoyens sans distinction de revenus. Cela renvoie à l'aspect politique du texte, et à l'injustice fiscale qui le caractérise : tandis que les prélèvements qui frappent l'ensemble de nos concitoyens augmentent, vous continuez à supprimer certains impôts, en droite ligne de la politique fiscale que vous menez tambour battant depuis cinq ans. Vous avez poursuivi ce dépeçage fiscal en 2021, en divisant de moitié la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), impôt économique payé majoritairement par les entreprises de taille intermédiaire (ETI) et les grandes entreprises. La CVAE était pourtant le principal impôt qui garantissait un lien économique entre le territoire et les entreprises.
Dans la lignée de cette vision du monde où un petit groupe d'acteurs – contribuables aisés et grandes entreprises – peut s'exonérer de payer sa juste part d'impôts, vous avez refusé d'introduire toute mesure de solidarité fiscale dans les trois lois de finances pour 2021, alors même que notre pays était confronté à une situation inédite appelant des dépenses exceptionnelles.
Depuis le début de la crise du covid, nous savons que le débat de la mise à contribution des plus aisés ne s'éteindrait pas ; la preuve en est qu'il alimente encore les discussions budgétaires. Dès 2020, nous avons proposé une contribution exceptionnelle sur l'impôt des grandes entreprises et une augmentation de la contribution exceptionnelle des hauts revenus. Vous les avez systématiquement refusées. En 2021, la question était toujours d'actualité. Elle est encore plus brûlante aujourd'hui, à l'heure où d'autres pays consentent à de telles mesures et où les profits records s'accumulent.
L'excellente santé de TotalEnergie et de la CMA CGM a été amplement évoquée, mais c'est bien l'ensemble du CAC40 qui se porte à merveille, avec 174 milliards d'euros de bénéfices. Face à de tels chiffres, il n'y a pas lieu d'ouvrir un débat sémantique sur le terme « superprofits ». Une mise à contribution des grandes entreprises aurait une valeur symbolique essentielle, dans une période où l'iniquité fiscale a érodé le consentement à l'impôt. Plus encore, votre refus systématique d'envisager de telles mesures a une conséquence économique bien palpable : le déficit public ne cesse de croître, pour atteindre 161 milliards d'euros en 2021. Votre politique de la caisse vide justifiera inévitablement de nouvelles baisses des dépenses et des réformes antisociales – tout cela est désormais bien connu. Pour ces raisons politiques, nous nous opposerons une fois de plus au projet de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2021.