Je suis très heureux de vous retrouver ce matin dans cet hémicycle pour l'examen de la proposition de loi visant à renforcer l'accompagnement des élus locaux dans la mise en œuvre de la lutte contre l'artificialisation des sols. Peu de sujets concentrent autant d'enjeux.
La lutte contre l'artificialisation des sols participe en effet à la lutte contre l'érosion de la biodiversité, car l'artificialisation en est la première cause ; à la lutte contre le dérèglement du cycle de l'eau, car un sol artificialisé ne peut plus jouer son rôle dans ce cycle du fait qu'il empêche la nappe phréatique de se recharger et accélère ainsi les phénomènes de ruissellement ; à la lutte contre le dérèglement climatique, car un sol artificialisé ne stocke plus de CO?. Elle contribue en outre à la préservation de la souveraineté alimentaire de notre pays, car elle participe à la conservation d'espaces pour l'agriculture dans un contexte où on voudrait lui faire porter beaucoup de choses, sans toujours tenir compte de la réalité.
Depuis 1981, 2 millions d'hectares ont été artificialisés. Autrement dit, nous avons plus artificialisé les sols de notre pays en cinquante ans qu'en cinq cents ans, alors que cette augmentation n'est pas corrélée à la hausse de la population durant cette période et que le ratio du nombre de mètres carrés artificialisés par habitant montre que nous avons davantage construit que nos voisins.
Face à l'urgence, le Parlement – votre assemblée et le Sénat – a adopté une trajectoire de zéro artificialisation nette (ZAN) dans le cadre de la loi « climat et résilience », qui traduit un double engagement.
Le premier est de diviser par deux la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers (Enaf) au cours de la décennie 2021-2031 par rapport à la décennie 2011-2021, ce qui revient à prolonger la baisse déjà observée de la consommation d'espaces naturels, avec un effort supplémentaire permettant de tenir un objectif moyen de consommation de l'ordre de 12 500 hectares par an. La loi n'a donc pas créé une rupture dans les pratiques d'aménagement, puisqu'elle ne fait qu'amplifier une tendance, tout en demandant aux territoires un effort supplémentaire, mais limité.
La marche suivante est de parvenir en trente ans à un usage des sols de zéro artificialisation nette. Cet objectif, que nous devrons donc atteindre en 2050, devra être mesuré par le solde entre les surfaces nouvellement artificialisées et les surfaces rendues à la nature – à l'occasion de certains débats, j'ai parfois l'impression que certains considèrent que cet objectif est déjà atteint.
Je précise que nous ne sommes pas seuls : bon nombre de nos partenaires européens ont d'ores et déjà adopté des mesures pour limiter l'artificialisation des sols et partagent l'objectif de zéro artificialisation nette à l'horizon 2050.
Depuis le début du parcours de ce texte, souhaité par le Sénat, notre objectif constant est de garantir l'application et le respect de cette trajectoire en privilégiant le dialogue et la concertation avec les élus locaux, à la fois parce qu'elle est issue d'un large vote de la représentation nationale et parce qu'elle est indispensable, pour toutes les raisons que je viens d'invoquer.
Cet esprit nous a donc animés dès la première lecture au Sénat. Il nous a conduits à y défendre des mesures de bon sens et de facilitation et s'est traduit par la volonté d'éviter que n'y soient adoptées des dispositions qui videraient de sa substance la trajectoire de sobriété foncière. De ce point de vue, le texte adopté au Sénat nous paraît améliorable, car trop de dispositions votées nous semblent compromettre la crédibilité de cette trajectoire.
Nous nous sommes donc efforcés, avant que ce texte ne soit examiné par l'Assemblée nationale, de mener de nouvelles concertations approfondies avec les associations d'élus, en particulier avec l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF), pour tenter de trouver le chemin du consensus dont notre pays a besoin.
Nous devons remettre sur le métier l'ouvrage législatif afin de garantir que les mesures de bon sens et de facilitation sur lesquelles nous sommes en accord depuis le début soient votées. Il s'agit de la prise en compte de la renaturation avant 2031 ; de la création de nouveaux outils – extension du droit de préemption ou mise en place de périmètres de sursis à statuer – pour aider les communes à mieux maîtriser les projets avant 2031 ; de la communication aux communes des données dont elles ont besoin pour mieux mesurer les effets de l'artificialisation et y réagir ; de la possibilité offerte aux communes littorales d'anticiper le recul du trait de côte ; de dispositions, cruciales dans cette discussion législative, relatives à la prise en compte des grands projets nationaux et au principe d'une garantie rurale.
La première difficulté est que certains grands projets de l'État, par exemple des infrastructures majeures telles que le canal Seine-Nord Europe, consomment beaucoup d'espaces à l'échelle d'une région.