Il y a plus de cinq mois, le 24 février 2022, Vladimir Poutine a déclaré la guerre à l'Ukraine. Les puristes me reprendront en précisant qu'il ne l'a pas fait officiellement : il a simplement poursuivi l'invasion de l'Ukraine entamée dès 2014 avec l'annexion de la Crimée et la guerre dans le Donbass. Mais même sans déclaration officielle, le résultat est le même. La guerre est en Europe : des bombardements à Kiev ou à Kherson ; des bombardements sur des infrastructures civiles, des hôpitaux, des maternités, des écoles ; plus de 7 millions de réfugiés ; des milliers de victimes civiles – 4 889 civils ukrainiens avaient été tués à la date du 5 juillet, selon le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme. Et combien de civils torturés comme à Boutcha ? Combien de femmes et de filles violées comme à Brovary ? Combien de villes martyres comme Marioupol ?
La guerre est en Europe. Dans ce contexte, l'Union européenne a été solidaire et n'a pas failli. On peut toutefois regretter que du traité instaurant la CECA – Communauté européenne du charbon et de l'acier – en 1951 au traité de Lisbonne de 2007, les principaux accords européens aient consacré une union économique, monétaire et commerciale, laissant de côté l'union politique. Nous, écologistes, défendons depuis toujours une Europe de la défense, dans le but premier de garantir la paix – une paix qui a volé en éclats à l'est de nos frontières. Nous continuerons de plaider pour une véritable défense européenne. Riche de l'expérience et des savoir-faire de ses armées, la France doit être le moteur de cette indispensable union, première pierre d'une Europe plus politique, à même de garantir notre souveraineté, notre intégrité géographique, le maintien de nos zones d'influence et notre autonomie diplomatique et stratégique à l'égard du partenaire états-unien.
Les sanctions économiques n'ont pas tardé, c'est vrai. Reconnaissons-le : sur ce terrain, l'Union est efficace. Mais face à la stratégie du pire, la dissuasion économique paraît parfois insuffisante. C'est manifestement le sentiment de la Finlande, voisine de la Russie, avec laquelle elle partage une frontière de 1 340 kilomètres qui l'expose – autant de kilomètres qu'il faudra peut-être protéger un jour. Un peu plus à l'ouest, la Suède, autre membre de l'Union européenne, esquisse le même mouvement stratégique. Ces deux pays nous disent nos faiblesses. Ils nous disent qu'ils sont en première ligne et que la Russie voisine pourrait ne pas s'arrêter là. Si le pire n'est jamais sûr, en matière de défense, anticiper est nécessaire.
Nous en sommes là : la guerre est de retour en Europe et certains membres de l'Union européenne se sentent menacés. Face à la violence extrême de l'invasion de l'Ukraine par la Russie, face au bouleversement des équilibres géopolitiques européens et mondiaux et en l'absence d'une défense européenne, nous comprenons évidemment la demande d'adhésion à l'Alliance atlantique exprimée par la Finlande et la Suède. Ces deux pays renoncent ainsi à leur neutralité historique : voilà qui dit beaucoup de l'état du monde. Les écologistes soutiennent les demandes formulées par deux nations souveraines. Néanmoins, dans cette période de tension, la ratification de tels protocoles d'adhésion ne doit pas se traduire par le déploiement des forces de l'Alliance en Suède ou en Finlande. Notre objectif doit être de garantir la protection de ces deux États, non d'exacerber une situation déjà dramatique.
Enfin, nous ne pouvons que regretter le comportement du président turc, qui a saisi l'occasion pour faire pression sur la Suède et la Finlande. Ses exigences concernant l'extradition de militants kurdes et la levée de l'embargo sur les ventes d'armes ne sont pas à la hauteur du moment. Elles représentent non seulement un recul en matière de respect des droits humains, mais également un danger, puisque la Turquie attaque celles et ceux qui ont été en première ligne dans la lutte contre Daech.
Les élus du groupe Écologiste – NUPES voteront cependant pour autoriser la ratification des protocoles. En aucun cas, toutefois, ce vote ne représente un aboutissement : il constitue plutôt un avertissement quant à la nécessité de construire une défense européenne à même de garantir notre souveraineté.