Je suis très heureux de représenter le Gouvernement pour l'examen de cette proposition de loi. Elle vous doit beaucoup, monsieur le rapporteur, comme à nombre d'entre vous. Je salue le travail accompli ces derniers mois, aboutissement de réflexions et de concertations menées pendant plusieurs années, dans de nombreux territoires de l'Hexagone et bien au-delà.
Je salue également M. David Valence, président du Conseil d'orientation des infrastructures, lequel réunit toutes les sensibilités politiques de l'Assemblée nationale et du Sénat. Dès la fin de l'année dernière, et surtout depuis février et la remise à la Première ministre de son rapport « Investir plus et mieux dans les mobilités pour réussir leurs transitions », le COI a permis d'engager le projet, souhaité par le Président de la République, de RER métropolitain, que le texte prévoit de renommer plus justement « services express régionaux métropolitains ».
Je rends hommage à votre action, monsieur Zulesi, car avec plusieurs de vos collègues, vous vous êtes emparé de cette grande ambition pour la faire aboutir. S'agissant d'un projet aussi capital, qui prévoit des transformations si importantes, il est remarquable de parvenir à proposer des outils budgétaires et juridiques quelques semaines seulement après la publication du rapport du COI et les annonces de la Première ministre.
J'espère que vous voterez ce texte essentiel, qui concrétise une grande ambition nationale, vieille de dix ans : la transformation des transports publics, notamment du quotidien. Ils apparaîtront désormais derrière l'acronyme Serm, et la transition écologique sera non plus une contrainte pour les mobilités, mais une chance.
Les travaux en commission ont permis d'apporter encore précision et clarté ; le texte qui en est issu explicite les grands principes du projet. D'abord, il renouvelle profondément notre culture des transports. Comme l'appellation « services express régionaux métropolitains » le souligne, la notion de service est au premier plan. Il s'agit d'améliorer les dessertes et les cadences – la qualité des transports publics. Cela nécessite évidemment des réseaux, des infrastructures, donc des investissements, mais l'objectif est bien d'offrir des services supplémentaires. L'exemple de Strasbourg révèle la hauteur de l'ambition et la difficulté opérationnelle de sa réalisation ; le déploiement du Serm exigera de vraies transformations, en particulier de l'organisation du transport public ferroviaire.
Ensuite, nous passons d'une culture d'opposition à une culture de coopération. Vous l'avez dit, monsieur le rapporteur, il ne s'agit pas de mettre les acteurs en concurrence ou d'en stigmatiser certains. Nous aurons évidemment besoin du groupe SNCF, au premier chef de SNCF Réseau, mais cet acteur historique devra coopérer avec d'autres plus récents, en particulier avec la Société du Grand Paris (SGP), que le texte prévoit de renommer « Société des grands projets », avec un principe de spécialité élargi.
Il s'agit là d'une autre innovation : nous n'avons pas l'habitude de capitaliser l'expérience acquise en matière de projets ; nous avons tendance à abandonner les structures précédentes. Or l'idée de votre proposition de loi, que je crois largement partagée – nous en débattrons lors de l'examen des amendements –, consiste à élargir et à renommer la Société du Grand Paris pour que son expertise acquise en Île-de-France serve l'ensemble du territoire. S'en priver aurait été un immense gâchis d'expérience, d'intelligence et de deniers publics.
Votre proposition de loi s'inscrit dans le cadre plus global de la grande ambition nationale qu'est le plan d'avenir pour les transports, que la Première ministre a présenté en février et que nous commençons à décliner. Il prend forme, notamment sonnante et trébuchante, puisque 100 milliards d'euros seront consacrés au domaine ferroviaire d'ici à 2040, notamment aux Serm. Nous engageons la négociation des contrats de plan État-région (CPER) ; les préfets de région ont reçu mandat du Gouvernement il y a quelques jours. Dans la plupart des régions, les négociations commencent bien ; je suis optimiste sur notre capacité à signer ces contrats avec toutes les régions d'ici l'automne, ce qui enverrait un signal très favorable.
Pour la première fois, 70 % des enveloppes que l'État investit dans les transports publics et le secteur ferroviaire seront destinés à la réalisation des CPER, ce qui représente un effort inédit, de même que le doublement des crédits consacrés à ces domaines. Très concrètement, 10 % de ce budget seront consacrés à la première phase des services express régionaux métropolitains. Nous ne perdons pas de temps pour donner à cette ambition une traduction visible dans chaque région, dès la fin de l'année. Votre proposition de loi fournit les outils budgétaires et juridiques nécessaires pour y parvenir, notamment en donnant aux collectivités concernées, en particulier la région et la métropole, la possibilité de créer les structures adéquates, afin qu'elles soient opérationnelles le plus vite possible.
Nous aurons besoin d'un soutien technique et il faudra que l'État valide chacun des projets que les collectivités proposeront. D'ici la rentrée, je créerai donc au ministère des transports une petite équipe de projet dédiée aux Serm, afin que nous disposions de tous les éléments d'organisation nécessaires.
Autre apport innovant du texte, la dimension multimodale est mise en avant dès l'article 1er . Aucune politique des mobilités, aucune politique de décarbonation n'est possible sans combiner les modes de transport, au lieu de les opposer entre eux. Lorsqu'on passe d'un trajet entièrement effectué en voiture individuelle à un trajet effectué en transport collectif à 80 %, et à 20 % en voiture individuelle parce que c'est nécessaire pour aller jusque chez soi, j'assume de dire qu'il s'agit d'un véritable progrès.
Votre texte ouvre d'ailleurs la voie pour adapter les Serm aux besoins de chaque territoire. Le ferroviaire occupe une place centrale, mais il existe différents modes de transports collectifs, comme le car express : une offre de services améliorée les combinera.
La différenciation est aussi un principe clé. Cette proposition de loi ne crée pas de contraintes, elle ouvre des facultés. C'est un texte de liberté, qui prévoit que les collectivités locales élaborent leur propre projet, qui sera validé et soutenu financièrement par l'État, et adaptent l'offre de services, les projets d'investissement et même les modalités de financement, à la réalité de chaque métropole ou de chaque région. À l'inverse d'une cote mal taillée qui s'appliquerait depuis Paris à chaque territoire, c'est un projet de liberté, de différenciation et de flexibilité.
Le développement des Serm est un projet politique au sens le plus large et le plus noble du terme, parce qu'il défend notre ambition de décarbonation tout en permettant plus de mobilité au quotidien, sans opposer l'une à l'autre.
Contrairement à ce qui a pu être dit, ce projet ne concerne pas Paris ; l'appellation « Réseau Express régional (RER) métropolitain » nous a sans doute collectivement induits en erreur. Au contraire, l'idée consiste à exporter certains des enseignements de l'action de la SGP vers l'ensemble du territoire, à la demande des collectivités et selon leurs compétences strictes. Il ne s'agit pas non plus d'un projet pour les centres-villes : « métropolitain » ne signifie pas que ces transports publics supplémentaires concerneront uniquement les cœurs de ville – même s'ils en ont aussi besoin.
En France, près de 90 % des déplacements entre 10 et 80 kilomètres se font en voiture. C'est à ces déplacements qu'il faut proposer des offres alternatives ou combinées avec des transports collectifs, des transports ferroviaires, des cars express ou des transports propres. Ce sont précisément ces transports de la périphérie, un peu éloignés du centre-ville, qui sont visés par la création des Serm. Il ne s'agit donc pas de proposer des modes de transport supplémentaires là où il y en a déjà beaucoup, mais d'aller plus loin en créant des transports alternatifs à la voiture pour ceux qui en sont les plus dépendants. Réussir la transition écologique en offrant plus de mobilité plutôt qu'en imposant davantage de contraintes : cette exigence politique est largement partagée sur ces bancs.
Pour toutes ces raisons, ce texte traduit une véritable ambition nationale en matière de transformation de la politique des transports. Il ouvre la voie à une décennie de travaux, d'engagements, de transformations et de combinaisons des modes de transport entre eux. Je tiens à nouveau à remercier celles et ceux qui ont travaillé d'arrache-pied depuis plusieurs semaines pour que ce texte soit examiné dès ce mois de juin. Je remercie d'autant plus les députés présents ce matin que l'horaire et la date de cet examen sont inhabituels.