Pour les communes de plus de 1 000 habitants, le législateur a instauré une règle de parité lors de la constitution des listes de candidats et candidates au conseil communautaire. Ce faisant, il s'est conformé à l'article 1er de la Constitution, qui pose le principe de parité en matière d'accès aux mandats électoraux et aux fonctions électives. Allant dans le même sens, le code électoral précise, dans son article L. 273-10, que le respect du principe de parité s'applique tout au long du mandat, y compris en cas de démission au cours de celui-ci.
Bien que le principe de parité posé à l'article 1er de la Constitution nous astreigne à une obligation de moyens et non de résultat, comme l'a souligné à plusieurs reprises le Conseil constitutionnel, il est de notre responsabilité politique, dans le contexte actuel, de faire de la parité homme-femme une réalité intangible. En la matière, notre engagement politique doit être, de même, intangible.
Les auteurs de la proposition de loi partent d'un constat : la vacance des sièges dans les conseils communautaires peut être préjudiciable à la représentation des communes, notamment des plus petites d'entre elles, qui disposent de peu de conseillers communautaires. Dans l'intérêt des communes, ce texte semble avoir pour ambition une conciliation équilibrée entre, d'une part, la nécessaire exigence d'égale représentation des femmes et des hommes dans les conseils élus des EPCI à fiscalité propre et, d'autre part, la juste représentation des communes membres au sein desdits conseils. Malheureusement, la solution proposée garantit davantage la représentation des communes que l'égale représentation des femmes et des hommes au sein des conseils communautaires. D'entrée de jeu, l'ambition affichée est faussée.
Pourtant, il existe bel et bien des solutions qui permettraient cette juste conciliation. Elles ont été évoquées au Sénat et nous les avons soulignées lors de l'examen du texte en commission : il s'agirait, entre autres options, de flécher au départ davantage de conseillers municipaux ou de limiter le dispositif proposé aux villes de moins de 3 500 habitants pour circonscrire ses effets.
L'examen de ce texte me contraint à évoquer l'histoire du combat des femmes pour la parité effective. Chacun le sait, c'est seulement depuis le 21 avril 1944 que nous, les femmes, sommes électrices et éligibles dans les mêmes conditions que les hommes. Ma mère et ma grand-mère ont attendu longtemps pour pouvoir voter. Et ce n'est qu'après l'adoption de la révision constitutionnelle de 1999 et l'instauration de dispositifs contraignants que la parité politique a progressé en France. Je pense notamment aux lois du 6 juin 2000 et du 31 janvier 2007 tendant respectivement à favoriser et à promouvoir l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ; à la loi du 17 mai 2013 relative à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires ; à la loi du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique. Il s'agit bien de textes adoptés en 2000, en 2007, en 2013 et en 2019 !
La législation favorisant la parité a donné des résultats contrastés. La proportion de femmes élues maires reste faible : à l'issue des élections de 2020, elle s'établit à 19,8 %, ce taux baissant à 18,8 % dans les communes de plus de 1 000 habitants. La loi ne posant pas d'obligation pour les têtes de liste, seules quatre femmes sont présidentes de région. Dans les exécutifs des conseils communautaires, nous ne voyons que des hommes. Bref, les femmes demeurent largement sous-représentées dans l'exercice des fonctions électives. En aucune façon il ne faut enfoncer le clou !
Voilà pourquoi, en responsabilité, le groupe Écologiste – NUPES s'oppose à cette proposition de loi. Nous nous y opposons parce qu'il existe des solutions qui permettent une conciliation équilibrée entre la juste représentation des communes et l'exigence d'égale représentation des femmes et des hommes dans les conseils communautaires. Nous nous y opposons parce que toutes les pistes n'ont pas été explorées, malgré l'obligation constitutionnelle de moyens qui s'impose pour assurer la parité en matière d'accès aux mandats électoraux et aux fonctions électives.
Je répète ce que j'ai dit en commission, notre opposition ne procède pas d'une insensibilité à la situation constatée, qui reste toutefois marginale. Il s'agit plutôt d'un refus de cautionner une solution inadaptée à un mal beaucoup plus profond : une démocratie locale malade. Dans un contexte de crise de l'engagement local, en particulier intercommunal, marqué par des démissions croissantes d'élus locaux et par une désaffection des élus à l'égard du mandat intercommunal, la question de la pertinence démocratique de nos structures locales mérite d'être posée de manière plus large.
À l'heure où les EPCI exercent des compétences structurantes pour la vie communale, ils pâtissent d'un déficit majeur de légitimité démocratique, à cause de la nature du mode de scrutin qui encadre l'élection des exécutifs communautaires. Cet éloignement démocratique suscite des interrogations. Quelque 1 254 EPCI sont concernés par ce déficit de légitimité démocratique.